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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 15 septembre 2009 à 21h30
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, de nombreux sujets importants ont été évoqués depuis cet après-midi. Je souhaiterais, pour ma part, revenir sur celui de la toxicomanie en prison.

Selon l'Observatoire français des drogues et toxicomanies, un tiers des détenus consomment des substances illicites. Le cannabis est la première substance consommée, mais 7 à 8 % des entrants souffrent d'une addiction à l'héroïne ou à la cocaïne ; 31 % ont un problème avec l'alcool et 78 % sont fumeurs. Enfin, il est à noter que la polyconsommation est très importante en milieu carcéral. Si cette réalité ne peut qu'être connue de tous grâce aux études menées par l'OFDT, la prise en compte intégrale de la toxicomanie en milieu carcéral semble encore sous-évaluée.

Concernant le cannabis, les principales problématiques concernent le marché noir qui sévit en prison – nous avons tous entendu parler de ces fameuses savonnettes de haschich qui tombent du ciel par-dessus les murs d'enceinte – et les conséquences psychologiques et sanitaires de l'utilisation de cette substance par une population déjà fragile. Rappelons en effet que les troubles psychologiques et psychiatriques sont vingt fois plus élevés en prison qu'en milieu ouvert et que 20 % des entrants déclaraient, d'après une étude de 2004 de l'INSERM et du Comité consultatif national d'éthique, avoir fait une tentative de suicide au cours des douze mois précédents.

Concernant l'héroïne et la cocaïne, la situation est encore plus complexe et encore plus difficile à assumer pour l'administration pénitentiaire. La circulaire n° 200257 du 30 janvier 2002 offre aux médecins exerçant en milieu carcéral la possibilité de prescrire de la méthadone, puis de la Buprénorphine haut dosage, dite BHD, ce qui est une bonne chose.

Pour autant, un certain nombre de questions et de situations restent aujourd'hui sans réponse. D'abord, il faut savoir que 28 % des prescriptions de produits de substitution en prison sont des primo-prescriptions. Réalisées le plus souvent dans l'urgence et sans que le continuum avec le suivi éventuel en amont de l'incarcération soit évalué, ces prescriptions peuvent parfois se révéler inefficaces, voire dangereuses.

L'hétérogénéité des pratiques d'organisation de la prescription pose problème. La situation est particulièrement paradoxale et grave : le milieu carcéral nie la réalité des conduites addictives des détenus ayant une dépendance aux opiacés. Ce sont souvent des « injecteurs compulsifs » qui ne peuvent retrouver la même sensation avec de la BHD sous forme perlinguale et qui, de fait, vont tout tenter pour continuer leurs injections en milieu carcéral.

Une étude menée par des étudiants-chercheurs en santé publique auprès des personnels des établissements pénitentiaires a révélé que près de 40 % des établissements estimaient le détournement des produits de substitution comme étant « fort » ou « très fort ». Cette réalité impose une réflexion sur l'accompagnement de ces conduites. À titre de comparaison, les acteurs des réseaux de produits de substitution à l'extérieur des prisons ont, depuis longtemps, pris l'habitude de donner à certains patients sous BHD des kits « stéribox » afin de s'assurer qu'aucun risque ne sera pris avec des seringues usagées…

D'une manière plus générale, ce sujet est à rapporter à celui des conduites à risque en milieu carcéral et, surtout, à la manière de les envisager. Soit l'on continue de penser que la prison ne connaît pas de conduites à risque, et nous nous trouvons face à un déni de réalité avec toutes les conséquences que cela implique, soit l'on admet que sexualité et mésusages de la BHD existent, et il faut ouvrir le débat.

C'est d'ailleurs ce qu'a fait Mme Bachelot, dans une audition du groupe d'étude sur le sida du 28 mai 2008, où elle proposait avec beaucoup de bon sens de « briser les tabous et les non-dits » en affirmant vouloir mettre en place un système de distribution de préservatifs et d'échange de seringues en prison.

Si la prison est là pour protéger la société de personnes l'ayant mise en danger, ne doit-elle pas aussi protéger ces mêmes personnes dans certaines de leurs pratiques ? Lors de votre présentation, madame la ministre, vous avez – rapidement – évoqué ce grave problème de santé publique qu'est la toxicomanie hors les murs des prisons et en prison.

À la lecture de ce projet de loi, je ne crois pas, madame la garde des sceaux, que vous ayez pris la mesure de ce fléau dans nos prisons, qui ressemblent davantage à des lieux de non-retour qu'à des lieux de réinsertion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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