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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 29 septembre 2009 à 21h30
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Je note, monsieur le ministre, que nous attendons toujours cet état des lieux. Je dis cela parce que, vendredi dernier, nous avons reçu une liste très longue – j'ai compté 518 nominations – du Secrétariat général du Gouvernement. En recoupant cette liste avec celle figurant dans le projet de loi, j'ai constaté avec surprise que certains des organismes figurant dans votre texte n'apparaissaient pas dans la liste du Secrétariat général du Gouvernement. C'est le cas – mais peut-être ai-je fait une erreur – du président du conseil d'administration de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. Il en est de même du Président de Radio France. Ce sont pourtant des nominations auxquelles procède le Président de la République.

Il faut donc nous rendre à cette incroyable évidence : notre assemblée est incapable d'établir une liste exhaustive des emplois pourvus par décret présidentiel.

Il y avait pourtant là, monsieur le rapporteur, une vraie opportunité : faire la clarté, si ce n'est remettre de la rigueur dans les interventions respectives du Président de la République et du Premier ministre.

Il fallait, monsieur le rapporteur, en finir avec cette répartition byzantine qui voit certains emplois non explicitement mentionnés par la Constitution mais qui entrent dans le champ de nomination du Président de la République tantôt visés par une disposition organique, tantôt visés par des dispositions réglementaires. Je sais – et notre rapporteur l'a justement rappelé – que François Mitterrand porte une part de responsabilité dans cet état de fait. Mais cette situation présente un avantage, reconnaissons-le, pour tous les Présidents de la République.

La loi organique que nous examinons était l'occasion de mettre enfin un terme à cette confusion ou à ce système « complexe et opaque », pour reprendre les mots de Jean-Luc Warsmann à l'occasion de la révision constitutionnelle. Malheureusement, cette occasion n'a pas été saisie et l'objectif reste à atteindre.

Dès lors, nous sommes fondés à nous interroger sur les critères qui ont prévalu pour l'élaboration de la liste des organismes qui figurent dans ce projet de loi

Prenons le cas des trois agences de sécurité sanitaire : l'Agence française de sécurité des aliments, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. Pour chacune d'entre elles, le code de la santé publique énonce que « le directeur et le président du conseil d'administration sont nommés par décret », sans autre précision. Dans la pratique, nous constatons que les directeurs généraux sont nommés par décret du Président de la République

Il y a là une interprétation extensive du code de la santé puisque le texte ne précise pas que la nomination relève du Président de la République. La logique au regard de la Constitution, c'est que ce soit le Premier ministre.

C'est vrai aussi pour les présidents des conseils d'administration de ces agences sanitaires. Pourtant, aucune de ces agences, monsieur le ministre, ne figure dans votre liste. Pourquoi ?

À l'inverse, nous trouvons dans votre texte l'Autorité des marchés financiers, dont le texte du 1er août 2003 révèle que la désignation du président par le chef de l'État n'a aucun fondement textuel explicite.

Au final, comme je l'avais indiqué lors de l'examen en commission, les projets de loi qui nous sont soumis s'avèrent bien étriqués et loin, très loin, de combler les attentes qu'on pouvait légitimement placer en eux. Ils sont amputés sur un plan arithmétique, ce qui serait sans doute un moindre mal s'ils n'étaient pas anémiés sur un plan qualitatif.

Je prends un autre exemple symptomatique. Il est certes intéressant que nous ayons à nous prononcer sur la nomination du président de Météo France, mais l'enjeu est limité. En revanche, aucun contrôle n'est envisagé pour la désignation du président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

La « protection des libertés publiques » était pourtant le coeur de la démarche poursuivie par le comité Balladur dans ses recommandations sur la modification de l'article 13. Cette ambition l'avait conduit à élaborer une liste d'une trentaine d'organismes oeuvrant dans le domaine de la défense du pluralisme qui devaient être concernés. Mais votre projet n'en retient que huit. Et encore en intégrant le Comité consultatif national d'éthique, ce qui, vous en conviendrez, implique une acception très large de la notion de pluralisme.

Par contre, outre celui dédié aux interceptions de sécurité, d'autres organismes ont disparu. Je cite pour mémoire la Commission nationale des comptes de campagne et des financements ou la Commission consultative du secret de défense nationale. De même votre texte est-il épuré sur le volet « régulation des activités économiques ». C'était pourtant le second domaine pour lequel le comité Balladur réclamait un véritable « encadrement ». De fait, il suggérait une liste cohérente, assez courte, qui comprenait par exemple la commission des participations et des transferts, qui a disparu du projet de loi organique.

En conclusion, monsieur le ministre, vous avez compris notre peu d'appétence envers un texte qui organise une procédure illusoire dans le cadre de laquelle le Parlement n'a pas réellement la capacité de s'opposer à la proposition présidentielle, qui ne fixe pas de critères précis dans la définition du champ des nominations soumises au Parlement et qui se refuse à clarifier la répartition des compétences au sein de l'exécutif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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