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Intervention de Antonio Maria Costa

Réunion du 17 septembre 2008 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Antonio Maria Costa, directeur exécutif de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime :

Je tiens à remercier les membres des deux commissions pour leurs propositions – j'en ai noté quinze ou seize –, auxquelles je souscris presque toutes. Je préciserai tout de même quelque peu mon point de vue.

Monsieur Fromion, votre analyse et votre comparaison avec la région du Chapare, en Bolivie, sont absolument correctes. Je souscris pleinement à votre proposition selon laquelle il faut s'engager dans les deux directions de la construction des infrastructures nécessaires et de la fermeté.

Monsieur Guillet, vous avez évoqué une approche plutôt fondée sur l'éradication, qui serait celle des Américains, et une autre, fondée plutôt sur la prévention, qui serait celle des Néerlandais. Cette question rejoint en quelque sorte celle de M. Bapt, qui évoquait l'éradication par voie aérienne.

Il existe trois façons de faire progresser l'éradication. La première, manuelle, est très coûteuse et très difficile et se traduit par des morts, en Colombie comme en Afghanistan. L'éradication aérienne, quant à elle, est très économique, mais pose d'autres problèmes – pas en Colombie cependant, où 166 000 hectares ont été éradiqués cette année par avion. Quant au refus du président Karzaï de recourir à cette méthode, rapporté par l'ambassadeur Schweich dans l'interview citée par M. Bapt, les Nations Unies ne peuvent évidemment pas aller au rebours de la volonté du président d'un État. Cette forme d'éradication est cependant la méthode la plus efficace. La troisième méthode, que nous mettons en oeuvre en Colombie et qui pourrait être utilisée en Afghanistan, est l'éradication volontaire par les paysans, qui détruisent leur culture en échange d'une assistance économique ou d'une subvention à leurs produits. Cette méthode est nécessaire en Colombie, car la coca est une plante pluriannuelle. Il n'est pas nécessaire, en revanche, de pousser à cette forme d'éradication en Afghanistan, car le pavot meurt en quelques mois. Si elle est bien menée, l'éradication a des conséquences importantes sur l'ampleur des cultures et décourage de cultiver à nouveau la plante l'année suivante.

Vous vous êtes demandé, monsieur Myard, si certains pays ne manquaient pas de neutralité dans cet exercice. Nous avons procédé à une évaluation des routes de la drogue, qui seront le thème d'une réunion qui se tiendra demain à l'OCDE. Près de 20 % de la drogue afghane sort du pays à travers les pays d'Asie centrale, 45 % en direction de l'Iran et le reste en direction du Pakistan. Je ne dirai pas que les pays du nord, de l'est, de l'ouest et du sud de l'Afghanistan participent à ce trafic, mais il est certain que les pays d'Asie centrale connaissent une forte corruption et font preuve d'une certaine « négligence bienveillante », ce qui permet à plusieurs milliers de tonnes de drogue de sortir d'Afghanistan.

Monsieur Viollet, je suis tout à fait d'accord avec l'idée qu'une action transversale s'impose et qu'elle doit être menée avec tous les acteurs ; c'est la seule manière de faire. J'ai bien noté votre préoccupation à propos du cannabis. Nous nous en sommes d'ailleurs préoccupés et avons procédé cette année au contrôle d'une cinquantaine de milliers d'hectares de cannabis. Vous avez justement souligné que le revenu net du cannabis est supérieur à celui de l'opium. Le risque existe que la production de cannabis puisse être déjà bien attestée dans certaines des provinces que M. Frahi a indiquées comme étant exemptes de la culture d'opium. Cependant, nous venons de décider de nous attaquer à un problème à la fois : il nous faut d'abord résoudre le problème de l'opium, après quoi nous pourrons peut-être passer au cannabis.

Vous avez fait un emploi très pertinent de l'expression d'« amélioration des termes de l'échange » que nous utilisons nous-mêmes. J'ai déjà évoqué la question des subventions, mais vous avez soulevé un problème qui me passionne. L'augmentation du prix du blé a posé des problèmes dans les villes, notamment à Kaboul, où le gouvernement a été pris à partie pour la hausse du prix du pain. Je suis, pour ma part, favorable à l'idée d'acheter le blé à des prix très élevés à la campagne pour le revendre dans les villes à un prix subventionné. D'un point de vue politique, on pourrait ainsi gagner la sympathie des villes et celle des paysans. Il a été difficile, jusqu'à présent, de convaincre certaines des agences qui travaillent en Afghanistan d'accepter ce mécanisme, car elles y voient une déformation du fonctionnement des marchés. Le problème est là.

Vous avez évoqué à juste titre, Mme Fort, l'économie souterraine en Europe. L'Europe représente en effet la plus grande demande d'opium afghan – qui concerne aussi l'Europe de l'Est et la Russie. Il est fondamental de réduire la demande, la toxicomanie liée à la consommation d'héroïne en Europe, et je crois comme vous qu'il faut intensifier les efforts.

Il est vrai, M. Boucheron, que, comme l'a indiqué tout à l'heure M. Frahi, des centaines de camions chargés de plusieurs tonnes de drogue passent la frontière.

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