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Intervention de Jean-François Rocchi

Réunion du 3 septembre 2008 à 14h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-François Rocchi :

J'emploie cette expression par opposition à celle de « justice privée » qui a été utilisée. Il est clair que la justice – sans qualificatif – pouvait très bien s'occuper de ces contentieux pendant encore de longues années. L'autre argument avancé par les détracteurs de l'arbitrage est que nous avions le temps pour nous, comme si nous disposions de l'éternité. Le CDR, structure de défaisance, n'est pas une structure éternelle. Elle a une durée de vie limitée à 2014 au plus tard. Mais je doute qu'elle atteigne cette date. Il est assez vraisemblable que les pouvoirs publics demandent un jour à ce que cette affaire s'arrête. Donc, l'argument du temps qui passe n'est pas valide, d'autant que, si nous avions perdu, nous pouvions craindre, je l'ai indiqué, d'être condamnés de manière répétitive. Le temps qui passe n'est plus alors un avantage mais, au contraire, un chemin de croix.

Cinquième paramètre, purement technique mais qui a son importance parce qu'il fait partie du débat actuel : la Cour d'appel de Paris avait décidé – et la Cour de cassation n'a pas cassé cette décision ; c'est, d'ailleurs, pour cela que le tribunal arbitral a, à sa suite, décidé un calcul d'intérêt – que l'indemnité qu'elle avait ordonnée au bénéfice du groupe Tapie devait être actualisée, c'est-à-dire, dans le vocabulaire juridique, produisait des intérêts de retard depuis le début de l'affaire, soit 1994. Sur quatorze ans, cela fait une somme importante. Or cette disposition ne joue malheureusement qu'au seul bénéfice de nos opposants : la loi permet à un liquidateur de faire courir des intérêts mais, pour que les intérêts des créanciers que nous étions courent, il fallait que des conditions bien spécifiques soient remplies, et elles ne l'étaient pas. Aux termes de l'article 55 de la loi sur les procédures collectives qui s'appliquait alors, les crédits représentant nos créances ne pouvaient produire d'intérêts que s'ils étaient supérieurs à un an. Entre 20 et 25 % de nos encours, je crois, de tête, étaient des crédits à moyen et long termes et auraient pu produire intérêt, mais il fallait encore que des procédures biens strictes soient respectées – production du contrat de prêt, indication précise des échéances, tableau d'amortissement, taux – et elles ne l'avaient pas été. Sans que l'on sache trop pourquoi, peut-être parce qu'elle était prise par l'urgence, la banque a produit une créance un peu rapidement en marquant, en face de la rubrique « Intérêts », la mention : « un franc (à parfaire) ». Et personne n'a jamais rectifié. Au bout de dix ans, il y a eu prescription. Voilà pourquoi il n'est plus possible aujourd'hui de demander quelque intérêt de retard que ce soit en notre faveur. Dans un tel contexte, le temps qui passe est un handicap sérieux.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons accepté d'étudier la possibilité d'un arbitrage. Nous avons pesé les risques, demandé quelles garanties pouvaient nous être données, examiné l'organisation et les procédures.

Je précise, même si cela peut susciter l'ironie, car c'est une tautologie, que je n'ai pas engagé un arbitrage pour le perdre. J'aurais bien aimé le gagner en totalité et je pensais le gagner. En tout cas, il n'y avait pas un risque de perdre plus grand que selon le cours habituel de la justice.

Nous avons estimé que, si nous avions une possibilité de clôturer définitivement tous les contentieux qui pouvaient se révéler risqués pour nous, nous pouvions étudier la possibilité de procéder de la sorte. En septembre 2007, j'ai demandé, après débat, au conseil d'administration du CDR de m'autoriser à confier à nos avocats un mandat de discussion. Avant de dire oui ou non, il fallait vérifier si les conditions de l'arbitrage nous convenaient.

Avant de poursuivre, je m'arrêterai un instant pour dire ce qu'est un arbitrage et préciser de quel arbitrage on parle dans le cas qui nous occupe. Tout d'abord, un arbitrage n'est pas une transaction. Des possibilités de médiation, de transaction, de conciliation ou d'autres formules conventionnelles non judiciaires avaient été examinées avant que je n'arrive mais elles n'avaient jamais abouti. L'arbitrage est une procédure juridictionnelle qui donne lieu à une sentence, laquelle est une décision judiciaire. Ce n'est pas une complaisance ni un cadeau. L'arbitrage est une procédure strictement encadrée. Certains parlementaires présents dans cette salle sont à l'occasion arbitres. Ils savent ce dont je parle. L'arbitrage est une modalité légale. Il prend appui sur le nouveau code de procédure civile, qui y consacre pas moins de soixante articles. Ce n'est pas une technique improvisée par des parties qui inventent un règlement. Il est encadré, codifié. Les parties doivent, d'abord, définir le cadre procédural, c'est-à-dire qu'elles doivent s'entendre – une négociation est prévue et est obligatoire – sur le cadre de travail. Dès lors qu'on choisit une modalité judiciaire qui n'est pas la voie suivie précédemment, il est indispensable d'établir un règlement de procédure par écrit. Ce règlement de procédure doit suivre le code mais les parties ont la faculté d'écrire, dans le respect de la loi, un certain nombre de dispositions relevant de leur volonté commune : par exemple, les délais ou le choix des arbitres.

Il était donc normal que je demande au conseil d'administration du CDR un mandat de négocier puisque, si certaines modalités étaient prévues, d'autres n'étaient pas strictement écrites, sur lesquelles il fallait délibérer.

Je m'arrête un instant sur l'argument selon lequel ce serait de la justice privée et sur l'accusation selon laquelle nous aurions privatisé la justice. Il est certain qu'un tribunal arbitral n'est pas une juridiction permanente.

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