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Intervention de Dominique Strauss-Kahn

Réunion du 25 mars 2009 à 16h15
Commission des affaires étrangères

Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI :

Monsieur Bertrand, en période de crise l'intervention du FMI revêt trois formes.

La première, c'est l'alerte précoce, qui va des prévisions jusqu'à des études très sophistiquées, comme nous en avons fait récemment sur l'Europe centrale, en examinant notamment les risques d'effets dominos. Les prévisions sont publiques, le reste est exclusivement destiné aux gouvernements ou aux banques centrales.

La deuxième, c'est l'activité de prêt – pour laquelle nous sommes aujourd'hui très sollicités.

La troisième, c'est l'activité de conseil en matière de politique économique. Selon les cas, elle peut être publique ou secrète. Bien entendu, les gouvernements ne sont pas obligés de suivre ces conseils ; mais force est de reconnaître que le FMI est assez bien placé pour en donner, du fait, je le répète, qu'il est la seule institution à se trouver à l'intersection de l'économie financière et de l'économie réelle, et peut donc avoir une vision globale.

Vous m'interrogez ensuite, Monsieur Bertrand, sur le scénario de sortie de crise. Si vous entendez par « sortie de crise » le fait de renouer avec une croissance positive, je vous renvoie à ce que je disais sur 2010. Si vous pensez au moment où ce qui a été perdu sera rattrapé – c'est-à-dire au fameux output gap –, nous en sommes beaucoup plus loin. Parvenir au redémarrage de l'économie est relativement simple. Cela suppose que le marché immobilier américain cesse de s'effondrer, notamment au moyen de mesures gouvernementales. L'épuisement des stocks y contribue nécessairement. Enfin, il suppose que les milliards annoncés dans les plans de relance se concrétisent au niveau microéconomique. Je suis assez confiant, notamment si les Américains donnent suite au deuxième plan Geithner sur les banques.

La force de ce plan, par rapport aux annonces précédentes, est d'être assez précis sur les méthodes. Sa faiblesse potentielle, c'est de reposer sur l'idée que, certes avec des aides publiques, on trouvera des fonds privés pour racheter les actifs des banques. Comme il n'y a pas de prix de marché, le risque est, si les prix fixés sont élevés, que personne ne veuille acheter ces actifs, et si ces prix sont faibles, que les banques ne veuillent pas les céder. On me dira qu'il existe un prix d'équilibre, mais faute de marché, on ne le connaît pas.

Pour rester sur ce sujet et répondre à Mme Guigou, il n'y a qu'en France que le mot « nationalisation » est resté un gros mot. Bien sûr, il ne s'agit pas aujourd'hui de la même chose qu'en 1946 : le but n'est pas de gérer la banque et distribuer les crédits, mais de forcer à la restructuration, dans la perspective d'une remise sur le marché ; aujourd'hui, dans la plupart des pays, on songe à cette forme de prise de contrôle public. Elle n'est pas considérée comme une panacée ; elle peut être nécessaire pour certaines banques et ne pas l'être pour d'autres, et le choix doit être guidé par le pragmatisme. Évidemment, en Europe on n'appréhende pas la question de la même façon qu'aux États-Unis, où l'on dénombre 8 000 banques. Il reste que les décisions se font attendre. Comment expliquer ces décisions à l'opinion publique ? Cela ne relève pas de ma fonction. Je comprends fort bien la très grande difficulté politique qu'il peut y avoir à expliquer que l'on consacre de l'argent à restructurer le système bancaire. Sans doute peut-on faire comprendre que les crédits dont tout le monde a besoin ne peuvent exister que si le système bancaire est sain et si les banquiers ne sont pas tétanisés. Quoi qu'il en soit, cette difficulté, que je reconnais bien volontiers, n'enlève rien à la nécessité de réaliser cette restructuration. Pour parler franc, je ne voudrais pas que, les Américains mettant en avant l'importance de leur soutien budgétaire massif, et les Européens leur volonté de développer la régulation, on en oublie ce troisième pôle – essentiel.

Monsieur Bertrand, je reviens à votre question sur les ressources du FMI. Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une augmentation de capital mais d'une augmentation de nos capacités de prêts, ce qui passe par un accord avec des banques centrales pour qu'elles nous prêtent à hauteur de nos besoins. C'est possible dès lors que la volonté politique existe ; je pense qu'à Londres, le G20 consacrera le principe d'un doublement – qui me paraît un minimum.

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