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Intervention de Frédéric Lefebvre

Réunion du 16 septembre 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Lefebvre :

Avec Sophie Ferhadjian, j'ai dirigé un ouvrage intitulé Comprendre les génocides du XXe siècle ; comparer, enseigner. Nous y envisageons la possibilité de travailler sur les génocides dans le cadre scolaire et selon une approche comparatiste en confrontant cinq génocides : le génocide des Arméniens, la Shoah, la famine génocidaire ukrainienne, le génocide du Cambodge et celui des Tutsis du Rwanda.

Contrairement à ce que pensent souvent ceux qui ne sont pas historiens, la comparaison ne permet pas d'aplanir les différences et de les banaliser, mais au contraire de singulariser à partir de composantes communes. Ainsi, un des principaux traits communs des génocides idéologiques du XXe siècle est l'intentionnalité génocidaire du bourreau, du régime totalitaire ou proto-totalitaire qui le commet. L'approche comparatiste permet au groupe victime mais aussi à la société tout entière de comprendre ce que c'est que d'être victime, d'être bourreau, ou d'être membre d'une société qui a commis un génocide et d'en avoir été le témoin passif, un bystander, comme la majorité de la population.

L'enseignement des génocides semblant très lourd à mettre en oeuvre, nous proposons dans cet ouvrage des pistes et une typologie permettant une comparaison historique des génocides et non pas une comparaison des mémoires.

Une approche comparée de l'esclavage est également possible, précisément pour singulariser la traite négrière occidentale par rapport aux traites intra-africaines et arabes et pour comprendre pourquoi elle a pu être considérée comme le paradigme de la traite du fait des moyens techniques qu'elle a mis en oeuvre.

De même, il y a eu différents types de pratiques et d'administration coloniales mais ceux-ci présentent des caractères communs. L'avant-scène, pour ainsi dire, s'est construite dans les métropoles coloniales et continue de hanter les représentations inconscientes de certaines populations. M. Aounit l'a justement relevé, même si je ne suis pas toujours d'accord avec lui sur la perpétuation de ces luttes aujourd'hui. La question importante est celle de l'infériorisation sociale car c'est elle qui explique l'enfermement communautaire. Je ne suis favorable ni au discours des « indigènes de la République » ni aux positions défendues par le député Lionnel Luca : ce sont des outrances qui se répondent et qui sont tout à fait négatives.

Dans le cadre d'un enseignement comparé, le génocide des Tutsis du Rwanda ne doit pas être négligé. Il n'existe pas en France de communauté de Tutsis qui puisse interpeller la République et émettre des revendications sur cette question. Si l'on se réfère à la déclaration du président Chirac, en 1995, sur la responsabilité de la France dans le génocide des Juifs, il existe, je crois, une attente de la part de l'ensemble de la communauté française. Les Rwandais présents en France étant surtout, semble-t-il, des personnes exfiltrées à la suite d'opérations militaires et se trouvant éventuellement dans le camp des génocidaires, ce ne sont pas eux qui feront pression pour qu'une commission d'enquête, notamment parlementaire, se mette en place pour faire la lumière sur la participation de la France dans la perpétration de ce génocide.

Il s'agit ici de mémoire, d'histoire et de reconnaissance. Le discours du président Chirac a fait sauter un verrou. Sur l'implication de la France dans le génocide des Tutsis du Rwanda, il y a aussi quelque chose à dire. C'est à la fois une question mémorielle et une question de justice.

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