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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 9 juin 2009 à 15h00
Faciliter le maintien et la création d'emplois — Explications de vote et vote sur l'ensemble d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, mes chers collègues, les initiatives parlementaires se multiplient sur la question cruciale de l'emploi – et pour cause : depuis janvier 2009, 90 000 nouveaux chômeurs s'inscrivent à Pôle emploi tous les mois. En un an, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 24,6 % et les licenciements économiques ont fait un bond, augmentant de 46,8 %. Et ne parlons pas des licenciements dits pour « motifs personnels » ni du franc succès des ruptures conventionnelles, qui sont autant de moyens de déguiser les licenciements économiques pour les accélérer et les rendre moins coûteux pour les employeurs.

Nous mesurons tous sur nos territoires l'ampleur inégalée des destructions d'emplois et les drames humains qui en résultent. Nous recevons tous dans nos permanences des salariés précaires, lessivés, sous pression, abîmés par des horaires décalés, par le travail de nuit ou du dimanche, contraints d'accepter de travailler en pointillés, avec des horaires longs et flexibles, devant désormais s'accommoder non plus seulement de la rigueur salariale, mais bel et bien de baisses de salaires. Nous savons également à quoi ressemble le parcours d'insertion des 18-25 ans, et ce qu'est la vie morcelée et sans perspective des femmes trop souvent contraintes au temps partiel.

Inégaux devant l'emploi, nos concitoyens le sont également devant le licenciement, selon qu'ils travaillent dans un grand groupe ou dans une PME, où nombre de licenciements secs passent inaperçus. C'est ce que rappelle l'enquête publiée ce mois-ci dans le magazine Liaisons sociales : « À côté des plans sociaux anticipés, étalés, des grandes entreprises, quantité de licenciements économiques de PME restent expéditifs et invisibles » et « grandes et petites entreprises n'ont pas les mêmes moyens de verser des surprimes, et certains ont droit à la cellule d'appui, là où les autres se contentent de Pôle emploi. » Ce sont autant de réalités que vous ne pouvez ignorer.

Pourtant, au mépris de la violence de la situation faite aux salariés, aux demandeurs d'emploi, à ces millions d'hommes et de femmes qui paient durement les conséquences d'une crise dont ils ne sont pas responsables, vous persévérez à vouloir garder le cap libéral de la flexibilisation du marché du travail, au moment même où les organisations syndicales réaffirment qu'il faut plus de régulation sociale.

Au lieu de défendre ce que commande la situation, à savoir l'établissement d'un véritable bouclier social, avec des mesures en faveur de l'emploi, des salaires, au service d'un autre modèle de développement, des dispositions véritablement innovantes de sécurisation des parcours professionnels, les députés de la majorité proposent une nouvelle vague de dérégulation au détriment des salariés du privé mais aussi, désormais, de ceux du public ; ils proposent d'énièmes assouplissements du code du travail en libéralisant les règles de constitution et d'appartenance aux groupements d'employeurs, la sécurisation du prêt de main-d'oeuvre pour les seuls employeurs, la banalisation de formes atypiques d'emploi, de modalités particulières d'exécution du contrat de travail via le télétravail...

La modernité voudrait que les employeurs ne soient plus empêchés de s'échanger les salariés, qu'ils soient libres de négocier de gré à gré leur rémunération, leur relation de travail. Comme ce fut le cas avec des textes précédents – celui sur les heures supplémentaires « choisies », celui sur la monétisation du compte épargne temps, ou celui portant « modernisation » du marché du travail ou d'autres à venir tel celui sur le travail dominical –, le leurre du volontariat ou de l'exercice d'une supposée liberté individuelle sert en fait de prétexte à la banalisation des atteintes au code du travail pour l'ensemble des salariés.

La proposition de loi de notre collègue Poisson, avec ses deux dispositions majeures que sont le prêt de main-d'oeuvre et la promotion du télétravail, participe de ce mouvement de libéralisation des règles de droit social.

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