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Intervention de Augustin de Romanet

Réunion du 9 octobre 2007 à 11h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Augustin de Romanet :

Par des banques conseils.

Sur quoi se fondait la décision d'acquisition ?

Ne perdons pas de vue le contexte dans lequel est née cette opération de marché, conduite en s'appuyant sur toute l'information financière disponible à l'époque. Le potentiel de hausse du titre faisait consensus : la moyenne du cours cible pour les analystes externes s'établissait à 36 euros ; le flottant allait augmenter sensiblement, ce qui constituait un autre facteur haussier ; le souhait de vendre exprimé par M. Lagardère, connu du marché, constituait un overhang, une épée de Damoclès ; personne ne comprenait qu'EADS, en duopole avec Boeing, dégage une valorisation inférieure de 20 %. Cette bonne appréciation a été confirmée par la facilité avec laquelle Daimler a cédé ces propres titres, en trois heures de temps. Enfin, l'investissement apparaissait cohérent avec la politique d'investisseur de long terme de la CDC, le secteur aéronautique présentant les caractéristiques d'un cycle long.

Trois éléments particuliers ont donné lieu à commentaires.

Premièrement, ne nous trompons pas de débat. Dans cette opération, la CDC est une double victime présumée : en tant qu'actionnaire préexistant, victime présumée d'un délit d'initié ; dans le cadre de l'achat du bloc d'actions, victime présumée d'un délit de fausse information financière. C'est en raison de mon devoir de défense des intérêts de la CDC que j'ai déclaré, le 24 mai dernier, que nous nous joindrions aux procédures qui en découleraient si les enquêtes en cours démontraient des présomptions de délits.

Deuxièmement, à propos de la gouvernance, nous devons nous méfier de tout anachronisme.

Mon prédécesseur a respecté les mécanismes de gouvernance. Les services de la CDC ont été contactés par des conseils. Francis Mayer a décidé, le 28 mars 2006, d'acquérir 2,25 %. Le président de la commission de surveillance en a été prévenu le 4 avril. Ce dernier l'a évoqué très rapidement à la fin de la commission de surveillance du 5 avril, comme l'atteste l'enregistrement des débats. La commission de surveillance a été informée dans le détail le 26 avril, lors de sa séance suivant immédiatement la formalisation juridique de l'achat des titres, en date du 12 avril. Aucun membre de la commission de surveillance n'a émis d'observation ou posé de question lors des séances du 5 avril et du 26 avril ; n'oublions pas qu'à l'époque cette opération ne suscitait aucun débat, d'autant que l'État lui-même avait marqué son attachement à EADS en ne vendant pas ses propres titres.

La commission de surveillance, le 21 juin, a demandé à « examiner la manière dont s'est déroulé le processus d'acquisition, et à vérifier que les intérêts de la Caisse des dépôts ont été correctement pris en compte » ; cette mission a été confiée à M. Pierre Hériaud, qui vient de vous en rendre compte. Le 12 juillet, M. Hériaud a présenté sa note aux membres de la commission de surveillance – elle leur avait été diffusée avant la séance – et le procès-verbal public des débats atteste que deux membres de la commission ont formulé des observations sans remettre en cause l'opération.

La CDC a agi dans le cadre de ses procédures normales, de manière autonome, et je vous confirme qu'elle n'a reçu ni demandé aucune instruction des pouvoirs publics. D'ailleurs, alors en fonction à la Présidence de la République, je précise que mes collaborateurs et moi-même avons appris cette acquisition une fois qu'elle a été rendue publique, comme il se doit pour une opération de marché.

Ce point étant acquis, une question théorique se pose : le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie aurait-il pu ou dû dissuader la CDC d'effectuer cet achat ? Soit il disposait d'informations particulières, et, en tout état de cause, il n'avait alors pas à les répercuter à la CDC plutôt qu'aux autres investisseurs acquéreurs des 15 % mis sur le marché. Soit il ne savait rien de particulier, et il n'avait alors pas de motif de mettre en garde la CDC face à un investissement justifié au vu de conditions du marché.

Pour tirer les enseignements de cet événement et dissiper tout doute sur les conditions d'intervention de la CDC, j'ai décidé de proposer la mise en place d'un comité des investissements.

Depuis quelques jours, refait surface un marronnier : le débat sur la gouvernance de la CDC. À cet égard je rappelle tout d'abord que l'originalité de la gouvernance de la CDC est le reflet de l'originalité de l'établissement lui-même et de ses missions : par son statut, il est placé par la loi « de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». Cette gouvernance a fait ses preuves cent quatre-vingt-onze ans durant, par-delà les changements de régimes politiques et les crises. Cette stabilité a été un facteur favorable au mouvement. En tout cas, la CDC ne manque pas de contrôles. Comme l'a déclaré M. Pierre Simon, président de la chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), membre de la commission de surveillance, il n'existe pas d'autres exemples, dans les secteurs public et privé, de contrôles aussi assidus et approfondis.

La commission de surveillance est composée de personnalités indépendantes : quatre parlementaires, le président de la CCIP, de hauts fonctionnaires, de hauts magistrats, le gouverneur de la Banque de France. Elle se réunit deux fois par mois, soit vingt-deux séances en 2006. Elle s'est dotée de comités spécialisés, qui se sont réunis seize fois en 2006.

La CDC est aussi soumise au contrôle de la Cour des comptes. Chaque fois qu'elle reçoit un mandat de l'État, une instance de gouvernance et de contrôle spécifique est mise en place. Enfin, nous sommes régulièrement auditionnés par les commissions parlementaires.

Cela signifie-t-il que rien ne doit changer ? Non. Comptable de la transparence et de l'efficacité des interventions de la CDC, je suis favorable à toute évolution renforçant la clarté de son action. Les interrogations sur le rôle et sur le mode de décision de la CDC montrent que des progrès peuvent être faits.

S'agissant du rôle de la CDC, nous devons toujours mieux expliquer son action. C'est tout le sens du travail sur la lisibilité de son intervention que j'ai entrepris depuis mon arrivée.

En acquérant ces titres EADS, la CDC intervenait comme investisseur de long terme, attentif à accompagner des entreprises, grandes ou petites, sur la durée. Compte tenu du cycle aéronautique, c'était une décision stratégique qui l'engageait à moyen terme car elle ne devrait pas revendre ses titres avant de très longues années. Il faut donc lire et commenter l'acquisition à l'aune de ce critère et non à celle d'une opération financière de court terme. Comme le dit l'adage boursier un peu théorique mais vrai : « Tant qu'on n'a pas vendu, on n'a pas perdu. »

Cette fonction d'investisseur n'est peut-être pas assez lisible, j'avais eu l'occasion de le constater dès mon arrivée et de vous l'indiquer lors de mon audition du 25 septembre dernier. C'est l'une des raisons qui m'ont conduit à lancer le programme d'orientation stratégique Élan 2020, qui s'achèvera en décembre.

S'agissant des modes de décision, je suis également soucieux, depuis mon arrivée, d'en renforcer encore la clarté, sachant, je le répète, qu'aucune faute de gestion ne peut être imputée à la CDC dans cette affaire. Il me paraît néanmoins important de mieux encadrer les échanges d'information entre le directeur général et la commission de surveillance.

À cet effet, je propose, en accord avec M. Michel Bouvard, une amélioration de la gouvernance de la CDC. Il s'agit de créer, au sein de la commission de surveillance, un comité des investissements auquel seront soumises les opérations de marché les plus confidentielles. Ce comité sera notamment compétent pour examiner a priori les investissements les plus importants, comme celui qui est l'objet de notre discussion. Il n'y aura plus d'ambiguïté sur la systématisation de la réflexion collégiale.

Sur les autres aspects de la gouvernance, les pouvoirs publics m'ont invité à leur livrer des propositions, que je leur réserve. Il faut en tout état de cause bien mesurer ce qu'un nouveau système pourrait apporter. Je m'inscris pleinement dans le cadre tracé par M. Bouvard le 25 septembre : pas de banalisation de la gouvernance et maintien du périmètre du groupe.

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