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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 15 juillet 2009 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur Paul, je vous rappelle que la protection des libertés publiques est placée sous le contrôle du juge. C'est précisément l'une des avancées du texte que de réintroduire le juge dans la sanction.

La protection de la correspondance privée, quant à elle, semble faire l'objet d'un consensus.

L'avis du Conseil d'État est positif sur le texte, avec deux observations particulières, dont une est déjà prise en compte. Bien qu'il ne soit pas d'usage de rendre publics ces avis, j'étudierai la possibilité de le faire avant le débat en séance.

Monsieur Bloche, la suspension de l'accès à l'internet est annoncée comme une peine complémentaire à l'amende, mais le juge peut aussi la substituer à la peine d'emprisonnement ou à l'amende.

Pour ce qui est des ordonnances pénales, je vous rappelle que, sur 400 000 poursuites engagées en France, 130 000 font aujourd'hui déjà l'objet de telles ordonnances. Il ne s'agit donc pas vraiment d'une mesure exceptionnelle !

L'individualisation de la peine sera pleinement respectée. Ainsi, la négligence ne sera retenue que s'il est prouvé que l'usager n'a pas pris en compte les exigences de sécurisation qui lui ont été notifiées. Par ailleurs, les preuves matérielles seront indispensables et les aveux ne suffiront pas. Il reviendra au juge d'apprécier les preuves ; si elles sont insuffisantes, il prononcera la relaxe.

Pour ce qui est des moyens, l'étude d'impact estime le nombre annuel de cas à 50 000 environ, pour lesquels il est prévu de disposer de 12 emplois à plein temps de magistrats du siège, 14 de magistrats du parquet et 83 de fonctionnaires. Ces moyens semblent raisonnables, d'autant que la plupart de ces cas ne devraient présenter que peu de difficulté.

Madame Billard, je rappelle que le concept de « négligence caractérisée », que vous contestez, a été créé par la loi du 10 juillet 2000, adoptée par la majorité dont vous faisiez partie : elle n'a apparemment pas jugé qu'il s'agissait d'une atteinte aux libertés, ni qu'il serait trop difficile d'en réunir des preuves. Actuellement, cette notion est utilisée notamment pour les homicides ou les blessures involontaires et il appartient au juge d'en apprécier les caractéristiques.

Monsieur Tardy, le respect de la Constitution m'importe autant qu'à vous. Je rappelle que le juge conserve la maîtrise de l'exécution des peines et que la HADOPI ne fait que les notifier, au même titre que la Banque de France notifie les interdictions d'émettre des chèques aux banques.

En ce qui concerne le respect de la proportionnalité, là aussi, c'est le juge qui sera compétent. Les procès-verbaux se contenteront de constater des faits ; au juge de les qualifier et d'ordonner les sanctions pénales si nécessaire. Quant à la contravention de cinquième classe, elle suppose un acte de négligence caractérisée. Là aussi s'exercera le contrôle du juge. Et la suspension de l'accès au service est une peine modérée puisqu'elle est d'un mois au plus, toujours prononcée par le juge.

Je pense donc que ce texte offre toutes les garanties et respecte la proportionnalité : ce n'est pas parce qu'une peine maximale très haute est fixée qu'elle sera mise en oeuvre chaque fois.

Monsieur Dionis du Séjour, l'accès à internet est essentiel, certes, et il est vrai qu'internet, c'est la liberté. Mais ce sont aussi des risques considérables. La cybercriminalité, la pédopornographie, les escroqueries sur internet – phénomènes que j'ai eu à combattre – montrent que la liberté totale sur internet pose des problèmes. Il faut faire d'internet un lieu sûr pour les personnes, et c'est dans cet esprit que nous travaillons. Il faut fixer des limites. Un nombre croissant de pays en posent, même ceux qui naguère refusaient d'intervenir, y compris sur les sites pédopornographiques. Il faut fixer des limites, mais sous le contrôle du juge, car il est le gardien des libertés ; il sera de plus en plus le garant de l'équilibre entre la liberté d'expression et le droit de la propriété intellectuelle.

Vous dites que la sanction sera inefficace pour les gros fraudeurs et trop lourde pour les petits. À mon avis, elle ne sera pas si inefficace pour les gros fraudeurs, dès lors qu'il y aura des peines d'emprisonnement. Quant aux petits fraudeurs, le juge n'appliquera pas automatiquement la peine la plus lourde. Il prendra en compte non seulement l'intention, mais également l'importance du délit. Faisons-lui confiance pour trouver le bon niveau.

Je remercie M. Gosselin de son soutien ; il a bien rappelé l'esprit de la loi.

M. Patrice Martin-Lalande regrette le maintien de deux systèmes, mais ils correspondent à des faits différents. Pour prendre des exemples concrets, il y a effectivement le téléchargement illégal effectué par le titulaire de l'abonnement, mais il y a aussi – et ce cas de figure est fréquent – celui effectué par la famille. Ainsi, M. le ministre de la culture se verra couper l'abonnement à Internet pendant un mois parce que son fils aura téléchargé illégalement !

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