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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 4 décembre 2008 à 9h15
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Le groupe SRC s'est abstenu lors de la présentation des conclusions du rapport devant la mission d'information, En revanche, nous ne sommes pas opposés à sa publication.

Il faut féliciter la rapporteure pour l'importance du travail mené, qui se mesure d'abord au nombre d'auditions mais aussi à la volonté de balayer l'ensemble des sujets, en acceptant de prendre des risques : la formation professionnelle est un domaine large, complexe, diffus, voire confus. Il faut saluer aussi la volonté de réaliser une synthèse des rapports récemment établis en échappant autant que possible au piège de la répétition. Peut-être n'était-ce d'ailleurs pas possible : la volonté de balayer l'ensemble du champ a sans doute parfois abouti à privilégier la compilation de propositions déjà faites plutôt que la définition d'une stratégie.

En revanche, ce rapport peut contribuer à l'élaboration d'une telle stratégie. C'est ce que fait la rapporteure dans sa deuxième partie, en suivant un fil rouge, la formation tout au long de la vie. Cette approche peut permettre d'organiser la formation professionnelle, qui apparaît comme un maquis un peu confus. Cependant, il me semble nécessaire d'aller plus loin dans deux domaines : le contenu de ce que pourrait être le droit – j'insiste sur le terme –, à la formation tout au long de la vie et, pour rendre ce droit effectif, les modalités de son financement.

Le rapport comporte des points positifs : les appréciations portées sur les ateliers de pédagogie personnalisée (APP), la nécessité de développer et de simplifier la validation des acquis de l'expérience (VAE), l'AFPA, le dispositif deuxième chance. J'observe pourtant avec quelque malice que le projet de loi de finances pour 2009 prévoit une baisse des crédits de tous ces organismes !

Je me félicite de l'annonce du moratoire accordé aux régions. Il est urgent de reprendre les discussions sur l'AFPA. Nous disposons d'un service public, il n'y a pas de raison de le déconstruire ; j'ai bien compris, Madame la rapporteure, que, même s'il ne comporte pas de proposition sur l'AFPA, votre rapport va plutôt dans ce sens. Je note néanmoins une petite divergence entre vous et M. Gérard Cherpion, puisque vous proposez de créer un service public de l'orientation, tandis que M. Cherpion préconise l'insertion de l'AFPA dans le pôle emploi. La question est donc de savoir si c'est le pôle emploi qui prend en charge l'orientation ou s'il doit y avoir deux services publics distincts, chargés l'un de l'emploi, l'autre de l'orientation.

Le rapport nous cause aussi quelque inquiétude. Madame la rapporteure, je crois bien que vous militez dans l'ensemble pour une baisse des obligations légales des employeurs, en faisant passer leur taux de cotisation de 0,9 % à 0,5 %. Notre position est exactement inverse et vous ne m'avez toujours pas convaincu. J'ai quand même le sentiment que l'on penche vers la diminution des obligations légales des entreprises et l'accroissement de leur marge d'appréciation sur leurs plans de formation.

Le rapport présente également des ambiguïtés, voire une volonté de ne pas trancher, sur le rôle des conseils régionaux dans la gouvernance de la formation professionnelle. Tout en mentionnant la dimension régionale, vous ne leur attribuez pas forcément la responsabilité de cette formation. Nous pensons que tel doit être le cas.

Nous nous interrogeons aussi, avec un soupçon d'inquiétude, sur le carnet de bord personnalisé. L'idée d'aider les salariés à compiler leurs compétences est bonne. Mais la forme n'est pas neutre ; la prudence s'impose toujours dans ces domaines.

Enfin, vos propositions comportent des lacunes. J'entends bien vos propos sur l'AFPA cependant, j'aurais préféré que l'attachement que nous portons tous à l'AFPA soit mentionné avec plus de force dans le rapport.

Nous devons aussi continuer à creuser, à l'instar de notre collègue Gérard Cherpion, le concept de « contrat de transition professionnelle » : on est là au coeur de la problématique de la formation tout au long de la vie. Il semble que le Gouvernement prépare des propositions dans ce domaine.

Les propositions en faveur du droit à la deuxième chance auraient pu être plus fortes, notamment pour les jeunes. Je milite pour un engagement plus résolu de la puissance publique, en particulier de l'État, dans les écoles de la deuxième chance. Ce dispositif fonctionne et commence à faire ses preuves mais il n'est quasiment pas aidé par l'État.

Si la question de la gouvernance n'a pas été écartée, elle n'a pas été creusée non plus. Il est vrai qu'elle n'est pas facile.

Les devoirs des employeurs en matière de formation ont été abordés dans nos débats, mais peu dans le rapport. Il faut affirmer qu'il est de la responsabilité de l'employeur de maintenir et d'augmenter la compétence et la qualification de ses salariés ; la question est celle des moyens.

Le droit à la formation tout au long de la vie doit pouvoir s'appuyer sur deux instruments, le compte épargne formation, pour lequel vous faites une proposition, mais aussi le droit différé à la formation. Ce droit a été évoqué dans les conclusions du groupe de travail présidé par M. Pierre Ferracci. Vous le traitez un peu rapidement. Ce n'est certes pas une question facile : elle oblige à traiter d'emblée du financement. Cependant, je crois que c'est sur ces deux instruments qu'on peut vraiment construire la formation tout au long de la vie.

Cette problématique pourrait du reste mériter que nos travaux se poursuivent. Son approfondissement nécessite cependant une discussion avec les partenaires sociaux. Pour l'élaboration de votre rapport, vous les avez écartés, à juste titre, pour des raisons de méthode : ils étaient déjà engagés dans d'autres discussions. Mais, pour avancer sur les financements, il faut désormais les rencontrer.

Enfin, vous avez raison d'insister sur l'orientation. Il y a consensus pour dire que c'est l'une des difficultés de notre pays. Reposer la question en termes d'orientation tout au long de la vie peut être le levier pour faire évoluer cette situation. Nos dispositifs ne visent pas à aider au choix, mais à orienter chacun dans un système de formation. Cependant, je vous inciterais à être plus audacieuse. Le service public à construire n'est pas un dispositif d'orientation mais bien de formation tout au long de la vie ; c'est du reste la dénomination que vous envisagez pour le ministère dont vous souhaitez la création. Il faut d'une part un service public de l'emploi, de l'autre un service public de la formation tout au long de la vie, dont la première tâche sera de bâtir un système d'orientation fonctionnel. Et ce service public, nous souhaitons le confier aux régions.

Pour ces raisons, nous maintenons notre abstention sur les conclusions du rapport d'information, mais nous sommes favorables à sa publication. Nous avons l'impression que le regard de la rapporteure, au départ très sévère pour la formation professionnelle, a évolué au fil des auditions et qu'il est aujourd'hui plus modéré qu'à l'époque où le Gouvernement nous annonçait un projet de réforme en rupture. Ce rapport est donc une pièce utile au dossier.

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