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Intervention de Yves Bur

Réunion du 28 janvier 2009 à 10h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, rapporteur :

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales est saisie d'une proposition de résolution de la Commission chargée des affaires européennes de l'Assemblée nationale. Cette proposition de résolution, présentée par notre collègue Daniel Fasquelle, a pour objet la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.

Cette proposition de directive – que Mme Androulla Vassiliou, commissaire européenne à la santé, est venue présenter à notre commission le 8 octobre dernier – répond à un besoin réel de nos concitoyens : aujourd'hui, 3 à 4 % des ressortissants de l'Union européenne choisissent en effet de se faire soigner dans un autre État membre que le leur. Et il est certain que cette tendance à la mobilité des patients ne va que s'amplifier dans les années à venir : toutes les enquêtes d'opinion montrent en effet que les citoyens de l'Union sont de plus en plus ouverts à cette possibilité de se déplacer dans un autre État membre pour y recevoir des soins.

Les raisons de ce phénomène varient évidemment selon les patients et les situations :

– un patient peut par exemple choisir de se faire soigner dans un autre État membre pour bénéficier de meilleurs délais. Cette question est souvent évoquée s'agissant des patients anglais. Mais pour prendre un cas concret que je connais bien, il faut six mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue à Strasbourg – cela est certainement aussi vrai dans d'autres régions, comme le Nord –, alors qu'il ne faut qu'une quinzaine de jours à Kehl, petite ville située juste à côté, sur l'autre rive du Rhin ;

– le patient, c'est vrai, peut parfois aussi avoir le souci de bénéficier de meilleurs tarifs. L'exemple des soins dentaires en Hongrie est bien connu : ils sont parmi les moins chers d'Europe, mais ils sont remboursés jusqu'à concurrence du montant de prise en charge prévu par les assurances sociales de l'État d'affiliation du patient ;

– il peut encore s'agir d'un déplacement pour bénéficier d'une meilleure expertise, notamment dans le cas de certains soins hautement spécialisés.

Mais quelles que soient ces raisons, recevoir des soins dans un autre État membre relève bien souvent, à l'heure actuelle, du parcours du combattant. Les difficultés à surmonter sont en effet nombreuses, qu'il s'agisse de l'éloignement, de l'obstacle de la langue, ou encore de la méconnaissance des systèmes sanitaires et juridiques, qui diffèrent d'un État à l'autre.

Cette proposition de directive est donc particulièrement nécessaire pour tous les citoyens de l'Union, et plus encore pour les habitants des régions frontalières. Chaque jour, de nombreux Alsaciens, et sans doute également de nombreux Lorrains ou encore des habitants du Nord, choisissent de se faire soigner en Allemagne ou dans un autre pays voisin ; or, ils me font fréquemment part des blocages ou des lenteurs administratives auxquels ils se heurtent, et qui les font parfois renoncer au remboursement auquel ils ont pourtant droit. Il faut donc rapidement mettre fin à ces anomalies.

De ce point de vue, la proposition de directive présente trois avantages essentiels.

Elle a tout d'abord le mérite, je le souligne, d'adopter une démarche radicalement différente de celle qui a présidé à l'élaboration de la directive « Bolkestein ». La présente proposition de directive ne touche pas aux systèmes de soins nationaux ; elle ne concerne pas non plus la mobilité des professionnels de santé, question qui avait pu susciter certaines craintes. Ce qu'elle vise avant tout, c'est à faciliter l'exercice du droit des patients européens à recevoir des soins sur tout le territoire de l'Union.

Deuxième avantage : elle codifie, dans un cadre juridique clair et simplifié, la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes depuis 1998, dans ses arrêts Kohll et Decker, jurisprudence qui affirme que les principes communautaires de libre circulation des biens et de libre prestation de services s'appliquent au domaine de la santé.

Pour autant, elle respecte le principe de subsidiarité en affirmant la compétence nationale sur les questions d'organisation des soins de santé et de sécurité sociale. La proposition de directive précise les conditions dans lesquelles les patients peuvent se faire soigner dans un autre État membre et se faire rembourser, mais elle ne remet pas en cause le droit des États membres de définir les prestations qu'ils choisissent d'assurer. Le principe de l'autorisation préalable pour les soins hospitaliers est maintenu, ce qui garantit la capacité de régulation des États membres.

L'intervention de l'Union européenne se limite donc au renforcement de la coopération et de la coordination entre les États pour améliorer les synergies entre les différents systèmes de santé. Cette coopération peut par exemple se traduire par une collaboration pratique au travers des « réseaux européens de référence », qui réuniraient des centres spécialisés de différents États membres afin de mettre en commun ressources et compétences, notamment dans la lutte contre les maladies rares.

S'agissant tant du renforcement du droit des patients à accéder aux soins de santé transfrontaliers que de la clarification du cadre juridique et de l'amélioration de la coopération européenne en matière de santé, il me semble donc que cette proposition de directive va dans le bon sens, sentiment partagé par la proposition de résolution de notre collègue Daniel Fasquelle. Mais celui-ci souligne également la nécessité que les soins de santé transfrontaliers fassent l'objet de garanties supplémentaires.

Il faut d'abord aller plus loin dans la protection des patients. Le point-clef est ici celui de l'information sur le système de soins de l'État de traitement, avec lequel ils ne sont souvent pas du tout familiers. À l'instar de ce qu'a demandé la Présidence française au cours des premiers échanges sur la proposition de directive, trois obligations devraient être mises à la charge de l'État de traitement :

– l'information sur les normes de qualité et de sécurité sanitaires ainsi que sur les dispositifs de contrôle et d'évaluation : ce sujet est particulièrement important pour notre pays, dépourvu de véritable culture de l'évaluation et de la comparaison ;

– l'information sur les règles de qualité et sur le statut applicables aux prestataires de soins de santé ;

– l'existence de voies de recours : il est nécessaire de savoir de quelles garanties il est possible de bénéficier si une difficulté survient à l'occasion d'un traitement dans un autre pays.

Il est par ailleurs essentiel qu'avant la délivrance des soins, le patient puisse disposer d'éléments détaillés sur les conditions financières applicables dans l'État membre de traitement, c'est-à-dire notamment sur les différences de tarification, les restes à charge et les mécanismes de tiers-payant.

Il faut également aller plus loin en ce qui concerne les droits du patient. Celui-ci doit d'abord être en mesure de donner son autorisation aux transferts de données médicales personnelles d'un État membre à un autre, ce qui passe, ici aussi, par une meilleure information, en l'occurrence sur les différences éventuelles entre les règles applicables. Mais le patient doit aussi être mieux garanti en cas de complication postérieure à des soins de santé transfrontaliers. Il est logique que le droit de l'État membre de traitement s'applique, mais concrètement, comment le patient et, le cas échéant son organisme d'affiliation, peuvent-ils engager une action en justice dans un État autre que le leur, dont ils connaissent mal les procédures et règles de fond ? Il convient donc de réfléchir à la mise en place d'un mécanisme européen de règlement des litiges consécutifs à des soins de santé transfrontaliers, comprenant notamment un système de compensation financière.

Enfin, le développement des soins de santé transfrontaliers ne doit pas se faire au détriment des systèmes sociaux des États membres. La proposition de directive prévoit certes une « clause de sauvegarde » pour les soins hospitaliers et spécialisés : elle permet ainsi aux États membres de prévoir un dispositif d'autorisation préalable de prise en charge, afin de préserver la planification et la rationalisation des équipements sanitaires mais aussi de ne pas menacer l'équilibre des régimes de sécurité sociale. À cet égard, le remboursement dont bénéficie le patient est plafonné à hauteur du coût qui aurait été pris en charge pour des soins identiques ou similaires délivrés dans l'État membre d'affiliation.

La proposition de résolution de notre collègue Daniel Fasquelle estime cependant, et à juste raison, qu'il conviendrait d'instaurer une seconde « clause de sauvegarde », toujours en matière de soins hospitaliers et spécialisés. Il s'agit ici de permettre aux prestataires de soins d'un État membre de faire face, dans le respect du principe d'égalité de traitement, à des flux trop importants de patients affiliés dans d'autres États membres et d'éviter que certains États soient tentés de se décharger de leurs responsabilités sur d'autres. En effet, une stricte égalité de traitement, en nuisant à l'accès aux équipements pour les ressortissants de l'État membre où sont délivrés des soins, pourrait engendrer un effet contraire à l'un des objectifs de la proposition, qui est de réduire les délais excessifs de délivrance des soins dans le pays d'affiliation.

La proposition de résolution de notre Commission chargée des affaires européennes souligne donc les apports essentiels de la proposition de directive tout en demandant qu'elle soit améliorée sur un certain nombre de points, particulièrement sur l'information et les droits du patient. C'est pourquoi j'invite notre commission à adopter sans modification l'article unique de la proposition de résolution présentée par M. Daniel Fasquelle et adoptée par la Commission chargée des affaires européennes.

Je tiens enfin à saluer la démarche exemplaire suivie par Madame Androulla Vassiliou, commissaire européenne à la santé. Grâce à elle, les messages ont pu être entendus. En visitant différents pays de l'Union européenne avant la finalisation de la directive, en recueillant divers avis, elle a prévenu les résistances. Cet important travail réalisé en amont peut être apprécié à la lumière du dispositif du droit d'alerte établi dans le cadre du traité de Lisbonne.

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