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Intervention de Paul Thibaud

Réunion du 10 juin 2008 à 16h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Paul Thibaud :

La liberté de débattre est absolument essentielle et je ne crois pas du tout à la distinction entre la recherche scientifique et la diffusion dans les médias. Cette distinction n'est pas tenable.

Cela dit, je répète qu'il ne faut pas s'en tenir à des positions négatives. Il faut progresser dans l'intelligence du monde dans lequel nous vivons, élargir notre vision du monde.

Pour cela, il faut écouter certaines demandes qui montent autour de nous, et qui sont irrépressibles. Le traitement de la colonisation et de la décolonisation est un problème. La pensée n'a pas suffisamment avancé sur ce sujet. Les rapports avec l'Algérie sont très malsains. Une commission d'historiens, mixte, devrait déblayer le terrain. D'abord celui des faits : combien de morts ? Qui les a tués ? Quels sont les mécanismes qui ont conduit à la bataille d'Alger ? Les accords d'Évian qui ont été signés n'ont pas été respectés. Ils comportaient en effet l'amnistie des deux côtés, en Algérie comme en France, pour tous les événements de guerre. Il y a là toute une source de conflit. D'un certain côté, ces accords avaient un côté idéaliste. Ils avaient été imaginés par un certain nombre d'officiers, en général gaullistes de gauche – Vincent Monteil, le général Buis,…qui croyaient à la réconciliation entre Algériens à la fin de la guerre. Ils se sont trompés et les harkis ont vu de quoi il retournait. À l'erreur s'est ajoutée aussi la fourberie de certains.

Il faut comprendre. Je suis contre les mémoires partielles parce qu'elles ne permettent pas de comprendre. Comprendre, c'est ce qui nous libère. L'accusation nous rive au mal que nous dénonçons, tel un φαρμακον1. Il faut aller vers la compréhension de soi, et des autres. Il faudrait une commission de « compréhension » franco-algérienne, et non pas de « justice et paix », parce que, pour juger, il faut comprendre. Il faudrait des stratégies d'élargissement et d'enrichissement de la mémoire. On n'a pas le droit d'ignorer. On peut ignorer beaucoup de choses, mais ce n'est pas un droit. C'est toujours un défaut. Il faut lutter contre l'ignorance : limiter la connaissance à certains objets – par exemple, réduire la guerre d'Algérie à la bataille d'Alger et aux tortures du général Massu et du général Aussaresses – est une forme d'ignorantisme. Il y a eu des horreurs, et des choses moins horribles.

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