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Intervention de Alain Moyne-Bressand

Réunion du 2 juin 2009 à 17h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Moyne-Bressand, rapporteur :

De nombreuses auditions ont en effet été organisées pour préparer l'examen de ce projet de loi : nous avons déjà reçu Mme la ministre de l'intérieur, mais aussi le ministre de la défense, les directeurs généraux de la gendarmerie nationale et de la police nationale, des représentants des gendarmes, en activité ou à la retraite, ainsi que des gendarmes de tous grades. Nous avons également étudié la situation des forces armées dans les pays voisins. Nous avons pu ainsi constater les atouts de notre gendarmerie nationale.

Annoncé par le président de la République lors de son discours à la Grande Arche le 29 novembre 2007, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est historique, puisque le dernier texte législatif relatif à la gendarmerie remonte au 28 germinal an VI, c'est-à-dire au 17 avril 1798.

Dans la logique des évolutions intervenues depuis 2002, il place la gendarmerie nationale sous l'autorité du ministre de l'intérieur et tire les conclusions de ce rapprochement.

Le modèle français de dualité des forces de sécurité intérieure n'est cependant pas remis en cause. Le statut militaire de la gendarmerie est préservé et réaffirmé ; toutes les garanties de la pérennité de l'existence de cette force sont réunies.

Le texte comporte trois chapitres : le premier concerne les missions de la gendarmerie et son rattachement au ministère de l'intérieur ; le deuxième est relatif aux personnels ; le troisième comprend plusieurs dispositions de coordination et d'application de la loi.

J'aimerais tout d'abord insister sur les conditions et les conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Trois points me semblent essentiels : le rôle du préfet, la réquisition et l'usage d'armes à feu ou de moyens militaires spécifiques.

En ce qui concerne le préfet, son autorité ne remet pas en cause le principe hiérarchique. Son rôle est de coordonner l'action de l'État en matière de sécurité intérieure et de fixer les missions – à l'exception de celles relatives à l'exercice de la police judiciaire et des missions militaires de la gendarmerie. Sa compétence concerne l'ordre public et la police administrative. À cet effet, il fixe les objectifs et donne les directives ; les responsables départementaux des forces de gendarmerie comme de police lui rendent compte de l'exécution et des résultats obtenus, et le tiennent informé de tout événement concernant son domaine de compétence.

Il n'exerce pas le commandement des unités : cette fonction relève de leurs responsables, dans le respect de la chaîne hiérarchique. Les unités ont vocation à remplir l'ensemble des missions qui leur sont confiées, et il appartient au commandement de donner les ordres et de répartir les moyens pour y parvenir.

De même, l'intervention du préfet ne doit pas remettre en cause la cohérence du dispositif territorial. Chacune des deux forces de sécurité exerce ses missions dans la zone de compétence géographique qui lui a été attribuée, ce qui n'exclut pas des renforts mutuels pour répondre à un pic d'activité ou à une situation imprévus. Toutefois, ces renforts doivent demeurer l'exception.

S'agissant de la réquisition, son principe, pour l'emploi de la gendarmerie, est modernisé. L'article L. 1321-1 du code de la défense dispose actuellement qu'« aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale », et l'article D. 1321-3 du même code prévoit que « les forces armées ne peuvent participer au maintien de l'ordre que lorsqu'elles en sont légalement requises. ». Conçu comme une garantie pour les citoyens, le principe de réquisition doit être maintenu pour les armées, mais il n'est plus adapté à une gendarmerie désormais rattachée au ministre de l'intérieur. Seul l'usage de certains moyens – je pense par exemple aux blindés – justifie par nature d'être soumis à une procédure particulière.

L'encadrement de l'usage des armes à feu se justifie par le fait qu'elles ne sont susceptibles d'être utilisées pour le maintien de l'ordre que lorsque la situation est particulièrement dégradée ou dangereuse. Qu'un texte précise les conditions de leur emploi permet en outre de mettre en place une traçabilité de l'ordre donné.

Quant aux moyens militaires spécifiques de la gendarmerie, leur engagement n'est envisageable que lorsque les moyens ordinaires de « police civile » ne suffisent plus. Leur emploi au maintien de l'ordre est un signal fort dans une situation potentiellement grave. Compte tenu de la disparition de la procédure de réquisition, leur mise en oeuvre doit être soumise à une procédure d'autorisation du Premier ministre.

J'en viens maintenant aux missions de la gendarmerie, que le projet de loi consacre et même enrichit.

Elles ont été définies au fil du temps et parfois de manière parcellaire : l'article L. 3211-2 du code de la défense, qui en dresse la liste, reste ainsi muet sur des fonctions aussi importantes que le renseignement ou les activités internationales. Elles seront désormais précisées dans un seul texte. Je les rappelle : l'exécution des lois ; les missions judiciaires – dont au premier chef la police judiciaire ; la sécurité et l'ordre publics ; le renseignement et l'information des autorités publiques ; la mission de défense ; l'action internationale, notamment dans le cadre des opérations extérieures.

Outre la clarification du droit existant, l'énoncé de ces missions dans la loi présente deux autres avantages : souligner la spécificité de la gendarmerie, qui en fait la richesse ; montrer en même temps les points communs avec la police nationale. Comme vous le savez, l'essentiel de l'activité de la gendarmerie est consacré à des missions de police.

Le texte, en renforçant la coopération avec la police nationale, est une source d'enrichissement réciproque.

Depuis son placement pour emploi, en 2002, auprès du ministre de l'intérieur, la gendarmerie a engagé avec la police de nombreuses actions de coopération dans le cadre de la politique de sécurité intérieure.

Le rattachement de la gendarmerie à la même autorité ministérielle que la police devrait permettre de renforcer ce processus et d'améliorer ainsi tant l'efficacité que l'efficience de l'action publique dans ce domaine. Le transfert du budget de la gendarmerie au ministère de l'intérieur y contribue largement, comme le fait que le directeur général de la gendarmerie devienne directeur d'administration centrale au sein de ce ministère et y soit désormais physiquement présent – et donc en contact direct et permanent avec le directeur général de la police nationale et avec l'ensemble des directions de moyens.

Cette coopération doit continuer à porter sur les fonctions communes des deux forces, sans remettre en cause leur particularité, qui fait leur richesse. Elle doit donc préserver l'état militaire de la gendarmerie et, par conséquent, sa formation initiale et ses missions de défense. Elle pourra se traduire par des échanges de savoirs, de techniques ou d'expériences, une meilleure répartition des compétences entre les deux forces, ainsi que par des économies budgétaires engendrées par la mutualisation de moyens.

Dans sept domaines au moins, ces mutualisations pourront être développées au bénéfice de tous : le dialogue institutionnel, les actions opérationnelles, les fichiers de renseignement, les réseaux de communication, les moyens logistiques, les marchés publics et la formation.

Enfin, le projet de loi veille au statut et aux conditions de transfert des personnels de la gendarmerie.

S'agissant des militaires, le texte consacre leur statut et l'ensemble des sujétions qui en découlent. L'obligation de casernement et les règles spécifiques d'emploi sont en effet indissociables du statut militaire et donnent droit à un traitement indiciaire et indemnitaire spécifique. Je tiens à rassurer les gendarmes : leur rattachement au ministère de l'intérieur ne conduira en aucun cas à ce que leur paye soit alignée sur celle d'autres corps ; ils relèveront toujours d'une catégorie spécifique, avec ses propres règles de rémunération.

L'accent est également mis sur deux catégories spécifiques de militaires : les personnels de soutien et les réservistes. Les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif peuvent désormais effectuer toute leur carrière dans la gendarmerie puisqu'ils sont soumis aux mêmes limites d'âge que les autres sous-officiers. Cette mesure devrait permettre de donner cohérence et reconnaissance aux militaires des corps de soutien.

Pour ce qui est des réservistes, il est précisé qu'ils renforcent en priorité les unités opérationnelles – étant entendu qu'ils peuvent aussi participer à des missions de soutien. Après les efforts engagés à leur endroit depuis plusieurs années, il est très positif de les voir explicitement mentionnés dans le texte. Reste qu'il faudra encore améliorer la gestion des personnels, leur rémunération ou leurs modalités de convocation.

En ce qui concerne les personnels civils, le Sénat a abondamment complété le projet afin d'organiser leur transfert au ministère de l'intérieur. Je ne peux que m'en féliciter.

En conclusion, il me semble que la nouvelle tutelle ministérielle de la gendarmerie constitue une opportunité, à condition que le statut militaire de la gendarmerie et le principe de la dualité des forces soient préservés. À cet égard, le projet de loi apporte, dans sa rédaction actuelle – sous réserve des modifications que je vous proposerai – des garanties suffisantes.

L'une d'elle, plus politique, réside dans l'article 11 : il s'agit de l'obligation faite au Gouvernement de rendre compte tous les deux ans, dans un rapport d'évaluation remis au Parlement, des conséquences concrètes du texte. Afin de conférer à cette évaluation le maximum d'objectivité, je vous propose de préciser que le rapport sera préparé par une instance extérieure aux deux forces. Notre mission de contrôle en sera ainsi facilitée, et nous pourrons veiller tant au respect des principes de la loi qu'à la réalisation des objectifs qu'elle poursuit : l'amélioration de la sécurité de nos compatriotes et l'optimisation de la dépense publique.

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