Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Roland Blum

Réunion du 10 octobre 2007 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Blum, rapporteur :

a d'abord souligné que le pays des droits de l'Homme ne pouvait que s'émouvoir lorsque des innocents étaient détenus injustement et dans des conditions très difficiles, par la Justice d'un pays, dont ils étaient venus aider les citoyens malades, alors même que l'un des fils du chef de l'Etat a reconnu qu'ils n'avaient été que des boucs émissaires. L'engagement personnel du Président de la République pour obtenir leur libération, et son succès, doivent être salués.

Cette affaire a lourdement pesé sur les relations de la Libye avec les pays occidentaux. Ce pays avait pourtant réalisé des progrès dans la voie de la normalisation de ces relations depuis quelques années. En particulier, les relations franco-libyennes sont entrées dans une phase de relance depuis la conclusion, le 9 janvier 2004, d'un accord privé entre les familles des victimes de l'attentat contre le DC10 d'UTA et la Fondation Kadhafi. Le Premier ministre libyen est venu en France en avril 2004, avant que le Président de la République d'alors se rende en Libye en voyage officiel les 24 et 25 novembre de la même année. Mais ce que l'on a appelé « l'affaire des infirmières bulgares » empêchait d'aller plus loin dans ce processus de normalisation. La levée cet obstacle devait donc permettre naturellement d'approfondir nos relations bilatérales et les relations entre la Libye et l'Union européenne.

C'est justement la conclusion de mémorendums d'accords entre la France et la Libye au lendemain de la libération des soignants bulgares qui est à l'origine du dépôt des deux propositions de résolution que la commission examine aujourd'hui.

Le rapporteur a rappelé que le médecin a été arrêté fin janvier 1999, les infirmières début février de la même année, et qu'ils ont été accusés d'avoir sciemment transmis le virus du sida à 426 enfants traités à l'hôpital de Benghazi. Bien que plusieurs experts, parmi lesquels le professeur Luc Montagnier, aient conclu à une contamination des enfants causée par de mauvaises conditions sanitaires, et alors même que les accusés n'avaient jamais soigné certains des petits malades, ils sont tous les six condamnés à mort le 6 mai 2004.

Après un recours devant la Cour suprême libyenne, ils sont rejugés et à nouveau condamnés en décembre 2006, peine confirmée définitivement par la Cour suprême le 11 juillet 2007.

Les mauvais traitements qu'ils ont subis pendant leur détention et le fait que leurs aveux aient été obtenus par la torture entraînent une mobilisation de l'opinion publique et de la Communauté internationale. Après la première condamnation à mort, les autorités bulgares ont refusé de verser 10 millions de dollars par enfant contaminé, comme Tripoli le leur proposait mais, fin décembre 2005, les autorités bulgares et libyennes se sont mises d'accord pour la création d'un fonds de compensation international au bénéfice des enfants libyens atteints du sida.

Les 10 et 11 juin 2007, plusieurs émissaires européens, parmi lesquels Mme Ferrero-Waldner et M. Steinmeier, le ministre des affaires étrangères d'Allemagne, qui exerce alors la présidence de l'Union européenne, se rendent en Libye pour tenter de trouver une solution.

Il faut encore attendre la confirmation de la seconde condamnation à mort par la Cour suprême, le 11 juillet, pour que le processus s'accélère. Le lendemain, Mme Cécilia Sarkozy effectue une visite en Libye, à l'occasion de laquelle elle rencontre les six condamnés, les familles des enfants contaminés et le colonel Kadhafi. Trois jours plus tard, les familles acceptent un dédommagement d'un million de dollars par enfant contaminé, ce qui représente 400 millions de dollars au total. Le 17 juillet, l'argent est versé aux familles, qui renoncent à l'application de la peine de mort contre les accusés, dont la peine est commuée en prison à vie par le Conseil supérieur des instances judiciaires libyennes.

Le Parquet général de Bulgarie entame alors une procédure de demande d'extradition des cinq infirmières et du médecin, qui sont finalement transférés en Bulgarie le 24 juillet, dans l'avion de la présidence française, par lequel Mme Ferrero-Waldner et Mme Sarkozy, accompagnées par le secrétaire général de l'Elysée, M. Claude Guéant, se sont rendus en Libye, deux jours plus tôt. Les six condamnés sont graciés et libérés dès leur arrivée à Sofia.

Les conditions dans lesquelles leur libération a été obtenue ont naturellement retenu l'attention des médias : elle s'est d'abord focalisée sur l'intervention de Mme Sarkozy et sur le rôle joué par le Qatar, qui aurait versé les 400 millions de dollars destinés aux familles des enfants contaminés. Puis la presse s'est intéressée à la conclusion d'un mémorandum sur les relations entre la Libye et l'Union européenne et aux contreparties que la France aurait accordées à la Libye.

Selon certains, ces contreparties incluraient la signature d'un mémorandum d'accord sur le nucléaire civil portant sur la fourniture d'un réacteur nucléaire permettant de dessaler l'eau de mer, ainsi que celle d'un contrat d'armement. La prétendue existence de ce contrat a été annoncée par l'un des fils du colonel Kadhafi, qui a précisé, dans un second temps, que ce n'était pas une contrepartie à la libération des soignants bulgares.

Les deux propositions de résolutions tendant à la création d'une commission d'enquête portent précisément sur les conditions de la libération des six Bulgares et les éventuelles contreparties accordées à la Libye par la France.

Selon l'exposé des motifs, la commission d'enquête demandée par la proposition de résolution du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés (n° 150) porterait « sur les conditions exactes de la libération des otages de Libye et sur les protocoles d'accord (mémorandum) entre la France et la Libye qu'a conclus le président de la République à Tripoli au lendemain de cette libération. La coïncidence entre les deux évènements, le flou et les déclarations contradictoires qui ont entouré le contenu de ces accords, mais aussi et peut être surtout la nature de la réconciliation de la France avec un régime qui fait bon marché des droits de l'homme et des règles internationales, méritent une information complète et impartiale des Français. »

La proposition de résolution de M. Alain Bocquet (n° 152) vise à « savoir à quoi s'est en fait engagé notre pays », alors que règne « le flou autour de cette affaire ».

Le ministre des affaires étrangères s'est expliqué sur cette affaire devant la commission des affaires étrangères ; le Président de la République, son épouse et le secrétaire général de l'Elysée ont fait de même par voie de presse. Il n'y a pas de raisons objectives de mettre en question la véracité de leurs explications, mais le doute entretenu sur cette affaire n'est pas sain et il est important que l'Assemblée nationale utilise ses pouvoirs pour achever de le lever.

Or, il apparaît que les deux propositions de résolution remplissent les trois conditions nécessaires à leur recevabilité :

– il n'y a pas eu de commission d'enquête sur le même sujet au cours de l'année passée ;

– les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne font pas l'objet de poursuites judiciaires ;

– les propositions déterminent avec précision les faits qui donnent lieu à enquête.

Seule l'une des deux propositions doit être adoptée, puisqu'il n'est pas question de créer deux commissions d'enquête sur le même sujet. Le rapporteur a indiqué qu'il lui semblait préférable d'adopter la proposition n° 150, déposée par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés, car la proposition n° 152 de M. Alain Bocquet présentait une dimension « prospective » (elle inclut « les conséquences susceptibles de résulter » des accords conclus) qui n'est pas acceptable dans une commission d'enquête, laquelle doit porter sur des faits passés.

Il a ensuite annoncé qu'il proposait à la commission trois amendements visant à modifier la rédaction de l'article unique de la proposition de résolution sur deux points, et à préciser son titre. Ces modifications ne visent nullement à changer l'objet de la résolution, mais seulement à le rendre plus clair.

Le Président Axel Poniatowski a remercié le Rapporteur et a introduit la discussion générale en se prononçant en faveur de la création de la commission d'enquête, les autorités gouvernementales et le Président de la République s'y étant déclarés favorables.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion