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Intervention de Yves Aubin de la Messuzière

Réunion du 11 mars 2009 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Yves Aubin de la Messuzière :

Je partage l'analyse de M. Dieckhoff quant aux perspectives qui semblent se dessiner après le conflit de Gaza et les élections israéliennes. La forte mobilisation de la communauté internationale pour reconstruire Gaza ne peut, selon moi, atténuer ce pessimisme.

En effet, la situation à Gaza est loin d'être stabilisée et les négociations qui se poursuivent sous les auspices de l'Egypte semblent dans l'impasse en ce qui concerne le contrôle de la frontière avec ce dernier pays, l'ouverture des points de passages et l'échange de prisonniers. J'ajoute que le blocus israélien ne s'est pas desserré depuis la fin du conflit, ce qui rend impossible la reconstruction de Gaza.

La « fracture » palestinienne, par ailleurs, risque de perdurer même si la mise en place d'un gouvernement d'union nationale est espérée pour gérer la situation à Gaza et organiser les élections générales palestiniennes, qui devraient avoir lieu en janvier 2010.

Il est en outre frappant de constater combien l'OLP, considérée depuis les années 70 comme l'unique organisation représentative et légitime des Palestiniens, a été, pour la première fois de son histoire, hors du jeu. La récente démission de Salam Fayyad, de ce point de vue, ne fait que renforcer le Hamas, dont c'était l'une des revendications. Ce dernier se sent d'ailleurs conforté dans le monde arabe et en Cisjordanie, même si, à Gaza, il est aujourd'hui moins populaire que naguère, faute d'avoir pu gérer la situation. Du reste, il ne manque pas de faire valoir ce qu'il considère comme sa triple légitimité, acquise dans la résistance, dans les urnes et dans la confrontation avec Israël.

Je constate également que les dirigeants du Hamas veillent à maintenir un consensus entre l'aile politique de Damas et celle de Gaza – notamment à travers des conseils consultatifs, qui existent aussi parmi les prisonniers – depuis que le mouvement a failli éclater après le coup de force de juin 2007 à Gaza, les pragmatiques considérant alors qu'il était préférable de s'intégrer au sein l'OLP plutôt que de prendre directement le contrôle de Gaza. Cela n'a pas empêché l'expression d'assez fortes divergences après que Khaled Mechaal, chef du bureau politique à Damas, a déclaré à l'issue du conflit que la perspective de créer une nouvelle OLP était envisageable.

J'ajoute, enfin, que le Hamas contrôle difficilement le Djihad islamique, lequel est semble-t-il à l'origine des tirs de roquettes kassam – alors que ce mouvement s'était associé à la première trève.

Autre raison d'être pessimiste : l'élection de M. Netanyahou – même s'il est pragmatique et que sa politique ne sera pas nécessairement la même que celle qu'il avait engagée lors de son premier mandat. Il n'en demeure pas moins que la coalition droite- extrême droite risque de geler durablement le processus de paix, d'autant que le futur Premier ministre s'en tiendra certainement à son projet de paix économique. Toute perspective politique est donc renvoyée sur le moyen et le long termes.

Par ailleurs, si l'on excepte le versant sécuritaire, il ne me semble pas qu'Israël ait jamais eu une vision d'avenir structurée, élaborée sur la question palestienne. Comme l'a dit M. Dieckhoff, il s'agit avant tout de gérer la situation. Tout se passe comme si Israël, toutes tendances confondues, avait pour seule stratégie politique de consacrer la séparation de deux entités palestiniennes et à constater l'absence d'interlocuteur capable de mener des négociations.

Enfin, si Israël n'a, selon moi, jamais cherché à éradiquer le Hamas, il a en revanche promu une politique de containment ou d'endiguement en empêchant son intégration au sein de l'OLP et, si nécessaire, en le frappant par les armes.

En outre, le conflit de Gaza a été l'occasion de constater une exacerbation des rivalités inter-arabes, un front hétéroclite de soutien au Hamas autour du Qatar et de la Syrie s'étant formé lors du sommet extraordinaire de Doha, l'Egypte étant quant à elle moins considérée comme un médiateur que comme une partie prenante voulant contenir le mouvement islamiste. Une telle fracture rend le maintien de l'initiative arabe de paix de 2002 bien incertaine. Le prochain sommet tentera de rétablir un consensus mais ce dernier sera largement artificiel.

Par ailleurs, je ne pense pas que l'Iran ait une responsabilité directe dans le déclenchement du conflit de Gaza, même si ce pays s'est depuis introduit subtilement dans le jeu régional en participant au sommet de Doha et en invitant à Téhéran le chef du bureau politique du mouvement islamiste. Je ne doute pas que le dossier du Proche-Orient sera évoqué dans le cadre des entretiens annoncés entre les États-Unis et l'Iran, ce dernier pays pouvant alors jouer un rôle d'apaisement ou d'exacerbation des tensions.

Je retiens d'entretiens récents à Washington que la nouvelle administration américaine, quant à elle, abordera ce dossier avec une méthode bien différente de celle de l'équipe Bush. Avant d'imaginer l'organisation d'une conférence internationale, je gage qu'elle s'efforcera de créer les conditions d'une relance du processus de paix, ce qui suppose de stabiliser la situation à Gaza à travers notamment le contrôle des frontières, la fin du blocus, et, enfin, de ne pas faire obstacle à la réconciliation palestinienne à la différence de ce qui s'est passé en mars 2008 quand les États-Unis – notamment Condoleezza Rice – sont intervenus directement auprès de M. Abou Mazen afin d'empêcher un accord entre le Fatah et le Hamas.

Il semble, enfin, que la pression de la nouvelle administration américaine sur Israël commence à se faire sentir s'agissant des colonies : je rappelle qu'en 2001, M. Mitchell avait été chargé de la rédaction d'un rapport sur la deuxième Intifada dans lequel il accordait une grande place aux problèmes posés par les colonies.

M. Nicolas Sarkozy a annoncé à Charm El-Cheikh la possible réunion, au printemps, d'un sommet global sur le Proche-Orient. Etant donné que la situation ne sera pas stabilisée, je considère qu'il ne faut rien précipiter – il me semble que c'est aussi l'avis de la nouvelle administration américaine. L'urgence est d'abord de créer les conditions d'un règlement du conflit. À cette fin, le ferme engagement du nouveau gouvernement israélien à arrêter la colonisation et la mise en place d'un nouveau gouvernement palestinien sont sans doute nécessaires. Il faut aussi se garder de l'illusion selon laquelle le volet syrien de cette crise serait plus facile à régler : Bachar El-Assad ne s'engagera pas sérieusement en l'absence de perspectives sérieuses pour les Palestiniens.

Enfin, le pire des scénarios consisterait à considérer que la question israélo-palestinienne peut-être gérée comme un conflit de basse intensité qui subirait des soubresauts sans conséquence sur la stabilité régionale et que la priorité serait accordée au seul développement économique. On rejoindrait ainsi la stratégie de Netanyahou.

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