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Intervention de Alain Dieckhoff

Réunion du 11 mars 2009 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Alain Dieckhoff :

Notre table ronde a lieu après trois événements majeurs.

Le premier : l'élection de M. Obama, qui devrait avoir des incidences sur le règlement du conflit israélo-palestinien mais également sur les relations avec l'Iran, l'Irak et l'Afghanistan.

Le deuxième : la guerre à Gaza, de la fin du mois de décembre 2008 aux 17-18 janvier 2009, qui, si elle a changé beaucoup de choses sur le terrain en raison de son intensité, n'a en revanche rien modifié sur un plan politico-stratégique, puisque le Hamas demeure un acteur essentiel de cette région qu'il faudra bien intégrer d'une manière ou d'une autre dans les politiques à venir.

Le troisième, enfin : les résultats des élections israéliennes, qui avec 65 députés sur 120, ont donné une franche majorité aux partis de droite et d'extrême droite mais également aux religieux. Selon toute probabilité, la prochaine coalition gouvernementale sera dirigée par M. Netanyahou.

Depuis une décennie, la situation se caractérise par une contradiction croissante entre le processus diplomatique et la réalité du terrain. Ce processus a donné des résultats mais, hélas, très largement théoriques – que l'on songe aux « paramètres Clinton », ou à la feuille de route de 2003 – car obérés par les faits, même si ces avancées ont par ailleurs permis de dessiner les contours de ce que pourrait être un accord de paix final juste et réaliste. Quoi qu'il en soit, ces résultats ont été minés par les évolutions locales : les Israéliens ont pratiqué dans les années 2000 l'unilatéralisme – même si, en 2007, ils ont « réanimé », avec l'administration Bush finissante, un processus de négociations – tandis que les Palestiniens sont prisonniers d'une bipolarisation géographique et politique entre Hamas dans la Bande de Gaza et Fatah en Cisjordanie. Pour toutes ces raisons, il n'est pas possible de poursuivre le processus de paix sur les brisées des années quatre-vingt dix. J'ajoute que la volonté américaine de s'impliquer à nouveau dans ce processus – la nomination du sénateur George Mitchell comme émissaire au Moyen-Orient en témoigne – doit être saluée ; si elle constitue un élément positif, cela ne sera néanmoins pas suffisant pour surmonter les difficultés qui se font jour, et la perspective d'un règlement final du conflit ne me semble pas à portée de main.

Dès lors, que peut-on faire ?

Première possibilité : la « gestion du conflit » – telle sera, me semble-t-il, la perspective du prochain gouvernement israélien – car il n'est pas envisageable pour le Likoud de régler la situation définitivement compte tenu de ce qui n'est pas négociable, c'est-à-dire des « lignes rouges » que sont, pour lui, l'indivision de Jérusalem et le maintien du Jourdain comme « frontière » de sécurité.

Cette gestion se fera selon deux modalités : d'une part, la promotion, auprès de l'Autorité palestinienne, de ce que M. Netanyahou a appelé « la paix économique » – amélioration de la situation économique des Palestiniens, renforcement des institutions de Ramallah – et, d'autre part, l'isolement du Hamas par la pression militaire.

Cela dit, M. Netanyahou est réaliste et sait fort bien qu'il ne pourra s'opposer frontalement à la nouvelle politique américaine. Il essaiera donc de proposer une sorte de « service minimum » en négociant s'il le faut, mais sans véritable volonté d'engagement, à l'instar de ce qu'il avait fait lorsqu'il était Premier ministre dans les années 1990. Par ailleurs, il ne faut pas exclure à moyen terme une ouverture vers Kadima si la pression de l'extrême droite devient trop forte sur le Likoud.

Dans la situation actuelle, une dose de gestion du conflit est certainement inévitable. Il ne faut pas se bercer d'illusions : on ne parviendra pas à un accord définitif entre Israéliens et Palestiniens dans les six prochains mois – on n'y est pas parvenu à la fin des années 90 dans un contexte plus favorable.

Seconde possibilité à mes yeux préférable : préparer les conditions pour un règlement futur. Cela suppose d'abord de travailler avec l'Egypte, à un cessez-le-feu permanent entre Israël et le Hamas, lequel ne peut que reposer sur une logique de contreparties : d'une part, contrôle du Djihad islamique par le Hamas, arrêt total des tirs de roquettes sur le sud d'Israël et fin de la contrebande d'armes à Rafah ; d'autre part, ouverture des points de passages autour de la Bande de Gaza.

A partir de là, il faudrait s'efforcer de réellement mettre en oeuvre deux principes présents dans la feuille de route de 2003, dont la logique interne demeure valable. Le premier : l'amélioration de la transparence financière de l'Autorité palestinienne et de la sécurité interne ; des progrès indéniables ont été réalisés dans ces domaines en Cisjordanie, sous l'autorité de M. Salam Fayyad. Le second : le gel du développement des implantations israéliennes, qui n'a en revanche pas connu de début de mise en oeuvre. C'est sur ce point-là que devrait porter l'action internationale si la volonté d'aboutir à la création de deux États est bien réelle. Entre 2003 et 2008, sans compter Jérusalem-Est, la population juive israélienne en Cisjordanie est en effet passée de 226 000 à 276 000 personnes. La mise en place d'un véritable système de monitoring international s'impose. Sans le respect de ces deux préalables, la perspective de deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité, restera chimérique.

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