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Intervention de Patrick Artus

Réunion du 3 juin 2008 à 17h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Patrick Artus :

Plusieurs démarches ont été entreprises au niveau européen. Christine Lagarde aussi est allée à Pékin. Mais il faut faire attention à ne pas voir dans la faiblesse du renminbi la cause de nos problèmes. Les Chinois ont clairement dit que leur objectif, c'était la parité dollar-renminbi, et non la parité euro-renminbi, en faisant judicieusement remarquer que s'ils contrôlaient les deux, cela reviendrait à se préoccuper de la parité dollar-euro, tâche qui ne leur incombe pas précisément. Si les Chinois laissent le renminbi monter par rapport au dollar, leur politique fabrique aussi un dollar plus faible par rapport à l'euro. Ce n'est pas forcément notre intérêt. Ce qu'il nous faudrait, c'est qu'ils ajustent la parité de leur monnaie à un panier de devises : dollar plus euro. Il faut être extrêmement précis dans les demandes que nous adressons aux pays émergents en matière de change.

Si vous suivez mon intuition qui est que l'euro s'apprécie surtout parce qu'il est en train de devenir une monnaie de réserve, et non à cause de la politique monétaire européenne, la coordination à l'intérieur de la zone euro n'est pas le problème essentiel. La diversification à grande échelle des avoirs en dollars n'est possible qu'avec l'euro. Comment l'empêcher ? Les Allemands et les Japonais ont toujours cherché à éviter que leur monnaie ne devienne internationale, mais leurs méthodes ne sont plus valables aujourd'hui : les Allemands interdisaient pratiquement aux non-résidents de se financer en marks.

Contrecarrer cette cause d'appréciation de l'euro est extraordinairement difficile. Une des pistes que je suggère découle du constat que l'euro est dans la situation inverse à celle du dollar. La demande de dollar est plus faible que la dette des États-Unis, si l'on ne tient pas compte des interventions des banques centrales. Le dollar baisse. Les manuels d'économie enseignent que, quand un État devient insolvable, il provoque l'inflation pour réduire sa dette. Au plan international, un État insolvable déprécie sa devise. La zone euro, elle, n'a pas de dette extérieure et la demande internationale d'euro ne trouve pas à se satisfaire puisque les résidents ne vendent pas leurs actifs aux non-résidents. À long terme, le marché s'équilibre par une hausse du cours de l'euro qui réduit la demande des non-résidents.

Pour rééquilibrer le marché des actifs en euros, il faudrait agir sur l'offre en l'élargissant. L'idéal serait que les entreprises émettent des titres, mais on ne va pas leur reprocher maintenant d'être devenues très rentables et de ne pas avoir besoin de s'endetter beaucoup – même si c'est le cauchemar des banquiers. Il reste les institutions publiques qui ont accès aux marchés internationaux, par exemple la Banque européenne d'investissement. Cela signifierait, ne nous le cachons pas, que la zone euro aurait un déficit extérieur puisqu'elle financerait un supplément d'investissement domestique en s'endettant auprès des non-résidents. La balance commerciale deviendrait déficitaire. La demande étant forte, l'impact sur les taux d'intérêt serait marginal et, à terme, cela empêcherait l'appréciation de l'euro.

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