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Intervention de Stéphane Grimaldi

Réunion du 30 septembre 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Stéphane Grimaldi :

Je tenterai d'éclairer la mission avec quelques observations très empiriques sur le fonctionnement d'un établissement mémoriel qui reçoit environ 400 000 personnes par an.

Tout le monde, d'abord, s'accordera sur le fait que c'est au législateur qu'il appartient, évidemment, de définir la politique mémorielle française.

Mme Coutelle, ensuite, a évoqué les Allemands. Avant de diriger le mémorial de Caen, consacré essentiellement à la Deuxième guerre mondiale, je dirigeais celui de Péronne, qui concerne la Grande guerre. Or les jeunes Allemands ne viennent dans aucun de ces deux établissements. On a beau multiplier les contacts et les échanges, cela ne marche pas.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre les commémorations, qui sont des rituels républicains – selon l'expression judicieuse de M. Vanneste – avec le problème plus compliqué de l'éducation. En dépit du goût des Français pour l'histoire, cette discipline est depuis très longtemps une matière secondaire dans notre pays. Un jeune qui décide de poursuivre des études supérieures en histoire est considéré comme un raté ou un futur chômeur, car ce n'est plus considéré comme une matière noble. Or c'est une faute lourde dont nous payons aujourd'hui les conséquences.

Je l'ai observé à Caen comme à Péronne : les collégiens et les lycéens sont infiniment moins préoccupés par les questions mémorielles ; ils sont moins savants, et même leurs enseignants ont des difficultés à se remettre à niveau – nous dispensons ainsi, cette année, des formations auprès de 850 enseignants sur des questions relatives à la Seconde guerre mondiale. Nous sommes donc face à des publics qui sont de moins en moins préoccupés par les questions d'histoire.

En résumé, les Dossiers de l'écran ont fait place à la Star academy.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre la mémoire et le devoir de mémoire avec l'éducation à l'histoire et l'enseignement de l'histoire de France. Ni les commémorations, ni les établissements culturels ne pourront se substituer à l'éducation nationale.

Il faut une certaine rigueur. D'abord, cela a été dit, il faut laisser la parole aux historiens. Il appartient aux politiques de décider, mais de grâce, qu'ils laissent les historiens faire leur métier ! Mais surtout, nous vivons dans un pays où l'émotion submerge tout. Je vous invite à regarder les livres d'or des musées et mémoriaux : le mot « émotion » revient à toutes les pages. Les Français ont ce mot à la bouche dès qu'ils parlent d'histoire. Or l'émotion, c'est très bien, mais cela ne suffit pas. La République a besoin de citoyens éduqués, qui connaissent leur histoire, ne serait-ce que pour pouvoir voter. Comment voter sans connaître Jaurès ni Clemenceau ?

Je terminerai par l'Europe. Une expérience très intéressante a été tentée : l'écriture d'un manuel d'histoire franco-allemand. J'ai moi-même demandé à des étudiants de l'université de Caen de réfléchir à une méthodologie permettant d'écrire une histoire européenne. J'ai en effet découvert à Péronne, grâce au professeur Becker, que la lecture de la Grande guerre n'était pas la même selon le pays. Il existait encore récemment – les choses ont peut-être changé – une lecture allemande, britannique, française, italienne de cette histoire. C'est vrai pour toutes les guerres, tous les conflits, tous les événements. Pouvons-nous rêver qu'un jour, nos enfants ou nos petits-enfants puissent disposer d'un manuel d'histoire commun à toute l'Europe ? C'est une question qui me semble rejoindre le débat sur les commémorations.

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