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Intervention de Philippe Pichot

Réunion du 30 septembre 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Philippe Pichot :

En ce qui concerne la mémoire de l'esclavage, le 10 mai n'est qu'une date repère : tout le monde n'organise pas quelque chose ce jour-là. Bien souvent, les initiatives démarrent avant et continuent bien après. De même, elles ne se font pas toujours autour de lieux de mémoire, mais souvent en milieu scolaire, par exemple.

Il est intéressant d'ailleurs d'examiner la façon dont on entre dans le sujet. S'agissant de l'esclavage, le passage par l'histoire de la traite négrière ne doit pas nécessairement être le premier réflexe, parce que c'est une histoire compliquée. La porte d'entrée, ce sont les conséquences d'un fait historique dans la société actuelle. Nous vivons dans des sociétés plurielles, multiculturelles. C'est une réalité que l'on ne peut pas nier. Les classes regroupent des petits Blacks ou Rebeus, pour employer des termes à la mode.

Il existe des formes de racisme, de discrimination, d'intolérance dont on peut trouver tous les jours des exemples dans l'actualité, et dont on peut trouver les origines dans le passé. C'est souvent sur ce thème que nous intervenons. Si vous essayez de présenter aux enseignants ou aux élèves l'histoire de la traite négrière et du commerce triangulaire, ils auront du mal à accrocher, trouvant cela trop complexe, trop éloigné dans le temps et dans l'espace. Pour élargir le public, on peut chercher à montrer à quel point le racisme, les préjugés liés à la couleur, sont liés à l'histoire de la traite négrière. Il faut tenter de faire le lien entre le passé et le présent. C'est ainsi que l'on parvient à mobiliser l'attention. D'où l'intitulé de notre projet, la « route des abolitions de l'esclavage et des droits de l'homme ».

La mémoire de l'esclavage est un sujet universel, qui a bouleversé l'histoire de quatre continents. Mais si on commémore beaucoup en France, au point que certains se moquent de cette propension, il n'en est pas de même à l'étranger, et certains nous envient un peu notre réflexe, en dépit des lourdeurs qu'il peut entraîner. Ainsi, la loi Taubira crée un intérêt très fort, d'autant que la France était pionnière en matière d'abolition de l'esclavage. De même, une trentaine de représentations de corps diplomatiques, venus de l'Océan indien, d'Afrique, des Caraïbes, des Amériques, sont déjà venues étudier l'organisation de notre réseau.

Cette façon de combiner travail de terrain et dispositifs nationaux est un modèle que l'on commence même à exporter – au Brésil, par exemple. Enfin, nous avons vu déferler en trois ans 200 médias nationaux et internationaux, issus d'une trentaine de pays. Cela montre que, si la France connaît peut-être un trop-plein de commémorations, il y a des manques à l'extérieur de nos frontières. L'un des messages que nous tentons d'ailleurs de faire passer, c'est que l'histoire de la traite négrière est européenne : elle ne concerne pas seulement la France, la Grande-Bretagne ou l'Espagne, mais toute l'Europe.

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