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Intervention de Serge Romana

Réunion du 30 septembre 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Serge Romana :

C'est votre point de vue. Mais c'est une question dont on pourrait débattre très longuement.

Je crois en une citoyenneté française et en une identité plurielle. La réalité de la France d'aujourd'hui vous contraint, en tant que politiques, à y réfléchir. De ce fait, la question des commémorations prend des dimensions différentes.

Par ailleurs, l'histoire fait des choix : on commémore de Gaulle et pas Pétain, par exemple. Les commémorations sont des choix. C'est aux politiques d'en décider. Ils doivent donc se demander, en premier lieu, à quoi servent ces commémorations et qui elles servent. Il ne suffit pas de dire que l'on veut l'unité nationale, car on risque de ne jamais y arriver. Il faut engager un vrai débat.

Les commémorations sur l'abolition de l'esclavage durent depuis 1848. Pourtant, le problème n'est pas résolu et deux commémorations s'affrontent aujourd'hui : celle des victimes de l'esclavage, qui n'a rien à voir avec la repentance, mais qui est une réparation symbolique, et celle de l'abolition de l'esclavage.

Je ne veux pas entrer dans une discussion sur les dates, pour ne pas abaisser le débat. En revanche, certains ont parlé des descendants d'esclaves. Je suis généticien et je ne me place pas sur le plan historique, mais sur le plan anthropologique. Un groupe humain qui est né en esclavage acquiert certaines caractéristiques. Quelle que soit leur couleur de peau, les personnes concernées entretiennent entre elles des rapports très particuliers, notamment un fonctionnement matrifocal des familles, qui n'a rien à voir avec ce qui se passe ici. Les problèmes qui se posent sont extrêmement profonds. S'ils ne l'étaient pas, une fois la date du 10 mai choisie, tout aurait été réglé. Or ce ne fut pas le cas.

Je ne porte aucune accusation. Je ne suis pas là pour demander une quelconque repentance. D'ailleurs, la marche du 23 mai 1998, qui fut probablement l'une des plus grandes manifestations, fut silencieuse. Elle rompait avec les concepts nationalistes assimilant les héros antiesclavagistes à des héros anticolonialistes. Elle soulevait le problème de la parentalité entre les descendants d'esclaves d'aujourd'hui et leurs parents, c'est-à-dire celui de leur identité.

Le Parlement doit regarder de très près ce qui se passe sur le terrain, ici comme dans les départements d'outre-mer, là où l'esclavage a existé, et il ne doit pas se précipiter.

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