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Intervention de Philippe Pichot

Réunion du 30 septembre 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Philippe Pichot :

Je remercie la mission de nous avoir invités, ainsi que les parlementaires qui ont appuyé notre demande, car nous nous sentions un peu différents, dans la mesure où nous représentons des lieux de mémoire très actifs sur cette question depuis très longtemps, bien avant que ce débat n'arrive sur la place publique, et bien avant la loi Taubira et la marche du 23 mai 1998.

Contrairement à ce que l'on a pu dire ou entendre ces derniers temps, cette question sur la mémoire n'est pas qu'une source de conflits, d'agressions, de polémiques avec ses dérives de vocabulaire, du style « la guerre des mémoires » ou la « repentance ». Nous recevons des dizaines de milliers de visiteurs chaque année depuis des années : des Noirs, des descendants d'esclaves, des Blancs du fin fond de la France, de l'outre-mer ou de l'étranger. Nous n'avons jamais assisté à des manifestations de défoulement ou de haine. Même si cette histoire est douloureuse, terrible et dramatique, le fait d'avoir le courage d'en parler, de l'exposer sans faire de surenchère, crée des réactions positives, plutôt stimulantes en termes de fierté républicaine.

Cette mémoire peut être un sujet constructif de réconciliation. Voilà pourquoi je voulais donner ce témoignage tiré du terrain. Si nous sommes aujourd'hui structurés en association à dimension nationale et internationale, appuyés par des collectivités comme les régions, par des ministères, le Sénat, l'Assemblée nationale, c'est bien parce qu'il est possible de construire des démarches assez positives.

Je parle de la route des abolitions de l'esclavage. Mais nous avons des témoignages du même ordre de la part de nos confrères de Nantes, des « Anneaux de la mémoire ». Il existe aussi dans les départements d'outre-mer de nombreux lieux de mémoire, où l'on mène des actions concrètes et positives.

Les commémorations sont nécessaires. Il faut une loi, un cadre souple et incitatif. Les élus doivent, avec l'appui des historiens, mener une réflexion. Mais les débats ne doivent pas avoir lieu après l'apparition de la loi, au travers d'éditoriaux, de plateaux de télévision qui, depuis le terrain, paraissent bien fumeux.

C'est à la nation de déterminer quelles commémorations faire. Ces commémorations ont leur avantage, ne serait-ce que médiatique. Mais la fréquentation est limitée et elle s'amenuise d'année en année.

Nous faisons des commémorations et nous sommes souvent aux premières loges : nous avons été site de mémoire en 1998 ; nous avons lancé la commémoration du bicentenaire de la mort de Toussaint Louverture et celle de la naissance de Victor Schoelcher ; nous avons été invités d'honneur du Sénat le 10 mai 2006 ; le 10 mai dernier, une partie du Gouvernement était au jardin du Luxembourg, mais l'autre était au château de Joux et à Champagney. Mais pour nous, c'est secondaire : nous sommes actifs 365 jours sur 365, comme je l'ai dit au président Chirac le 30 janvier 2006 lorsqu'il nous a reçus à l'Élysée. C'est de cette manière que nous pouvons toucher nos publics, notamment le public scolaire qui constitue une cible importante.

L'histoire de l'esclavage peut être vue sous l'angle de son abolition, fierté républicaine. Mais nous incarnons l'ensemble du processus, avec tous ses drames. Nous ne trions pas dans l'histoire, tout en revendiquant fortement notre qualité de républicains. C'est ce qui nous permet de ne pas connaître toutes ces agressions. J'insiste sur ce point pour que vous-mêmes, parlementaires de la nation, sachiez bien que sur le terrain, quand les républicains sont droits dans leurs bottes et tiennent leur rang, les dérives racistes peuvent être contenues.

Les commémorations ne peuvent pas prendre leur ampleur dans certains territoires, auprès de certains publics. En revanche, dans les lieux de mémoire, il y a une dynamique très forte qui a un effet d'entraînement sur les collectivités locales et sur le tissu associatif. Cela crée une émulation qui nous permet, par exemple, de diffuser aujourd'hui bien au-delà du grand Est, c'est-à-dire au niveau national et international.

Nous aurions pu penser que nous n'attirerions que des Noirs ou des descendants d'esclaves. Nous nous sommes aperçus que nous pouvions mobiliser tous types de publics. Cette histoire appartient, de fait, à la nation entière. Dans la mesure où les réactions sont assez positives, il y a une vraie fierté à incarner cette action de mémoire sur le terrain.

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