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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 15 avril 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est à un exercice inédit, à défaut d'être historique, auquel nous nous livrons aujourd'hui en transposant un accord signé par les organisations patronales et quatre confédérations syndicales de salariés.

Je consacrerai pour ma part l'essentiel de mon propos à la question particulière qui se trouve posée à l'occasion de ce projet et qui concerne les relations entre la démocratie sociale et la démocratie politique. Je dirai quelques mots rapides sur l'accord lui-même. Comme cela a été indiqué par plusieurs de mes collègues, cet accord limité comporte des avancées indéniables pour les salariés.

Il est évident que si les socialistes avaient eu à proposer un texte sur le marché du travail et sa modernisation, il eût été différent de celui qui est en discussion aujourd'hui. On peut d'ailleurs faire l'hypothèse qu'il en aurait été de même pour votre majorité. L'une des raisons qui nous ont conduits à regarder avec intérêt l'accord est précisément qu'il évite les excès annoncés pendant la campagne présidentielle, en particulier l'idée d'un contrat de travail unique.

Au-delà, il est juste de prendre acte d'avancées réelles, en particulier l'affirmation du CDI comme forme normale de la relation de travail, l'obligation de motiver les licenciements et, bien entendu, l'abrogation du CNE. Ce n'est pas rien, au regard de la critique constante que nous avons exprimée vis-à-vis de ce contrat.

L'instauration d'une rupture conventionnelle du contrat largement encadrée est intéressante, d'abord parce qu'elle fait échec à l'idée de contrat unique, ensuite parce qu'elle permet d'introduire une certaine souplesse dans la gestion des relations entre les employeurs et les salariés, qui n'est pas, contrairement à ce que disent certains, uniquement au profit des employeurs. Il faudra néanmoins être vigilant et nous le serons quant aux modalités de sa mise en oeuvre dans un contexte de tension économique.

Malheureusement, il me semble que, dans l'autre plateau de la balance de cet accord, ce qui concerne l'instauration d'une sécurisation des parcours professionnels reste extrêmement limité. La transférabilité des droits des salariés en cas de rupture du contrat reste trop faible pour que nous puissions véritablement saluer l'engagement d'une flexicurité – même si je n'aime pas ce terme – à la française. Nous le regrettons, car l'essentiel du travail qui reste à accomplir est bien de se donner les moyens de lutter contre la précarité de l'emploi en sécurisant davantage les parcours professionnels. On le sait, plus les salariés sont précaires, moins ils sont formés, plus ils sont exposés. À cet égard, ni l'accord, ni le projet de loi ne répondent à cette urgence.

Quelle place entendons-nous donner la démocratie sociale ?

La démarche est originale, puisque vous nous demandez de limiter notre droit d'amendement. Personne n'a intérêt à défendre l'idée que le Parlement serait dans son rôle en se contentant de transposer un accord. Je ne crois pas davantage que l'on puisse prendre appui sur la loi de 2007 pour considérer que l'équilibre de notre droit social pourrait passer d'un schéma dans lequel la loi est l'élément central à une autre architecture dans laquelle l'accord négocié entre les partenaires sociaux tiendrait la même place. Je ne vais pas entrer dans un débat par trop juridique, mais c'est la Constitution elle-même qui fixe les principes et les grandes orientations. Il revient à la loi de fixer les principes fondamentaux du droit social et syndical. Une simple loi, fût-elle votée à une large majorité, ne peut remettre en question cet équilibre.

De ce point de vue, nous devons procéder à une analyse au cas par cas des transpositions d'accords qui nous sont présentées. Il n'est pas possible, au nom de la force de la loi, d'écarter d'un revers de main, l'idée que l'accord entre partenaires sociaux peut introduire des normes contraignantes nouvelles et apporter une sécurité renforcée aux salariés. Et s'il est exact que la relation de subordination qui existe entre le salarié et son employeur doit être fortement encadrée, il serait excessif d'en déduire que seule la loi peut procéder à cet encadrement. À l'évidence, les organisations syndicales doivent constituer l'un des éléments clé de cet encadrement.

Pour que la démocratie sociale, que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux, prenne toute sa force, il faut, à l'évidence, que le travail se poursuive, que la représentativité des syndicats soit mieux définie et progresse, que leurs positions puissent s'exprimer dans le cadre d'accords majoritaires.

La loi garantira toujours les principes de l'ordre social public. Au Parlement ensuite, au cas par cas, de déterminer dans le cadre de chaque accord, si ces principes sont respectés. Or qu'en est-il avec du texte que nous examinons aujourd'hui ? Nous ne pouvons contester la très large représentativité des organisations signataires et le fait qu'elles représentent une majorité de salariés. À ce stade, deux points, néanmoins, suscitent notre interrogation et justifient notre abstention, même si cette abstention doit être constructive.

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