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Intervention de Francis Vercamer

Réunion du 15 avril 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous commençons aujourd'hui l'examen est novateur à double titre.

Tout d'abord, parce qu'il constitue la traduction concrète des dispositions de la loi sur la modernisation du dialogue social.

Ensuite, parce qu'il introduit dans notre droit du travail les éléments d'une sécurisation des parcours professionnels dont on parle tant depuis plusieurs années, mais dont on tardait à distinguer les contours concrets dans notre organisation du travail.

Ce texte est ainsi l'illustration de ce que le dialogue social, articulé à la loi lorsque c'est nécessaire, peut permettre à notre réglementation du travail de réaliser des avancées décisives.

Avec la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du dialogue social, nous avons érigé en principe que toute réforme du droit du travail doit être précédée d'une période de saisine des partenaires sociaux.

De cette manière, l'évolution des règles de notre droit du travail peut trouver sa source dans la discussion et la négociation de celles et ceux qui sont directement concernés par ces dernières, plutôt que dans la loi. Quoi de plus logique, en effet, que d'inviter les partenaires sociaux à se saisir de ce sujet, sensible, mais essentiel aussi bien pour l'entreprise, que pour l'employeur et le salarié, à savoir la sécurisation des parcours professionnels ?

Le groupe Nouveau Centre est particulièrement attaché au dialogue entre les partenaires sociaux. Il est pour nous un signe de la vitalité de notre démocratie sociale. Nous sommes nombreux ici à être persuadés que c'est du dialogue social que peuvent venir l'inventivité et les innovations qu'exigent de notre réglementation du travail les évolutions de l'économie moderne.

Avec ce projet de loi, avec l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, c'est, en réalité, un premier pas qui a été franchi vers la rénovation de notre pacte social, non pour amoindrir la portée de celui-ci, mais au contraire, pour le rendre plus pertinent, plus efficace, dans un marché du travail lui-même plus complexe.

L'esprit de responsabilité dont les partenaires sociaux ont fait preuve avec cet accord est, pour notre groupe, un signe encourageant pour notre pays. Nous attendons aussi que cet esprit de responsabilité et cet accord soient pleinement respectés.

En effet, nous avons tous pu constater que le projet de loi est loin de reprendre l'ensemble des thèmes et des dispositions de l'accord du 11 janvier dernier. Tout ce qui concerne la transférabilité des droits, en particulier en ce qui concerne le droit individuel à la formation, l'indemnisation du demandeur d'emploi, la formation professionnelle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, est ignoré de votre texte.

Naturellement, un certain nombre de ces sujets relèvent, là aussi, du dialogue social : les discussions autour de la formation professionnelle en sont le meilleur exemple.

Le groupe de travail tripartite composé de représentants de l'État, des régions et des partenaires sociaux vient d'ailleurs d'engager ses travaux. Puis, ce sera au tour des partenaires sociaux d'entamer leur travail pour les éléments qui relèvent de la seule négociation collective.

Pour autant, et notre groupe veut insister sur ce point, l'accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail est un tout, un ensemble cohérent.

C'est l'ensemble des domaines traités par les partenaires sociaux qui dessine les contours d'une nouvelle sécurité de l'entreprise et du salarié. C'est cet ensemble qui apporte, en particulier au salarié, les garanties nécessaires pour évoluer dans son emploi, ou en retrouver un, en cas de chômage.

J'ajoute d'ailleurs qu'il en est de même en ce qui concerne un certain nombre de discussions qui ont lieu actuellement, que ce soit dans le cadre du Grenelle de l'insertion, ou encore dans celui de la mise en oeuvre de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC.

Ces chantiers doivent s'articuler en cohérence avec les dispositions de cet accord national interprofessionnel et ses conséquences légales.

Cet impératif de cohérence et cette exigence d'équilibre, qui doivent présider à la modernisation du marché du travail, auraient pu être davantage assurés, à notre avis, dans le cadre d'une loi de programmation reprenant l'ensemble des éléments de l'accord, quitte à n'énoncer que des principes là où la négociation collective est encore nécessaire. En effet, la sécurisation des parcours professionnels ne peut pas se résumer à la seule réforme du contrat de travail.

Nous attendons donc du Gouvernement qu'il puisse, dans le cadre du débat, démontrer son attachement à ce que toutes les garanties en direction des salariés soient effectivement mises en oeuvre dans les meilleurs délais. Le groupe Nouveau Centre sera bien sûr particulièrement vigilant sur ce point.

Pour nous, la sécurisation des parcours professionnels est, par définition, le sujet susceptible d'illustrer la nécessaire réconciliation de l'entreprise et du salarié dans notre pays. Pour le Nouveau Centre, la protection du salarié et la libre activité de l'entreprise ne sont pas nécessairement opposées. Au contraire, nous sommes convaincus qu'il est nécessaire de protéger le salarié pour libérer l'emploi.

Chacun doit pouvoir y trouver son compte : l'entreprise, qui cherche la souplesse indispensable pour faire face à la concurrence à laquelle elle est confrontée, en particulier sur le marché international, et pour s'adapter ; le salarié, qui doit pouvoir évoluer dans l'entreprise, acquérir ou développer les compétences dans ce but, ou changer tout simplement d'emploi ou d'employeur. L'essentiel, pour lui, est de pouvoir progresser dans l'entreprise, et de pouvoir éviter les périodes de transition difficiles et de chômage de longue durée.

Dans une société comme la nôtre, où le sentiment d'insécurité professionnelle s'est considérablement développé ces dernières années, c'est en protégeant et en rassurant le salarié qu'il est possible de libérer l'emploi et de conforter l'entreprise. Entreprise qui assurera sa pérennité en jouant son rôle, qui est d'investir, d'innover et de commercialiser ses produits au meilleur prix, tout en créant des emplois.

En ce qui concerne le texte lui-même, nous accueillons avec satisfaction le fait que soit réaffirmée avec force la place centrale du contrat à durée indéterminée dans notre réglementation du travail. Cet aspect du texte contribue à sécuriser la situation du salarié dans l'entreprise, de la même manière que les règles applicables aux durées des périodes d'essai, qui ont été harmonisées et clarifiées.

Dans le même sens, nous pensons que la reconnaissance d'un mode de cessation de gré à gré du contrat de travail n'est jamais qu'une manière d'acter la réalité des relations de travail qui ont cours actuellement.

L'accord national interprofessionnel a strictement encadré cette rupture conventionnelle, pour laquelle les voies de recours sont désormais clairement définies.

Le projet de loi, suivant en cela l'accord interprofessionnel, facilite encore l'accès des salariés à certains droits, en réduisant significativement les conditions d'ancienneté requises pour en bénéficier. C'est notamment le cas en ce qui concerne l'accès aux indemnités légales de licenciement, désormais possibles après un an d'ancienneté au lieu de deux actuellement.

De même, nous sommes particulièrement attachés aux dispositions de l'article 3, qui ouvrent le bénéfice des indemnités conventionnelles de maladie versées par l'entreprise en complément des sommes versées par la sécurité sociale à partir d'une année d'ancienneté, au lieu de trois aujourd'hui.

Le texte tire enfin les conséquences de la non-conformité du contrat nouvelles embauches aux engagements internationaux de notre pays dans le domaine du droit du travail, en procédant à la requalification des CNE en CDI de droit commun.

Nous en sommes d'autant plus satisfaits que nous avons régulièrement estimé que le CNE, comme le CPE, était une source d'insécurité, tant pour les entreprises que pour les salariés.

En dépit de ces apports importants, quelques points soulèvent des interrogations et méritent quelques améliorations.

Ils concernent tout d'abord le texte proprement dit, pour s'étendre ensuite au sujet plus général de la modernisation du marché du travail, telle qu'elle est définie par l'accord.

Si le texte harmonise et sécurise la période d'essai, il ne définit pas celle-ci pour autant, il n'en explique pas le rôle. Nous aurions préféré, par souci de sécurité juridique aussi bien pour le salarié que pour l'employeur, que la définition de la période d'essai figure dans le texte même du projet de loi, plutôt que dans son exposé des motifs. Nous proposerons un amendement en ce sens. Cette idée a d'ailleurs été adoptée par la commission.

De même, nous nous interrogeons sur la portée de la disposition de l'article 2, qui fixe un terme, le 30 juin 2009, à l'application des accords de branche existant avant l'entrée en vigueur de la présente loi, et qui fixe des périodes d'essai plus courtes que celles définies par la loi. En effet, ce projet de loi fixe des durées maximales.

Les accords de branche existants, et qui ont défini des périodes d'essai plus courtes, dès lors qu'ils s'inscrivent dans le cadre des durées plafond instaurées par la loi, ne devraient pas être remis en cause.

Concernant le contrat à objet défini, nous aimerions disposer de plus amples informations sur l'articulation entre deux dispositions de l'article 6 qui peuvent paraître contradictoires. En effet, le premier alinéa de l'article précise que ce contrat à durée déterminée peut être conclu pour une durée minimale de 18 mois. Mais l'alinéa 7 précise, plus bas, que le contrat peut être rompu à la date anniversaire de sa conclusion, par l'une ou l'autre des parties, pour un motif réel et sérieux. Il y a là, à notre avis, une incertitude que nos débats doivent dissiper.

Par ailleurs, ce contrat doit faire l'objet d'une expérimentation. Ce n'est qu'au bout de 5 ans, que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport retraçant les résultats de cette expérimentation et se prononçant sur l'éventualité de sa pérennisation. Il nous semble important que, pendant cette période de 5 années, un suivi régulier de l'expérimentation permette au Parlement d'être tenu continuellement informé de la mise en oeuvre de cette mesure. Ce suivi pourrait être assuré par l'État et les partenaires sociaux dans le cadre d'un comité d'évaluation qui aura toute légitimité pour se prononcer clairement, au final, sur la nécessité de pérenniser ou non le dispositif. C'est ce que nous proposerons par amendement.

La rupture conventionnelle constitue un mode de cessation amiable des relations de travail, qui prend acte de la réalité de la vie en entreprise. Il est cependant essentiel que l'encadrement par l'administration du travail, la possibilité de se rétracter et l'existence de voies de recours soient des garanties effectives pour le salarié. Celui-ci ne doit pas être contraint à la démission par son employeur alors qu'il aurait souhaité une rupture conventionnelle.

Dans cette optique, nous souhaitons que l'administration du travail dispose des moyens nécessaires pour constater la réalité du consentement du salarié ou qu'elle s'assure que la rupture conventionnelle n'est pas délaissée au profit de la démission forcée,…

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