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Intervention de Michel Vaxès

Réunion du 8 janvier 2008 à 22h00
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vaxès :

Quand on vous connaît, monsieur Garraud, on sait que vous faites des rapprochements périlleux...

Certes, il existe aux Pays-Bas un placement similaire pour les personnes déclarées irresponsables pénalement, ou partiellement irresponsables, mais vous oubliez de dire qu'il intervient pour l'essentiel en substitution de la peine. Il en va de même en Belgique. Quant à l'Allemagne où le système pénal est, d'une façon générale, beaucoup moins répressif que le nôtre, il n'est pas anodin de noter que le système de rétention-sûreté après la peine est issu de l'époque hitlérienne. Que ce rappel historique vous heurte et suscite chez vous des réactions si passionnelles me pose un énorme problème.

Venons-en maintenant aux dispositions relatives à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental – lesquelles, comme les précédentes, sont inspirées d'un fait divers.

Permettez que j'ouvre à ce propos une parenthèse pour observer que ce que j'ai dénoncé jadis comme une dérive est devenu la règle : il ne s'agit plus de réformer, mais de faire de la question pénale un enjeu de la compétition politique. Désormais, les lois sont rédigées et se succèdent au rythme des faits divers, et non dans la recherche de l'intérêt général. Ce n'est pas ainsi que l'on conduit une politique pénale digne de ce nom ! Mais refermons la parenthèse.

L'article 3 du projet de loi crée un nouveau titre dans notre code de procédure pénale ; il met en place une nouvelle procédure d'instruction pour l'application de l'article 122-1 du code pénal relatif à l'irrecevabilité pénale d'une personne en raison d'un trouble mental. Désormais, si le juge d'instruction estime que cet article est applicable, le procureur ou les parties civiles pourront demander la saisine de la chambre de l'instruction, qui devra statuer en audience publique et contradictoire sur son application. Si l'article 122-1 s'applique, elle rendra un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Cette décision sera inscrite au casier judiciaire, et la chambre pourra assortir cette déclaration de mesures de sûreté. L'individu qui ne les respecte pas pourra être condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Une personne déclarée pénalement irresponsable pourra donc faire l'objet d'une condamnation pénale.

Le régime actuel prévoit déjà des dispositions en faveur des victimes en cas d'irresponsabilité pénale pour cause de démence. La victime constituée partie civile peut présenter des observations ou formuler une demande de complément d'expertise ou de contre-expertise, laquelle est de droit. Si, au vu de cette contre-expertise, le juge d'instruction décide d'un non-lieu, la victime peut interjeter appel, ce qui a pour effet de remettre en cause le sort de l'action publique. Une fois le dossier mis en état, le débat et l'arrêt peuvent avoir lieu publiquement – la chambre de l'instruction pouvant refuser cette publicité si elle est de nature à nuire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs.

Le but que vous poursuivez par ces nouvelles dispositions est louable. Cependant, êtes-vous bien certaine, madame la garde des sceaux, qu'il est de l'intérêt des victimes d'assister au jugement de l'auteur de l'infraction – ce qui est l'objectif de ce texte ? Les psychiatres considèrent que le processus de deuil est si complexe qu'il est bien difficile de mesurer l'effet thérapeutique d'un procès : comme le souligne l'un d'entre eux, ils « s'interrogent sur la façon dont les victimes et leurs familles peuvent entendre l'auteur malade mental quand il présente, comme cela est très fréquent, une psychose chronique souvent à l'origine d'une audition marquée par la froideur, l'absence d'autocritique d'une pensée marquée par le délire et l'incapacité à exprimer remords ou compassion ». La comparution du malade risque donc, à l'inverse du but recherché, de réactiver la souffrance des victimes et de leurs familles ; c'est pourquoi il est impératif que l'état de la personne soit compatible avec une comparution, faute de quoi votre texte irait à l'encontre des intérêts des victimes.

À cet égard, permettez-moi de rappeler une évidence qui semble souvent être perdue de vue : le premier droit des victimes est le respect de leur dignité – en l'occurrence, celui de leur souffrance ; mais ce respect n'est ni l'exhibition de celle-ci, ni, pire encore, son instrumentalisation afin de justifier des atteintes aux droits fondamentaux, comme nous pouvons l'observer au lendemain de chaque fait divers dramatique. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Du reste – et nous aurions pu traiter de cette question dans le cadre d'une réforme pénitentiaire – les criminels considérés comme partiellement irresponsables sont aujourd'hui très nombreux dans nos prisons. Les malades mentaux sont de plus en plus nombreux dans les établissements ; dans certains d'entre eux, entre 4 et 10 % des détenus présentent ainsi une psychose schizophrénique. Ils ne peuvent être traités comme les autres détenus et relèvent d'un traitement spécifique. Pour cela, il nous faut – et c'est là l'enjeu essentiel – donner à l'administration pénitentiaire les moyens de détenir et de traiter ces condamnés atteints de troubles mentaux.

Or elle ne les a pas aujourd'hui. C'est pour cette raison que le Comité européen de prévention de la torture a estimé, dans son rapport du 10 décembre dernier, que les conditions de prise en charge des troubles psychiatriques dans les prisons françaises étaient contraires à la dignité humaine. Ce comité d'experts du Conseil de l'Europe souligne une urgence, qu'il faut traiter comme telle et avec tout le sérieux qu'elle mérite.

Du fait de ces observations, tant sur la dangereuse philosophie que sous-tend la première partie de votre texte que sur ses insuffisances et ses silences, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine vous demande d'adopter cette motion de renvoi en commission, dans l'attente de l'examen du projet de loi de réforme pénitentiaire, avant lequel il serait prématuré de discuter des dispositions de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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