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Intervention de Paul Jeanneteau

Réunion du 8 janvier 2008 à 22h00
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Jeanneteau :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, dans la nuit du 28 décembre 2003, Damien, vingt-sept ans, est à moto sur une route du Maine-et-Loire. En face, un automobiliste qui voulait se suicider fonce sur lui.

« Il a volé la vie de mon fils » m'a dit Marie-Claire, sa mère. Damien est tué sur le coup, le conducteur est légèrement blessé.

Après plusieurs expertises et une instruction qui se sont éternisées, Marie-Claire apprend que le juge prononce un non-lieu, l'auteur de la mort de Damien se trouvant, au moment des faits, atteint d'un trouble psychique ayant aboli le contrôle de ses actes au sens de l'article 122-1 du code pénal. Il avait séjourné à plusieurs reprises en hôpital psychiatrique et avait cessé de prendre son traitement.

Avec dignité, Marie-Claire accepte cette décision, même si, pour faciliter son deuil, elle aurait préféré que la justice se prononce clairement sur les faits.

Aujourd'hui, cette mère, qui a perdu son fils unique, souhaite, comme tant d'autres familles dans notre pays, que notre législation évolue pour éviter la récidive de ces criminels souffrant de graves troubles du comportement.

Le 1er janvier 2006, le corps lardé de coups de couteau de Charlotte est retrouvé au fonds d'un puits, près d'Angers. Dix-huit mois plus tard, le juge d'instruction rend un non-lieu à l'encontre de l'auteur présumé des faits. Les experts relèvent qu'il est atteint d'une schizophrénie évolutive. Le juge le reconnaît irresponsable pénalement.

La famille de Charlotte accepte cette décision et ne fait pas appel de l'ordonnance de non-lieu. Et lorsqu'elle demande ce que deviendra l'auteur du crime, il lui est répondu qu'il sera placé dans une unité de soins fermée. Il y a environ un mois environ, elle a cependant appris qu'il se trouvait dans un hôpital psychiatrique ordinaire, à quelques kilomètres de son domicile où il a tué son amie âgée de 24 ans. Les parents de Charlotte sont angoissés à l'idée de le savoir d'une certaine façon si libre.

Actuellement, lorsque l'auteur d'une infraction est déclaré pénalement irresponsable, le juge d'instruction rend une ordonnance de non-lieu. Cette dénomination est mal perçue par les familles de victimes qui l'interprètent comme l'affirmation que le crime ou le délit n'ont pas été commis. Le non-lieu arrête l'instruction et l'enquête. C'est un raccourci de justice. Que reste-t-il alors aux familles de victimes ? Elles demandent simplement que la justice établisse par qui et comment a été commis le crime, elles veulent être informées des mesures prises à l'égard de l'auteur.

La procédure prévue par le Gouvernement répond à leurs demandes car elle prévoit une audience publique devant la chambre de l'instruction, qui permettra la comparution de la personne mise en examen et donnera la possibilité d'entendre les témoins.

Deux autres mesures constituent des avancées législatives majeures. Tout d'abord, si la partie civile le demande, la chambre de l'instruction renverra l'affaire devant le tribunal correctionnel pour qu'il statue sur les demandes de dommages et intérêts. Par ailleurs, cette même chambre prononcera, s'il y a lieu, une ou plusieurs mesures de sûreté à l'encontre de la personne, mesures qui prennent la forme d'interdictions. À cet égard, je soutiens pleinement l'amendement du rapporteur, qui instaure deux nouvelles mesures de sûreté : la suspension et l'annulation du permis de conduire. En outre, les déclarations d'irresponsabilité pénale seront inscrites au casier judiciaire, ce qui constitue, là encore, une avancée importante.

Madame le ministre, je serai très heureux de participer au vote de cette loi dont je partage pleinement les objectifs car je sais qu'elle apporte des réponses concrètes à des familles durement éprouvées.

Permettez-moi cependant, en conclusion, de vous faire part de deux remarques.

S'agissant d'auteurs d'infractions pénales souvent très graves, les conditions qui permettent au préfet de décider d'une hospitalisation d'office sont presque toujours remplies : l'auteur des faits est alors placé en hôpital psychiatrique. Mais il serait nettement préférable que ces criminels soient obligatoirement placés en unités pour malades difficiles, structures beaucoup plus adaptées à leur prise en charge.

Par ailleurs, lorsque l'auteur d'un crime fera l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, il deviendra un malade dont le sort dépend à la fois de l'administration – le placement d'office est décidé par le préfet – et du système de santé, car son maintien ou sa sortie d'établissement psychiatrique dépend des médecins. Mais la justice doit pouvoir, à mon sens, suivre le parcours de ces criminels déclarés irresponsables. Peut-on en effet accepter que leur sort dépende du seul avis médical, fût-t-il émis par un collège d'experts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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