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Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 9 décembre 2008 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Carcenac :

Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, monsieur le rapporteur général, chers collègues, l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2008 me sera l'occasion d'aborder deux sujets : d'une part, les relations de l'État avec les collectivités territoriales et, d'autre part, la mise en oeuvre de la politique fiscale arrêtée par le Gouvernement telle qu'il essaie de la décliner depuis l'apparition de la crise économique et financière.

Des relations de confiance doivent exister entre l'État et les collectivités territoriales. Certes, la création de commissions techniques auprès du comité des finances locales – les deux commissions consultatives d'évaluation, des charges et des normes – permet des échanges fructueux. Mais il convient d'aller au-delà et d'éviter d'entrer, entre ces partenaires, dans des épreuves de force dépassées.

Vous essayez aujourd'hui de régler quelques compensations de transferts et extensions de compétence dans la loi de finances pour 2009 et dans la loi de finances rectificative pour 2008. Cependant, il reste encore un peu de chemin à parcourir, notamment en ce qui concerne la compensation des emplois sociaux vacants lors des transferts aux départements, prévus par les lois du 18 décembre 2003 et du 13 août 2004, ainsi que lors des transferts aux régions des aides aux étudiants des écoles et instituts de formation des professions paramédicales, des sages-femmes et des travailleurs sociaux.

Monsieur le ministre, vous devriez convaincre votre collègue en charge du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, d'effectuer une régularisation globale, et non échelonnée sur trois ans, de la dette à l'égard des régions et des départements. De tels manquements à la parole de l'État enveniment nos relations. Ces atermoiements font que les élus perdent confiance et reprochent à l'État de ne pas vouloir compenser, selon la formule consacrée, à « l'euro près », les compétences transférées.

L'acte II de la décentralisation de M. Raffarin porte en germe suffisamment de difficultés, liées notamment au transfert de ressources non dynamiques comme la TIPP – sur laquelle vous procédez à un ajustement de ressources de près de 300 millions d'euros dans votre budget, par rapport à la loi de finances initiale –, pour ne pas ajouter de nouvelles sources d'incompréhension.

Le Gouvernement avait alors indiqué par exemple qu'une fois effectués les transferts de routes nationales, il ne ferait plus appel aux financements croisés. Or les préfets de région sont conviés à engager des négociations sur la participation des collectivités locales aux PDMI – les programmes de développement et de modernisation des infrastructures – des routes nationales, qui ne figurent plus dans les contrats de projets État-régions, alors que les ressources se font rares,

Le Président de la République lui-même a fait appel, dans le plan de relance de l'économie française présenté à Douai le 4 décembre dernier, à l'appui des collectivités territoriales pour de grands projets tels que les lignes à grande vitesse, alors que certaines collectivités locales ont déjà les plus grandes difficultés à boucler leur budget. Il serait plus opportun de faire financer ces grands travaux par un grand plan de relance au niveau européen. Ainsi, certains départements sont sollicités pour financer des travaux hors des limites de leur territoire, voire hors de leur région. Bientôt, ils seront accusés d'anéantir le plan de relance ! Je pense à un département que je connais bien : alors qu'il est situé dans la région Midi-Pyrénées, on demande au département du Tarn de financer des travaux de la LGV entre Tours et Bordeaux – puis entre Bordeaux et Toulouse. Notre département n'est pourtant nullement concerné !

Vous annoncez le versement d'une avance sur le fonds de compensation de la TVA, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009, pour soutenir l'investissement des collectivités locales. Il faudra certes conventionner avec les préfets. Dès lors, l'intégration du FCTVA dans l'enveloppe des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales soumis à plafonnement devient inexplicable. Je rappelle que le comité des finances locales, à l'unanimité, n'a pas souhaité débattre des scénarios de modifications d'attribution du fonds proposé par le Gouvernement.

Je n'évoquerai pas l'attente d'une évolution d'ensemble de la fiscalité locale, alors qu'une nouvelle fois, on touche à la taxe professionnelle, certes sous forme de dégrèvement permanent, mais, dans le même temps, vous annoncez une réforme prochaine de la taxe professionnelle. Ces incertitudes sur l'avenir des finances locales sont contre-productives et n'incitent pas les élus à investir, faute d'indications claires sur leurs ressources futures.

La clarification des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales mérite mieux qu'une réunion, de deux heures, de la conférence nationale des exécutifs, où les élus représentant les collectivités territoriales entendent les décisions prises par le Gouvernement. Je rappelle que cette commission ne s'est pas réunie depuis juin dernier. Comme l'indique le président de l'Association des départements de France, Claudy Lebreton, l'État décide et les collectivités locales doivent financer. Il faut cesser de les culpabiliser en affirmant qu'elles sont responsables de l'augmentation des déficits publics.

S'agissant de la mise en oeuvre de la politique fiscale, celle-ci revient dans le débat avec la crise financière. La fiscalité est un outil dont dispose l'État afin d'impulser ses politiques. Il convient d'examiner où nous a conduits la mise en oeuvre d'un marché intérieur fondé sur la concurrence libre et non faussée, dans lequel les États doivent intervenir le moins possible, le débat ne portant plus dès lors que sur la coordination de politiques afin d'éviter les distorsions de concurrence, les discriminations et les entraves au fonctionnement de ce marché intérieur.

S'estompe donc la seule réponse proposée du dumping fiscal et, dès lors, commencent à être réexaminés les effets désastreux du financement de l'économie, favorisés, d'une part, par la dérégulation bancaire et, d'autre part, par l'internationalisation des instruments du secteur financier de placement qui ont mis à la portée des entreprises, des particuliers et, parfois, des collectivités locales, des instruments sophistiqués de placement, de spéculation, de couverture et d'optimisation fiscale.

L'OCDE et la Commission européenne veulent mieux combattre l'évasion et la fraude fiscales, et vous-mêmes revenez à plus de raison en proposant, certes encore trop modestement, de lutter contre les paradis fiscaux.

Nous sommes donc loin d'une administration qui ne doit être que de services. Par exemple, vous réduisez certes les délais de remboursement pour les crédits de TVA – et vous les voudriez même encore plus brefs, si j'en crois les déclarations du Président de la République –, mais vous négligez ainsi les contrôles sur ces restitutions de TVA.

Il convient d'affirmer que la fraude et l'évasion fiscales ne sauraient bénéficier d'aucune impunité ni complaisance. Il faut se pencher sur les effets désastreux qu'a l'existence de paradis fiscaux, qui se renforcent au sein même de l'Union européenne, comme le démontrent l'affaire du Liechtenstein et vos propos sur le Luxembourg.

Vous le voyez, le débat porte moins sur la moralisation du capitalisme que sur celle des capitalistes. Une action volontariste en faveur de la transparence est nécessaire lorsqu'on sait que plus de la moitié des prêts bancaires internationaux et environ un tiers des investissements directs étrangers sont transférés par le biais des paradis fiscaux ; en outre, plus de 50 % du commerce mondial s'effectue par ces mêmes canaux.

Il faut donc des moyens juridiques. Vous nous en proposez quelques-uns. Mais où en est-on du service national fiscal judiciaire, que vous soutenez ? Votre approche de l'abus de droit et de l'acte anormal de gestion va de même dans le bon sens, mais reste timorée.

Il faut également des moyens humains. Nous vous appuyons lorsque vous luttez contre la contrefaçon et assurez le suivi de l'e-commerce sur Internet, mais vos propositions sont encore insuffisantes s'agissant des moyens accordés aux services des douanes.

Une vraie campagne de publicité sur l'impôt est nécessaire pour marquer un changement de cap. L'impôt sera d'autant mieux accepté qu'il sera ressenti comme juste et légitime. Quand proposerez-vous de revenir sur le bouclier fiscal, que vous avez instauré par la loi TEPA ? Les experts du Cercle des fiscalistes ont, dans un récent article des Echos, jugé cette révision nécessaire : écoutez-les ! La remise en cause des niches fiscales est un bon début. Mais le débat sur le prélèvement de 1 % pour financer le RSA apparaît bien dérisoire au regard des milliards engagés pour faire face à la crise économique et financière !

Nous constatons que votre démarche est parfois désordonnée et cahotante. Il faudrait renoncer à un libéralisme qui a échoué, mais vous ne franchissez pas encore le Rubicon. Compte tenu de ses préjugés, votre majorité est-elle d'ailleurs en mesure de le faire ? J'en doute.

Pour conclure, nous vous disons, sur ces deux thèmes : « Peut mieux faire ! » C'est pourquoi nous ne pouvons pas approuver ce projet de loi de finances rectificative pour 2008.

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