Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 5 novembre 2008 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Agriculture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai directement la partie thématique que j'ai choisi de développer cette année : l'articulation entre l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, et l'Agence européenne de sécurité des aliments, l'AESA.

Le domaine de la sécurité et de la qualité sanitaires de l'alimentation se situe de plus en plus dans un contexte qui dépasse largement le cadre national. S'inscrivant dans cette évolution, le droit communautaire est devenu le fondement juridique principal depuis l'entrée en application du règlement 1782002, qui institue également une autorité européenne de sécurité des aliments. Dans ce cadre, la question de l'articulation entre l'échelon européen et national revêt une importance majeure, la création de I'AESA n'ayant pas eu vocation à faire disparaître les agences nationales de sécurité sanitaire.

Après avoir procédé à plusieurs auditions extrêmement enrichissantes, je suis en mesure d'établir un double constat. D'abord l'AFSSA et l'Agence européenne remplissent des missions assez proches en matière de sécurité sanitaire de l'alimentation. Si leur articulation est explicitement prévue dans leurs textes fondateurs, la mise en place de leurs relations n'a pas été exempte de difficultés. Néanmoins, peu de réelles divergences ont en définitive été enregistrées et de notables progrès dans leurs relations ont déjà eu lieu, même si des améliorations de leurs modes de fonctionnement restent encore possibles.

Ensuite les deux agences remplissent des missions similaires. Créées toutes les deux à la fin des années quatre-vingt-dix, alors que la crise de la vache folle et une série de crises alimentaires conduisaient à une révision profonde du dispositif de la sécurité sanitaire des aliments, l'AESA et l'AFSSA reposent sur le principe de la séparation de l'évaluation et de la gestion du risque, ainsi que sur la mise en oeuvre d'évaluations scientifiques transparentes et indépendantes.

Les modes de fonctionnement des deux agences présentent toutefois quelques différences significatives, notamment le fait que l'AFSSA dispose de tout un réseau de laboratoires d'analyse de référence qui lui donne plus de force dans ses activités d'évaluation et d'appui au gestionnaire du risque.

Le règlement fondateur de l'agence européenne met en place des outils spécifiques de coordination avec les agences nationales.

Il créé en premier lieu un forum consultatif chargé d'aider l'AESA et les instances nationales à partager leurs informations et à coordonner leurs activités.

Il prévoit également une procédure spécifique destinée à résoudre les divergences d'avis scientifiques susceptibles d'apparaître entre l'AESA et une agence communautaire exerçant une mission de sécurité alimentaire.

Enfin, il permet d'organiser en réseau des organismes scientifiques, dont les agences nationales opérant dans les domaines qui relèvent de la mission de l'agence européenne.

À côté des instruments généraux de coopération prévus par ce règlement fondateur, il existe également des procédures de coopération entre l'AESA et les agences nationales qui découlent de règlements sectoriels, dans le secteur des pesticides par exemple.

Enfin, il existe aussi des articulations plus informelles entre les deux agences, qu'il s'agisse d'échanges de données ou plus fondamentalement d'échanges de personnes.

Toutefois, si les outils de coopération, formels ou informels, ne manquent pas, j'ai constaté que le début des relations entre l'AESA et l'AFSSA a été marqué par quelques difficultés. En effet, l'agence française a initialement mal accepté une architecture qui ne fait pas de l'agence européenne une vraie tête de réseau. L'AFSSA militait pour une coopération en matière de sécurité sanitaire de l'alimentation sur le modèle de celle qu'elle a inaugurée avec l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, où cette dernière confie directement des dossiers aux agences nationales, avec désignation d'un État membre rapporteur bénéficiant, le cas échéant, de financement pour préparer un avis qui, une fois revu par les pairs, devient un avis européen.

Par ailleurs, le forum consultatif, dont on a vu le rôle crucial en matière de bonne articulation des relations entre l'AESA et les agences nationales de coopération, n'a initialement joué qu'un rôle limité, se bornant à des échanges sans grande portée pratique.

Enfin, la qualité des liens entre les deux agences est tributaire des relations entre ses dirigeants. L'arrivée à la tête de l'agence européenne de Mme Catherine Geslain Lanéelle a permis que la coopération s'engage sur de nouvelles bases constructives.

Malgré ces difficultés, il faut noter que peu de réelles divergences scientifiques ont été enregistrées au regard du grand nombre d'avis rendus par l'AFSSA et l'AESA. La définition des champs de compétence des agences, le recours à l'expertise collective et les échanges fréquents entre les équipes ont réussi à limiter ces risques de divergence.

Les différences de point de vue entre les deux agences ont porté le plus souvent sur l'appréciation des données fournies, sur des approches méthodologiques différentes ou sur le niveau de risque acceptable, plus que sur l'évaluation du risque lui-même.

La seule réelle divergence entre les deux agences a concerné le domaine des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles. Elle s'est traduite par des mesures de gestion différentes prises par la Commission et par la France.

J'ai surtout pu mesurer que, après la phase de démarrage de l'agence européenne entre 2002 à 2006, des progrès sensibles avaient eu lieu dans les coopérations entre les deux agences. Que ce soit par le nombre des experts scientifiques qui collaborent avec l'AESA, dont beaucoup viennent des comités scientifiques de l'AFSSA, contribuant à faciliter les liens entre les deux organismes et à diminuer les risques de duplication ou d'avis divergents, par la participation active de l'AFSSA au forum consultatif où elle est à la fois écoutée et entendue ou par sa contribution à tous les groupes de travail mis en place. L'AFSSA semble avoir développé une stratégie d'influence au sein du système européen de sécurité alimentaire dont les résultats sont désormais visibles.

Plusieurs avancées concrètes ont pu être enregistrées avec la mise en place de groupes de travail au sein du forum consultatif, l'AFSSA participant par exemple au groupe de travail relatif à l'harmonisation des méthodes d'expertise en Europe. L'AFSSA a également décidé d'accroître le nombre des traductions en anglais de ses avis et rapports, ce qui constitue un préalable indispensable à l'appropriation de ses travaux par l'AESA.

De plus, l'AESA a mis en place des « points focaux » dans les États membres pour assurer un rôle d'interface entre elle-même et les autres autorités nationales de sécurité alimentaire.

Enfin, de nombreux groupes de travail et réseaux se consacrant à la mise en oeuvre de projets de coopération scientifique centrés sur des questions de sécurité alimentaire humaine et animale ont été constitués.

Il n'en demeure pas moins que des pistes d'amélioration méritent encore d'être explorées pour une articulation plus optimale entre les deux organismes.

En premier lieu, les déclarations de confidentialité de l'AESA devraient être adaptées, afin que les scientifiques des agences nationales qui font des expertises pour l'AESA puissent informer leur propre agence des principales conclusions de ces expertises.

En second lieu, l'harmonisation des méthodologies d'évaluation des risques doit impérativement être accentuée, afin d'améliorer la mutualisation au sein de l'AESA des expertises rendues par les instances nationales de l'Union européenne.

Par ailleurs, il me semble qu'une stratégie de gestion des ressources humaines orientée vers davantage d'échanges de personnels, de mise à disposition ou de stages pourrait être mise en place.

Enfin, je pense que l'AFSSA doit continuer à faire profiter l'AESA de son expérience, notamment en matière de gestion des urgences où elle dispose d'une expertise ancienne et reconnue.

Plusieurs de ces pistes d'amélioration de l'articulation entre les deux agences européenne et nationale devraient être concrétisées au cours de la présidence française de l'Union, le Conseil ayant été appelé à commenter le futur plan stratégique de l'AESA pour 2009-2013.

J'en viens maintenant à la partie budgétaire proprement dite.

Je veux d'abord souligner que le transfert du programme 206 de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » à la mission ministérielle « Agriculture, pêche, forêt, alimentation et affaires rurales », me paraît pertinent. Ce transfert prend en effet en compte les nombreuses remarques du Parlement, du comité interministériel d'audit des programmes et de la Cour des comptes qui avaient souligné le caractère budgétaire artificiel de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire ».

Globalement, les crédits du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » sont cette année en augmentation.

En effet, les autorisations d'engagement passent de 490 millions d'euros à 527,3 millions d'euros, soit une progression de 7,6 %. Les crédits de paiement passent de 546,3 millions d'euros en 2008 à 582,8 millions d'euros en 2009, soit une progression de 6,7 %.

Hors crédits du titre II « Dépenses de personnel », les autorisations d'engagement augmentent de 4,1 % et les crédits de paiement de 3,7 %. Cette progression des crédits devrait être de nature à mieux répondre aux forts enjeux du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

Sans entrer dans le détail de toutes les actions du programme, je dois souligner quelques points saillants qui ont retenu mon attention.

Je regrette en premier lieu qu'après le Grenelle de l'environnement, les crédits destinés à la prévention et à la gestion des risques inhérents à la production végétale soient en baisse.

Je m'interroge également sur le caractère insuffisant des crédits destinés à la lutte contre les maladies animales et à la protection des animaux, notamment au regard du risque de diffusion conjointe de la fièvre catarrhale ovine à SEROTYPE 1 et à SEROTYPE 8 dans certaines zones géographiques, et notamment le Sud-Ouest de la France.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion