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Intervention de Nicolas Forissier

Réunion du 5 novembre 2008 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Agriculture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour les politiques de l'agriculture et le développement agricole et rural :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, mes chers collègues, j'ai l'honneur de rapporter devant vous les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », à l'exception du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », qui sera rapporté par notre collègue Bruno Le Maire. Je rapporte aussi le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », le CAS-DAR.

Le montant total de ces crédits est d'environ 3 milliards d'euros, soit une faible part, il faut le souligner d'emblée, de l'effort total consenti en faveur de l'agriculture.

Les seuls crédits de la politique agricole commune représentent environ 10 milliards d'euros – pour le premier pilier –, et les autres crédits gérés par le ministère de l'agriculture et de la pêche sont d'environ 2 milliards.

Si l'on fait la somme des crédits du ministère de l'agriculture, de ceux de la politique agricole commune, de ceux des autres ministères, et des efforts consentis par les collectivités territoriales, on arrive à plus de 16 milliards d'euros. Si l'on ajoute encore les efforts sociaux et les dépenses fiscales, on approche les 25 milliards d'euros. C'est donc un effort considérable, dont la mission que je rapporte devant vous n'est qu'une représentation partielle.

Monsieur le ministre, je tiens à saluer l'effort remarquable qui a été fourni, dans le cadre de votre budget, en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont les crédits de paiement augmentent de 5,6 %.

Mes chers collègues, je serai très bref sur le CAS-DAR, pour vous indiquer que ses recettes progressent d'une dizaine de millions d'euros, du fait du déplafonnement de la taxe affectée qui finance ce compte. Son montant s'élèvera donc à 113,5 millions d'euros.

Je m'attarderai plus longuement sur la mission « Agriculture ».

Il faut tout d'abord se réjouir d'une bonne nouvelle, même si l'on peut encore progresser. Cette bonne nouvelle, c'est le recul des reports de charges.

J'avais eu l'occasion de souligner, l'an dernier, que le budget du ministère de l'agriculture n'est pas suffisamment doté en loi de finances initiale, et ce depuis plusieurs années.

Or ce ministère est le ministère du vivant, c'est-à-dire qu'il doit régulièrement faire face à des crises sanitaires et climatiques, donc à des crises économiques, dont il assume seul le coût, sans qu'un effort de solidarité soit consenti par les autres ministères. C'est sans doute le seul ministère dans ce cas. Étant donné qu'il n'est pas doté en loi de finances initiale d'une marge de manoeuvre qui lui permette de faire face à ces crises, les retards de paiement s'accumulent depuis des années. L'année dernière, j'avais évoqué à cette tribune le chiffre d'un milliard d'euros.

En un an, monsieur le ministre, vous avez ramené ce montant à environ 500 millions, grâce à des ouvertures de crédits en cours d'exercice et à des efforts de gestion et de rationalisation de certains dispositifs.

Cette amélioration bienvenue n'en rend pas moins nécessaire de mieux doter le budget de l'agriculture en début d'exercice. On pourrait, par exemple, réfléchir à la possibilité de préaffecter au financement des crises la mise en réserve opérée en début d'année. Ce serait une exception, réservée au ministère de l'agriculture, lequel, encore une fois, est le seul à devoir faire face à des crises liées à des phénomènes naturels.

La progression globale des crédits par rapport à 2008 fait apparaître une hausse de 2 % des crédits de paiement et une baisse de 12 % des autorisations d'engagement.

Cette forte baisse est en réalité optique. En effet, elle est essentiellement due au niveau exceptionnel d'autorisations d'engagement qui était nécessaire l'année dernière pour refinancer la prime herbagère agro-environnementale. Il convenait de relancer un nouveau cycle, puisque nous étions parvenus au terme du premier.

La perspective triennale, innovation du présent projet de loi de finances, fait état d'un recul de 10 % des crédits de paiement et de 13 % des autorisations d'engagement d'ici à 2011.

Deux facteurs principaux permettent d'expliquer cette perspective.

D'une part, et M. le ministre nous apportera peut-être des précisions sur ce sujet, les effets attendus du bilan de santé de la PAC pourraient conduire à la prise en charge, au moins partielle, par l'Union européenne d'aides actuellement financées par le budget de l'État. Des discussions sont en cours avec nos partenaires européens.

D'autre part, un effort important a été consenti dès cette année par le ministère, et se poursuivra en 2009. Je veux parler des mesures d'économies prévues par la révision générale des politiques publiques.

Dès 2009, cette RGPP aura un impact important sur les dispositifs d'intervention. La suppression des préretraites agricoles représentera une économie de 17 millions d'euros en autorisations d'engagement. Celle de la ligne de financement des associations agissant en faveur du monde rural se traduira par une économie de 7 millions d'euros. Vous aurez sans doute l'occasion de vous expliquer sur ce point, monsieur le ministre. Je dois dire cependant que cette mesure me paraît quelque peu brutale, ce qui a conduit la commission des finances à adopter, à mon initiative, un amendement permettant de l'assouplir.

Je vais maintenant évoquer les grandes orientations du principal programme de la mission, le programme « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires ». Il s'agit du programme 154. J'identifie quatre lignes directrices.

Premièrement, un certain nombre de mesures sont prises en faveur des secteurs fragiles.

La prime nationale supplémentaire à la vache allaitante, destinée à lutter contre la déprise agricole, est maintenue à son niveau de 2008, en complément de la PMTVA communautaire.

L'effort en faveur des zones fragiles se poursuit, avec notamment 230 millions d'euros consacrés aux indemnités compensatrices de handicap naturel.

Les crédits en faveur de la pêche augmentent fortement – une hausse de 170 % en autorisations d'engagement et de 124 % en crédits de paiement –, afin de mettre en oeuvre le plan pour une pêche durable et responsable, annoncé par le Président de la République le 16 janvier dernier.

La deuxième ligne directrice de ce programme est la volonté de préparer l'avenir.

À cet égard, l'installation des jeunes apparaît clairement comme une priorité du Gouvernement. En effet, la dotation aux jeunes agriculteurs, sera maintenue à son niveau de 2008 et, surtout, les prêts bonifiés seront fortement augmentés.

Par ailleurs, dans une perspective de développement durable, celle issue du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement va lancer un ambitieux plan « Agriculture biologique : horizon 2012 ». Cela se traduit par une multiplication par huit des crédits « bio ».

La troisième ligne directrice est la promotion de la « Ferme France ».

C'est l'un des objets des offices agricoles, dont les crédits d'intervention sont partiellement rétablis. Je rappelle qu'ils avaient été réduits dans le projet de loi de finances pour 2008, avant d'être majorés de 40 millions d'euros en cours d'exercice, consécutivement à la cession de l'ancien siège de l'ONIGC, l'Office des grandes cultures.

La promotion de la « Ferme France » passe également par le soutien aux industries agroalimentaires, premier secteur exportateur de notre économie. Le soutien direct aux IAA est en baisse, du fait de nouvelles règles européennes, mais il existe également un dispositif de soutien à l'export, notamment via la délégation de service public de la SOPEXA et les actions conduites par UBIFRANCE.

Conformément au souhait que j'avais émis l'année dernière, le partenariat national pour le développement des industries agroalimentaires, a été relancé. Je tiens, monsieur le ministre, à vous en remercier.

Cela étant, il demeure plus que jamais nécessaire de mettre en place une vraie politique de structuration des filières, de la fourche à la fourchette. En particulier, la promotion de la « Ferme France » doit être mieux assurée, monsieur le ministre. Elle pourrait l'être si les moyens de communication étaient moins dispersés.

De ce point de vue, aucun progrès ne peut malheureusement être constaté. L'Agence française d'information et de communication agricole et rurale sera même supprimée, les professionnels n'ayant pu se mettre d'accord pour en financer les actions. Je crois qu'il y a vraiment un effort à faire, monsieur le ministre, dans le domaine de la promotion de la « Ferme France », notamment à l'exportation, mais aussi dans celui de la communication globale en direction du grand public. C'est pour l'instant une lacune importante, dont témoigne la suppression de l'AFICAR. On a le sentiment de ne pas avancer.

La quatrième ligne directrice du programme 154 est la réforme annoncée de la gestion des crises.

Le ministère souhaite favoriser le développement de l'assurance récolte, notamment par la réaffectation d'une partie des taxes affectées pour l'heure au fonds national de garantie des calamités agricoles.

Ce mouvement, positif, ne dispense pas d'une réflexion sur la possibilité de faire prendre en charge par la solidarité nationale certaines crises actuellement financées par le seul ministère de l'agriculture, comme je l'ai déjà indiqué. Vous aurez sans doute l'occasion, monsieur le ministre, de nous apporter des précisions sur ce point, qui s'inscrit forcément dans le cadre des conséquences du bilan de santé de la PAC actuellement en discussion.

Quelques mots maintenant du programme « Forêt ».

La forêt est un enjeu économique d'avenir, au regard notamment du développement de la chimie verte, lequel est insuffisamment marqué dans ce budget. Le Gouvernement affiche désormais clairement l'objectif louable d'accroissement de l'exploitation et de la commercialisation du bois. Cela supposera sans doute une concertation approfondie sur sa mise en oeuvre avec les professionnels.

Le projet de budget laisse entrevoir d'importantes modifications de l'organisation institutionnelle. À l'exception de l'ODEADOM, les offices agricoles vont fusionner en un établissement unique, FranceAgriMer, de même que le CNASEA et l'Agence unique de paiement, qui deviendront l'Agence des services et de paiement.

Le ministère lui-même se réorganise à tous les échelons : à l'échelon central, avec une fusion des directions et un secrétariat général central ; à l'échelon régional, avec de nouvelles directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ; à l'échelon départemental, avec la fusion des directions départementales de l'équipement et de l'agriculture.

Je vais, pour terminer, évoquer quelques perspectives d'avenir.

Votre projet de budget permet de franchir une étape importante, grâce notamment à la rénovation du paysage institutionnel. Il importe désormais de se tourner vers l'avenir pour faire en sorte que notre pays relève le défi alimentaire mondial.

L'année qui vient de s'écouler a remis l'agriculture au premier plan des préoccupations du monde. Il nous faut produire plus pour nourrir les 9 milliards d'habitants que notre planète comptera dès 2050. Nous devons également produire mieux pour répondre à l'évolution de la demande qualitative alimentaire, du fait notamment de l'augmentation de capacité des consommateurs mondiaux, en particulier d'Inde et de Chine. Il convient donc d'inscrire notre agriculture nationale et européenne dans une stratégie globale de développement durable. La « Ferme France » me semble bien armée pour relever ce défi, grâce à un modèle alimentaire universellement reconnu pour sa qualité et sa fiabilité.

Afin de faire en sorte que la France prenne toute sa place face à ce défi alimentaire, il faut que nous franchissions une nouvelle étape dans la détermination d'une stratégie nationale, d'une priorité nationale donnée à l'agriculture, à l'industrie agroalimentaire, au développement rural. Je sais que vous y travaillez, monsieur le ministre, et la commission des finances a adopté ce budget dans cet esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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