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Intervention de François Pupponi

Réunion du 23 juin 2009 à 21h30
Lutte contre les violences de groupes — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Dans ce cas, ce sont souvent plusieurs dizaines de jeunes qui s'affrontent. Or, comment voulez-vous que, dans ces quartiers, les quelques policiers présents le soir ou le week-end puissent interpeller tout ou partie des membres de ces groupes ? La loi les y autorise d'ailleurs déjà. Mais, souvent, ils ne le font pas, car le rapport de force leur est défavorable. Lorsque plusieurs jeunes sont, malgré tout, interpellés, les cellules de garde à vue ne sont pas assez nombreuses et, souvent, la bagarre continue dans les locaux du commissariat, car les policiers sont obligés de placer les membres des deux bandes rivales dans les mêmes cellules. Demain, les policiers des quartiers concernés ne seront pas plus capables qu'ils ne l'étaient hier d'interpeller les membres de ces bandes, faute de moyens suffisants.

Je pourrais continuer à démontrer, article par article, l'inapplicabilité de votre texte, mais d'autres l'ont fait avant moi.

Le groupe SRC a décidé d'adopter une attitude constructive en matière de sécurité. Certains continuent à en sourire, mais il y a bien longtemps que nous avons décidé, sur le terrain et au niveau national, de mener une action efficace dans ce domaine. La majorité est au pouvoir depuis maintenant sept ans et l'on ne pourra pas nous reprocher notre action pendant des décennies. Nous avons essayé de bien faire ; parfois, nous avons obtenu des résultats, parfois non. Mais que l'on regarde ce que nous faisons concrètement. Forts de notre expérience d'élus locaux des territoires concernés par ce phénomène et du travail que nous menons depuis de nombreuses années sur le sujet avec des sociologues, des policiers et des magistrats, nous sommes convaincus que, seul, un plan national de lutte contre les bandes, structuré jusqu'à l'échelle des quartiers, peut être efficace.

Ce plan doit mêler le travail de renseignement, la coordination des institutions concernées et la mobilisation des moyens policiers, y compris et surtout la police d'investigation. Les magistrats doivent y être étroitement associés. Il ne peut faire l'impasse sur le renforcement de la prévention, seul moyen efficace pour qu'un jeune ne bascule pas dans la délinquance et ne vienne grossir les rangs de ces bandes. On pourrait ainsi imaginer un centre national pour la prévention des violences juvéniles, qui trouverait sa déclinaison, au niveau local, dans un groupe opérationnel obligatoirement constitué au sein des conseils locaux de prévention et de sécurité.

En bref, certains ont déclaré la guerre à nos territoires, à leurs habitants et à nos institutions. La République doit leur répondre avec fermeté et efficacité, en élaborant une stratégie globale adaptée aux enjeux. Nos propositions, qui ont été détaillées par Delphine Batho, vont toutes en ce sens – je n'y reviens pas. Mais soyez conscients, monsieur le rapporteur, madame la ministre d'État, qu'elles sont le fruit de l'expérience de nombreux maires, confrontés depuis longtemps à ce phénomène.

Si nous ne réagissons pas plus efficacement, ce qui arrive dans nos communes et nos quartiers se produira bientôt ailleurs également. Ne croyez pas en effet que seules les villes dites « sensibles » soient concernées : ce phénomène risque de s'étendre à 1'ensemble des centres urbains. Si nous ne mettons pas en oeuvre ce grand plan stratégique, d'autres jeunes mourront ou seront blessés, parmi lesquels des victimes innocentes. Tenez compte de notre expérience : nous avons obtenu des résultats.

Je voudrais, moi aussi, vous faire part d'une expérience douloureuse. En 1997, nouvellement élu à la tête de la ville de Sarcelles avec Dominique Strauss-Kahn, il m'a fallu annoncer à une mère de famille que son fils de dix-sept ans avait été tué par balles. Lorsque nous avons essayé de comprendre comment ce drame était arrivé, nous nous sommes aperçus qu'il avait pour origine le vol, quelques semaines plus tôt, devant le collège, d'une casquette Lacoste verte. Nous avons décidé de ne plus jamais accepter cela. Nous avons donc travaillé avec la police, la justice et l'éducation nationale, et nous sommes parvenus à faire régresser le phénomène des bandes. Ce qui prouve bien que, lorsqu'on a décidé d'attaquer celui-ci de front, en menant une politique globale, on obtient des résultats plus que satisfaisants.

Ce qui me gêne, monsieur le rapporteur, c'est qu'en commission, votre prédécesseur a balayé d'un revers de la main toutes nos propositions, lesquelles n'avaient pourtant qu'un but : améliorer et rendre plus efficace le texte, y compris en durcissant des articles parfois répressifs, démontrant ainsi que, pour nous, la sécurité et la prévention ne sont ni de droite ni de gauche ; elles sont républicaines. L'attitude du premier rapporteur ne me paraît pas responsable, en tout cas pas à la hauteur de l'enjeu. Aussi, j'espère que, si cette question préalable est rejetée et que nous abordons l'examen du texte, votre attitude sera différente. La lutte contre les bandes n'a que faire des dogmes et des clivages politiques. Nous vous avons fait des propositions, essayez de les entendre. Je le répète, elles n'ont qu'un objectif : rendre la lutte contre les bandes plus efficace, en tenant compte de l'expérience de certains d'entre nous qui, depuis quinze à vingt ans, luttent sans répit contre ce fléau.

Madame la ministre d'État, monsieur le rapporteur, le groupe SRC décidera de son vote à l'issue des débats. Mais nous ne voterons jamais un texte inefficace. Sur un tel sujet, qui touche les Français au plus profond d'eux-mêmes, il serait irresponsable de voter un texte dans le seul but de répondre à des événements médiatisés et de rassurer à court terme nos concitoyens, sans rechercher une réelle efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous n'en avons pas le droit, car nous connaissons trop bien les conséquences d'une telle attitude.

Si vous adoptez cette proposition de loi en l'état, vous saurez, certes, communiquer à son sujet, nos concitoyens, en tout cas ceux qui croient encore à vos promesses dans ce domaine, espéreront et les délinquants seront un peu impressionnés. Mais, constatant que cette loi n'est pas plus appliquée que ne l'a été le texte sur les regroupements dans les halls d'immeuble, nos concitoyens seront rapidement déçus. Les Français concernés perdront d'autant plus espoir que les délinquants, après quelques semaines de doute, se rendront rapidement compte de l'inefficacité du dispositif et se feront un malin plaisir de réaffirmer leur présence afin de montrer qu'ils tiennent leur quartier et que même la volonté présidentielle et législative n'a rien pu y faire. Alors, la délinquance ne fera que s'aggraver et ce seront de nouveau les plus fragiles qui en seront les victimes.

Parce que je me refuse, en conscience, à participer à une telle opération, qui met en péril les fondements mêmes de notre démocratie et, en l'espèce, la sécurité de nos concitoyens, en votant une loi dont on sait qu'elle sera inapplicable et donc inefficace, je vous appelle à voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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