Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 17 décembre 2008 à 15h00
Nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

Merci, monsieur le président.

N'en déplaise à ceux qui ont objecté le seul mot d' « obstruction » à nos amendements, à nos arguments, multiples et variés, fondés et construits, il n'est pas de notre responsabilité que ce texte ait été indûment inscrit en urgence.

Notre conception du travail parlementaire est en effet contraire à celle qui consisterait à se soumettre à l'improvisation destructrice d'un Président de la République qui a pris tout le monde à contre-pied en décidant de supprimer la publicité sur France Télévisions.

Car, nous l'avons dit : la suppression de la publicité, pourquoi pas ! Mais, comme l'a dit notre collègue Dionis du Séjour, pas comme ça. Pas dans des délais aussi courts. Pas sans avoir réfléchi à un financement pérenne et dynamique du service public audiovisuel.

Or, que constatons-nous ? Une compensation estimée, on ne sait comment, à 450 millions d'euros volatiles, abondés par des taxes dont il faudra vérifier la constitutionnalité, et alors que ce sont 800 millions d'euros qui sont indispensables à une fusion en une entreprise unique respectant les droits des salariés et à la suppression de la publicité. Somme que vous avez refusé de prendre en compte, madame la ministre.

Il est vrai qu'avec le débat d'hier soir et de cette nuit, vous nous avez prouvé que cet aspect de ce projet de loi, tout en étant destructeur pour France Télévisions, cachait une autre réalité : celle qui consistait à ce que les cadeaux de Noël que le locataire de l'Élysée a promis à ses amis des chaînes privées arrivent à temps.

Ainsi, les débats sur le placement de produit et l'introduction de la seconde coupure de publicité ont trahi la vraie nature de ce projet, madame la ministre : une conception consumériste et dégradée de la culture. D'un côté, vous feignez de défendre une télévision publique de qualité, mais faute de financement, vous la fragilisez. Et de l'autre, par les dispositions que votre majorité va voter dans un instant, vous favorisez le développement des télévisions privées sans gage de qualité, avec des facilités de financement.

Ainsi, il n'a jamais été question, dans ce projet de loi, d'améliorer le service public de l'audiovisuel, mais d'organiser finalement son enterrement, avec l'aval, conscient ou inconscient, contraint ou assumé, des parlementaires de la majorité !

Ce texte est aussi, et surtout, un alibi, puisque finalement la suppression de la publicité, l'un des premiers objectifs du projet de loi, a été décidée non par décret, comme vous l'auriez voulu jusqu'à votre prise de conscience de sa non constitutionnalité, mais par une décision que vous-même avez dictée au conseil d'administration de France Télévisions !

Mais il est vrai que ce projet de loi avait aussi pour but de placer l'audiovisuel public sous la coupe du Président de la République. Vous allez décider une reprise en main politique qui marque un retour de vingt-cinq ans en arrière, ce que 74 % des Français rejettent, ainsi que bon nombre de députés, même sur les bancs de votre propre majorité.

Les présidents des sociétés de l'audiovisuel public seront désormais nommés par Nicolas Sarkozy, ce qui condamne l'indépendance du service public. Il pourra également les révoquer s'ils ne lui donnent pas entière satisfaction. Un système qui laisse présager le pire...

On aligne donc France Télévisions sur les méthodes du privé : l'actionnaire décide. Exactement comme si France Télévisions, Radio France et la nouvelle AEF vendaient des avions ou des trains. L'État devrait être impartial et le Président de la République devrait être censé garantir cette impartialité. Malheureusement, aujourd'hui, et plus encore une fois ce projet de loi voté, il n'en est définitivement rien.

Nous nous souviendrons, madame la ministre, de ce débat, à gauche comme à droite. Car malgré ses insuffisances, mais grâce au débat sur nos amendements, grâce à notre opiniâtreté, à notre refus de renoncer à la liberté de résister à des ordres venus d'en haut, et grâce, il faut le dire, au règlement intérieur actuel de notre assemblée, nous avons pu alerter les citoyens sur les dangers de ce texte. Je dis cela, mesdames et messieurs de la majorité, pour que vous réfléchissiez bien à cet aspect de notre travail parlementaire. Car cette majorité finira bien, un jour ou l'autre, plus ou moins lointain, par redevenir l'opposition.

Vous l'avez compris, pour toutes ces raisons, les députés du groupe GDR sont farouchement opposés à une réforme improvisée, dont le financement repose sur des données fantaisistes et trop aléatoires pour la survie du service public audiovisuel français. Notre groupe s'oppose avec force à la reprise en main politique de l'audiovisuel public, et à cet ORTF d'un temps révolu.

C'est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion