Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Claude Bartolone

Réunion du 24 juin 2009 à 15h00
Lutte contre les violences de groupes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bartolone :

Cette désorganisation est d'autant plus aiguë que l'écart entre les peines maximales prévues par le législateur et leur application réelle est de plus en plus grand. Lorsqu'il nous est proposé de punir de six mois d'emprisonnement une vente forcée, nous avons là l'exemple même du fossé qui sépare aujourd'hui les auteurs de ce texte et la réalité judiciaire. L'état scandaleux du patrimoine immobilier de la justice – auquel, si mes souvenirs sont bons, un ministre avait même déjà été affecté en vain il y a quelques années – empêche de fait l'application de la peine prévue. Prévoir des peines maximales surdimensionnées par simple tactique dissuasive, ainsi que la quasi absence de définition de peines de substitution, crée un vide puis une incohérence judiciaires.

Le premier délit n'est souvent pas puni tandis que l'éventuelle première récidive est, quant à elle, brutalement sanctionnée par une peine de prison ferme. Après une situation d'impunité non comprise, un petit délinquant se retrouve donc confronté à une surpopulation carcérale, qui limite de fait l'application des politiques de réinsertion nécessaires à la pédagogie de la peine, et favorise l'escalade qui conduit du délit mineur au crime. Je passe à dessein sur les 3 750 euros d'amende prévues pour des individus que la justice reconnaît la plupart du temps comme insolvables.

Bref, dans cette course folle au durcissement incessant de peines inapplicables, jamais notre système judiciaire ne se donne les moyens de responsabiliser les auteurs de faits délictueux pour prévenir la récidive.

Une piste à suivre pourrait consister à favoriser le développement – sans cesse rappelé – des travaux d'intérêt général, qui auraient sans aucun doute une lisibilité beaucoup plus grande, compte tenu de leur application plus rapide et de leur impact psychologique sur le condamné, par le biais du regard que la société porte sur la dimension réparatrice de ce type de peine.

Comme le soulignent d'ailleurs magistrats et policiers, la fuite en avant législative, qui relève d'une méconnaissance de la réalité de terrain, renforce le sentiment d'impunité et de puissance des quelques-uns qui gâchent la vie du plus grand nombre.

Témoin quotidien de l'évolution des violences, je suis convaincu qu'il est urgent que l'État revienne sur le terrain politique qui est celui du réel. Cela passe avant tout par une meilleure organisation du maintien de l'ordre et par la mobilisation d'effectifs suffisants. En Seine-Saint-Denis, plus de 400 policiers manquent réellement à l'appel dans nos commissariats – et l'on a du mal à se retrouver dans la profusion de chiffres communiqués – malgré l'annonce de l'arrivée, à date non précisée, de 200 fonctionnaires de police, soit un ou deux de plus par établissement.

C'est maintenant, madame la ministre d'État, et pas seulement d'ici à 2013 comme le prévoit la prochaine loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, que les territoires qui connaissent des phénomènes de violence ont un besoin vital de plans de rattrapage concernant les effectifs de forces de l'ordre. Il devrait en être de même, par ailleurs, pour les affectations d'enseignants, de surveillants, de magistrats, de greffiers en chef, de greffiers et de fonctionnaires des services judiciaires ! Cela ne serait que répondre à l'un des voeux formulés par le Président de la République à Versailles !

Au-delà de cette urgence conjoncturelle, c'est d'une politique globale et durable de sécurité qu'un département comme le mien a besoin. Cela passe par une police de quartier pérenne, ancrée localement, constituée de fonctionnaires expérimentés formés tout au long de leur carrière et en lien constant avec les populations jeunes comme moins jeunes. Le retrait depuis 2002 de la police de proximité, créée par la gauche, a entraîné une recrudescence quasi immédiate de la délinquance et de la criminalité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La création parallèle de trois unités territoriales de quartier est insuffisante, madame la ministre d'État. Leur développement se fait au compte-gouttes : seulement trois unités supplémentaires sont annoncées, en Seine-Saint-Denis, entre fin 2009 et 2011, alors qu'elles sont indispensables ! Cela passe aussi par des sanctions immédiates, et enfin adaptées, contre l'impunité, par une prévention moderne contre les violences des mineurs, et par de nouvelles protections pour les victimes.

Au regard de cette analyse rapide mais pragmatique, ce texte, en l'état, ne répond pas aux questions que nous nous posons tous. Le premier sentiment qui se dégage de sa lecture est qu'il s'agit d'une proposition de loi hors-sol. Ce n'est pas sur la dureté des sanctions, somme toute technique, que nous devrions nous pencher, mais sur les solutions pratiques à apporter aux problèmes posés. Se focaliser juridiquement sur la phase suivant l'interpellation n'est pas suffisant. Il est nécessaire, je le répète, de se donner les moyens d'empêcher que les infractions soient commises ; la menace de nouvelles peines n'a plus d'effet de dissuasion car la parole de l'État a trop été affaiblie ces dernières années. C'est pourquoi, mes chers collègues, la logique d'inflation législative est d'une inefficacité absolue ; elle est même sans objet. Au cours du débat qui débute aujourd'hui, posons-nous une question simple avant de légiférer : la République dispose-t-elle d'un arsenal juridique insuffisant ou se trouve-t-elle seulement dans l'incapacité d'effectuer les missions de tranquillité publique qui sont les siennes ?

Le pragmatisme doit être de mise pour que l'État retrouve le dessein de l'égalité entre ses citoyens où qu'ils vivent. C'est pour cette raison que le groupe SRC proposera à votre approbation un certain nombre d'amendements constructifs. Du sort que vous leur réserverez dépendra notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion