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Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Réunion du 26 juillet 2007 à 9h30
Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je viens solliciter l'autorisation de ratifier la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, adoptée le 16 mai 2005 et signée par la France le 22 mai 2006.

En dépit de l'abolition de l'esclavage par les États européens au milieu du XIXe siècle, il en subsiste encore malheureusement des manifestations clandestines. Ce phénomène est certes déjà pris en compte par la communauté internationale. Ainsi, la convention contre la criminalité transnationale organisée, dite convention de Palerme, assortie d'un protocole spécifiquement consacré à la traite des humains, en a donné une définition au plan international. La France est partie à cet instrument universel qu'elle a ratifié en 2003.

Ces efforts de la communauté internationale ont été prolongés au sein de l'Europe, tant au niveau de l'Union européenne que du Conseil de l'Europe, lequel a souhaité l'élaboration d'un instrument spécifique sur la traite des êtres humains, couvrant toutes les formes de traites, qu'elles soient nationales ou transnationales, renforçant la protection des victimes et mettant en place un mécanisme de suivi fort pour assurer le respect, par les États parties, de leurs engagements conventionnels.

Permettez-moi d'évoquer rapidement les éléments essentiels de la convention soumise à votre approbation. La définition de la traite demeure inchangée par rapport à celle retenue dans le protocole de Palerme ; tel était le souhait des États membres du Conseil de l'Europe, qui n'ont pas entendu remettre en cause les standards de l'Organisation des Nations unies. Ils ont néanmoins souhaité construire à partir de ce précédent pour aller plus loin.

En revanche, la convention définit la notion de victime, ce qui n'est pas le cas du protocole à la convention de Palerme. Le chapitre III, consacré au droit des victimes, constitue le coeur de cette convention. Contrairement au texte de l'Organisation des Nations unies, cette convention est contraignante, ce qui renforce singulièrement le droit des victimes. Ainsi, l'article 13 me semble particulièrement important puisqu'il institue un délai de réflexion d'au moins trente jours au bénéfice d'une victime, délai pendant lequel aucune mesure d'éloignement du territoire ne peut être exécutée à son encontre.

La convention consacre par ailleurs le principe de la non-sanction de la victime qui a agi sous l'effet de la contrainte. Cette mesure, particulièrement attendue par les associations de lutte contre la traite des êtres humains, permettra aux victimes d'être soustraites aux trafiquants sans risquer l'éloignement du territoire et de prendre librement et hors de toute pression la décision de porter plainte ou non pour les infractions commises à leur encontre. Pendant ce délai, les victimes bénéficieront de différents droits comme l'accès aux soins médicaux d'urgence.

Le chapitre VII crée un mécanisme ambitieux de suivi de la mise en oeuvre de la convention par un groupe d'experts. Pour ce qui concerne la France, notre droit interne est conforme aux exigences de la convention. Ainsi, en matière de prévention, les actions menées le sont essentiellement par des associations, subventionnées et encouragées par les pouvoir publics.

En outre, le code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, modifié par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, dispose qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à tout étranger portant plainte pour des faits de traite des êtres humains.

Je souhaite également insister sur la diffusion prochaine, avec l'appui du ministère de la santé, d'un document d'aide à l'identification pratique des victimes. S'agissant des enquêtes, des poursuites et du droit procédural, les dispositions du droit interne correspondent parfaitement aux exigences conventionnelles. Ainsi la France dispose d'un office central pour la répression de la traite des êtres humains, placé sous la responsabilité de la direction centrale de la police judiciaire du ministère de l'intérieur.

L'entrée en vigueur de cette convention est attendue avec intérêt par de nombreuses organisations non gouvernementales ou associations d'aide aux victimes de la traite, qui en espèrent une amélioration dans la lutte contre ce phénomène et dans l'aide apportée aux victimes. Elle contribuera à renforcer les efforts de la communauté internationale dans la lutte contre un phénomène qui doit nous mobiliser et associer étroitement États d'origine et États de destination.

À ce stade, vingt-neuf États ont signé cette convention et sept l'ont déjà ratifiée. Sa ratification par la France, dont les autorités sont pleinement engagées dans la lutte contre cette forme particulièrement odieuse de criminalité et qui ont soutenu, dès l'origine, les efforts du Conseil de l'Europe en faveur d'un texte ambitieux, y contribuera et sera un signe supplémentaire de notre détermination à lutter contre ce fléau et à accompagner au mieux les victimes. Telles sont les principales stipulations de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, aujourd'hui soumise à votre autorisation de ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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