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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 22 septembre 2008 à 15h00
Débat et vote sur l'autorisation de la prolongation de l'intervention des forces armées en afghanistan

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Monsieur le Premier ministre, la stratégie suivie par l'OTAN vous entraîne dans une fuite en avant : toujours plus de soldats, de bombardements et de destructions, et une population qui bascule du côté des talibans. Quel beau bilan !

C'est pourquoi, avec le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je me prononce contre l'envoi d'un seul homme de troupe dans cette sale guerre, mais aussi pour le retrait des troupes françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Je demande la redéfinition des objectifs politiques et militaires de la France dans cette région, et, tout d'abord, le réexamen urgent du mandat de l'ONU.

Devant la montée en puissance des talibans, ce mandat a été détourné de fait en 2006 quand l'OTAN a étendu son emprise militaire sur tout le territoire afghan. L'opération Liberté immuable, tolérée dans le cadre de la légitime défense depuis 2001, et l'ISAF n'ont plus dans les faits qu'un seul objectif réel : trouver et détruire les forces rebelles, assimilant ainsi de fait Al-Qaida, talibans, opposants pachtounes, paysans producteurs de pavot. Il faut réexaminer le mandat et mettre un terme à cette hypocrisie qui déconsidère l'ONU.

La reconstruction de l'État afghan est devenue un leurre, le maintien de la paix un mirage, et l'ONU la grande dupe.

Le terrorisme ne se combat pas par la guerre mais par la politique, par la justice et par le droit, par la lutte contre la corruption, la coopération policière et le renseignement. En Afghanistan, toute stratégie acceptable ne peut passer que par la rupture avec la doctrine Bush, selon trois axes.

Premièrement, la relance du dialogue politique et la négociation entre les forces liées à l'actuel gouvernement et les insurgés, connus sous le nom générique de talibans.

Ce vocable cache en réalité une coalition de forces diverses dont une grande partie n'est pas liée politiquement à Ben Laden mais qui a repris les armes aux côtés des talibans pour chasser les occupants étrangers. Le dialogue entre Afghans est d'autant plus urgent que les groupes ethniques non pachtounes des régions Est, Nord et Ouest, pourraient décider d'entrer dans le conflit, constatant l'impuissance de l'armée nationale afghane d'un côté et des forces de la coalition de l'autre. Nos forces seraient alors prises sous le feu croisé des milices qui s'affrontaient déjà avant 2001. La négociation est donc urgente. Pour isoler Ben Laden, il faut d'abord une réconciliation entre les combattants afghans, sous l'égide de l'ONU.

Deuxièmement, la mise en oeuvre d'une solution régionale du conflit.

Les bases arrières des talibans, situées au Waziristan, dépendent du soutien du Pakistan, notamment des services de renseignement de l'armée pakistanaise, l'ISI. On le sait maintenant, les militaires pakistanais ne s'attaqueront jamais aux talibans si l'esquisse d'un règlement politique du conflit avec l'Inde, à propos du Cachemire, n'est pas engagée. La situation est d'autant plus dangereuse que ces deux pays possèdent chacun un arsenal nucléaire en parfait état de marche. L'engagement de la France serait donc plus productif s'il consistait à engager avec l'Union européenne un travail de médiation entre les deux pays. L'organisation d'une conférence régionale pour la sécurité collective de la région serait un pas en avant dans cette direction, d'autant qu'un autre pays frontalier, l'Iran, est concerné par ce règlement régional.

Troisièmement, l'aide à la reconstruction de l'État afghan et à la population.

Depuis le début de la guerre, 140 milliards de dollars ont été injectés et pas seulement pour l'achat d'armements. En juin, la conférence de Paris a rajouté 20 milliards. On pourra nous dire que des écoles et des hôpitaux ont été construits, mais chacun sait ici que le compte n'y est pas et que la corruption organisée d'en haut par le gouvernement Karzaï empêche tout développement durable de l'Afghanistan. Pendant ce temps, les populations du Sud, les pachtounes, livrées à elles-mêmes, punies pour leur attitude pro-talibans, ne voient de l'aide occidentale que les bavures militaires. Sans une association des populations et des structures locales, sans une réorientation et un contrôle des crédits attribués, l'aide ne sera qu'un alibi humanitaire.

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