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Intervention de Marc Le Fur

Réunion du 30 octobre 2007 à 15h00
Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, je souhaite d'abord remercier le Gouvernement et en particulier Mme la ministre de l'intérieur pour la manière dont elle a su faciliter les travaux du rapporteur. Aux questions que nous avons posées on a apporté des réponses rapides et circonstanciées.

C'est la première fois que je rapporte ce budget, et je voudrais insister sur le fait que, même s'il est relativement modeste – 2,657 milliards d'euros, que l'on peut comparer au budget de la sécurité, qui relève également du ministère de l'intérieur et qui se monte à 16 milliards d'euros –, il permet de croiser des préoccupations majeures, comme celle de la continuité de l'État, du fonctionnement de la démocratie, de la relation entre les cultes et l'État, mais aussi des questions relatives à l'identité des personnes et des biens, ou encore à la réforme de l'État.

Ce budget reste tout à fait en pointe du point de vue de l'application de la LOLF. Il l'était déjà, puisque les préfectures ont initié les expériences de fongibilité de crédits il y a de cela quelques années, avant même l'entrée en vigueur de la LOLF. Il l'est à nouveau en 2008, puisque nous assistons à l'application de l'une des dispositions de la LOLF, le programme Chorus, lequel va s'appliquer à titre expérimental dans deux régions, les Pays de la Loire et la Haute-Normandie, dans le but de parvenir à une meilleure gestion des comptes, aussi bien du point de vue du comptable que du point de vue de l'ordonnateur.

Ce budget reflète également la nouvelle organisation gouvernementale voulue par le Président de la République et le Premier ministre, qui se traduit en particulier dans le périmètre ministériel.

Ce budget perd la sous-direction des étrangers, désormais rattachée, monsieur le secrétaire d'État, à l'autorité de votre collègue Brice Hortefeux, mais il gagne, ce qui est autrement plus important en termes financiers, l'ensemble de l'administration des DOM et des TOM, qu'elle soit centrale ou sur le terrain. Il s'agit là d'un vaste mouvement, dont le résultat est qu'il y a désormais un seul ministre et un seul secrétaire général, en l'occurrence le secrétaire général du ministère de l'intérieur, qui est le directeur de programme. Cet élément intéressant et positif rapproche la gestion des DOM et des TOM de celle de la métropole.

Ce budget respecte les directives gouvernementales touchant à la réduction des effectifs. Nous assistons en effet à une réduction de 591 emplois, hors variation du périmètre, soit une diminution de 2 %, qui succède à des réductions de 1 % déjà intervenues en 2006 et 2007. C'est quelque chose de tout à fait intéressant, même si cela est aussi exigeant, je crois qu'il faut que nous en soyons conscients, en particulier pour les préfectures.

Mais il y a des aspects très positifs en termes qualitatifs. Je pense en particulier à la fusion des corps d'attachés : attachés d'administration centrale, attachés de préfecture, attachés de l'outre-mer et attachés de police appartiendront désormais à un seul corps d'un point de vue administratif.

Nous assistons également à des évolutions positives en termes de régime indemnitaire. Chacun sait que le ministère de l'intérieur était relativement défavorisé dans ce domaine. Le rattrapage est sensible, y compris au bénéfice du sommet de la hiérarchie, c'est-à-dire du corps préfectoral. Cela n'est que justice, puisque des décalages indemnitaires existaient depuis trop longtemps.

Je me permets une suggestion, que j'adresse à Mme le ministre de l'intérieur. Ce serait d'appliquer au budget de l'administration générale et territoriale de l'État les mêmes dispositions que celles qui existent dans le domaine de la sécurité, et qui permettent le rachat d'heures de RTT. Cela existe pour la police et pour la gendarmerie. Je suis convaincu qu'une partie des personnels pourraient se porter volontaires pour ce type d'expérience. Ce serait une occasion de réaliser des économies tout en permettant des arbitrages plus favorables au travail.

La grande affaire de ce budget, ce sont bien sûr les préfectures et les sous-préfectures. Je voudrais insister sur le fait que le programme « Administration territoriale » connaît une évolution favorable, puisque les crédits de paiement croissent à hauteur de 5,7 %, et les autorisations de programme à hauteur de 10,3 %.

Un autre point sur lequel je me permettrai d'insister, et je suis convaincu que beaucoup de collègues y seront sensibles, est l'inégale répartition des effectifs des préfectures. Ainsi compte-t-on, pour 10 000 habitants, 3,47 agents dans le département du Nord, 3,71 dans le Finistère, contre 16,36 en Lozère et 15,78 en Corse du Sud. Globalement, la France du nord et celle de l'ouest sont défavorisées. Ces différences de 1 à 4 peuvent recevoir des explications. Mais elles sont d'une telle importance que ces explications ne sauraient suffire. Il faut, et je le préconise, aller vers une plus grande harmonisation de la répartition des effectifs.

Mais la plus grande affaire de ce rapport, celle qui intéresse le plus le grand public, c'est la question des titres. Ce sujet présente plusieurs caractéristiques. Il revêt tout d'abord des aspects quasiment industriels, puisque chaque année sont délivrés 13 millions de cartes grises, 5 millions de cartes d'identité, 3,5 millions de passeports, 2,5 millions de permis de conduire. Ces chiffres considérables exigent une production de masse.

La deuxième caractéristique est que ce sont là des sujets où la sécurité constitue un enjeu majeur, d'autant que, ne nous le cachons pas, il existe des fraudes importantes, peut-être exagérées.

Troisièmement, ces sujets comportent des dimensions symboliques très fortes. On le voit en particulier en ce qui concerne l'évolution des cartes grises, puisque le numéro de département, qui permet à nos chères têtes blondes d'apprendre la géographie, sera amené à disparaître dans les années à venir. Cela correspond à un souci de simplification, mais il y a là des aspects symboliques dont on doit tenir compte.

Sur ces sujets touchant aux titres, je dirais que longtemps, notre administration a ronronné, et que désormais nous allons connaître une véritable révolution. C'est la mise en place du passeport biométrique, qui devrait intervenir au 1er juin 2009, puisque tel est l'engagement qu'a pris notre pays. C'est la création de l'Agence nationale des titres, par décret du 22 février 2007, et pour laquelle est d'ailleurs prévue une dotation de 102 millions d'euros. C'est enfin le système d'immatriculation des véhicules, le SIV, que j'évoquais à l'instant et dont la mise en place est prévue au 1er janvier 2009. Autant d'échéances fortes, importantes, et dont le suivi est assuré du point de vue des arbitrages financiers. Nous avons donc les moyens d'y faire face.

J'espère que ces différents projets connaîtront le même succès que l'opération Télépoints. Chaque automobiliste peut aujourd'hui consulter son capital de points par Internet. C'est là un véritable progrès du point de vue de l'e-administration, comme on dit maintenant. C'est aussi un progrès pour l'ensemble des usagers. Il faut féliciter le ministère d'avoir su, certes avec d'autres partenaires, le mettre en place.

Je me suis permis, dans mon rapport, d'élaborer une espèce de palmarès de l'élaboration des titres. Je me suis efforcé de classer les préfectures en fonction des délais d'attribution des différents documents qui sont délivrés au grand public. Chacun pourra ainsi savoir où en est sa préfecture quant aux délais d'obtention, en termes de minutes ou de jours, de ces différents titres. Il nous faut savoir créer une émulation entre les préfectures. Il ne s'agit pas de distribuer des bons et des mauvais points, mais il s'agit, en tout état de cause, de dire à l'opinion qu'il existe des différences, qui ne sont pas toujours justifiées. J'espère que l'administration centrale saura stimuler les autorités locales de l'État.

Ce budget touche aussi à un sujet qui nous intéresse plus que quiconque, à savoir l'organisation de la démocratie. À ce titre, le programme « Vie politique, cultuelle et associative » va connaître une certaine réduction, puisque les crédits s'élèvent à 361 millions d'euros, soit une réduction d'un tiers par rapport au budget 2007. C'est tout à fait logique, puisque les échéances électorales de 2008 sont d'une ampleur autrement plus modeste que celles que nous avons connues cette année.

Au titre de 2007, la démocratie coûte 9,7 euros par électeur, si l'on intègre la dépense liée à l'organisation des élections proprement dite et les soutiens aux différentes instances politiques.

Je voudrais tout de même montrer du doigt, même si ces éléments sont quelque peu marginaux aujourd'hui, quelques mauvaises habitudes qui ont perduré quant au paiement des personnels qui concourent à la mise sous pli de la propagande. Ce sont souvent des personnels très modestes, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État. Dans chacune de nos préfectures, une espèce d'usine se crée durant quelques jours, qui est considérable, maniant des tonnes de papier. Il faut payer ces personnels, et ils le sont parfois avec retard. Le paiement des imprimeurs a également posé problème. Les retards ont peut-être été marginaux, mais ils ont existé. Je me félicite que le décret d'avance du 26 octobre dernier ait mis un terme, certes un peu tardif, aux ultimes difficultés.

Je voudrais aborder deux ou trois autres sujets à l'occasion de la présentation de ce rapport.

Les machines à voter ont été expérimentées dans 82 communes, avec des fortunes diverses. Mme le ministre de l'intérieur a demandé un point de la situation. Nous disposerons des conclusions en décembre prochain. Et il s'agira de prendre des décisions qui concerneront l'année 2008. L'expérience nous incline à l'anticipation, certes, mais aussi à la prudence.

Quant à la propagande, je me permets une suggestion. Vous savez qu'elle a coûté en 2007, pour les élections présidentielle et législatives, la petite somme de 150 millions d'euros. Cette somme intègre, d'une part, l'ensemble des frais d'impression et des frais de mise sous pli, et d'autre part, les frais postaux. Il est a craindre, d'ailleurs, que La Poste se soit permis quelques facilités du point de vue de la tarification, puisqu'elle était, sinon dans une situation de monopole juridique – celui-ci n'existe plus –, du moins en position de monopole de fait. Or, 150 millions, c'est énorme. D'où ma suggestion. Bon nombre de nos concitoyens sont aujourd'hui très familiers d'Internet. Pourquoi ne pourraient-ils pas, demain, à condition de s'inscrire, par voie numérique, sur une liste, déclarer qu'ils ne souhaitent plus recevoir la propagande électorale, tout simplement, et en être dispensés ? Bien évidemment, ils auraient accès à un site où l'ensemble de la propagande qui les intéresse serait disponible, mais ils ne recevraient plus les papiers en question. Cette disposition va dans le sens du développement durable, de la promotion de l'e-administration que nous souhaitons. Elle propose également à nos compatriotes un geste citoyen, que beaucoup d'entre eux, j'en suis convaincu, sont prêts à accepter. J'ai déposé une proposition de loi en ce sens. Peut-être retiendra-t-elle l'attention du Gouvernement. C'est en tout cas ce que je souhaite.

Je disais que ce budget est l'occasion de manifester notre volonté politique de réforme de l'État, volonté qui est, je le crois, partagée. Je suis convaincu que le ministère de l'intérieur doit jouer un rôle pionnier, essentiel dans cette affaire.

Il faut s'interroger sur la nature des tâches. Je me réjouis que la RGPP, la revue générale des politiques publiques, ait été lancée, parallèlement à notre activité de parlementaires. Mais je m'interroge sur certains points, et je crois que mon excellent collègue rapporteur pour avis de la commission des lois a une démarche analogue. Par exemple, le classement des hôtels de préfecture. Cette expression est restée, qui désigne non pas des hôtels situés à proximité de la préfecture, mais des hôtels qui ont été classés par les services préfectoraux. À quoi cela rime-t-il aujourd'hui ? Je m'interroge également sur la délivrance par les préfets d'autorisations de vente au déballage quand celle-ci dépasse plus de 300 mètres carrés. Voilà des anachronismes sympathiques, mais complètement obsolètes, me semble-t-il.

Au-delà, je crois que nous devons mener, tous ensemble, une réflexion sur l'organisation de l'État au plan local, et pas seulement des préfectures. Je me réjouis des expériences multiples qui ont été initiées par ce ministère. Je pense au département du Lot, où il s'est agi de fédérer l'ensemble des services extérieurs de l'État autour de la préfecture, voire dans la préfecture. Car cela n'a pas beaucoup de sens d'avoir des services extérieurs dont la taille est tellement modeste que les standards téléphoniques eux-mêmes ne répondent plus. L'expérience du Lot, donc, est satisfaisante. Je pense aussi aux rapprochements entre les DDE et les DDAF, qui sont pertinents dans certains départements, mais pas dans tous. Je pense également à l'arbitrage qu'il faudra rendre entre l'échelon régional et l'échelon départemental. Là aussi, donnons-nous le temps de réfléchir. Mais je constate que ce ministère a décidé de placer les budgets opérationnels de programme au niveau régional alors qu'ils l'étaient, naguère, au niveau départemental. Ces éléments sont en cours d'arbitrage, auquel il me semble que la représentation nationale pourrait être associée, si d'aventure chacun le souhaite.

Je souhaite que, sur toutes ces questions touchant à la réorganisation de l'État au niveau local, le ministère de l'intérieur joue un rôle pionnier. Ne laissons pas les choses se faire toutes seules. Un jour, il y aura la réorganisation des tribunaux d'instance et de grande instance, et demain, celle des trésoreries. Nous ne pouvons pas laisser les choses se faire au fil de l'eau. Nous devons avoir une vision globale, équilibrée. Quelle autre structure territoriale que les préfectures et quel autre ministère que celui de l'intérieur peuvent-ils avoir une vision éclairée en la matière ? L'État n'est pas un ensemble de tuyaux d'orgue, verticaux, descendant du sommet vers la base. Ce doit être un ensemble cohérent, au niveau central comme au niveau local.

En conclusion, nous sommes ici devant un bon budget. La commission l'a adopté et invite l'Assemblée à l'approuver. Il me semble intéressant et tout à fait dans la ligne de ce que souhaite le Gouvernement.

Je terminerai en rendant un hommage appuyé aux hommes et aux femmes qui travaillent dans ce ministère de l'intérieur. Si l'on pense bien sûr aux policiers, il ne faut pas oublier les personnels de l'administration générale, qui ont des fonctions plus administratives, en particulier les cadres de préfecture. Ces personnels exercent bien souvent des fonctions de guichet, de contact, qui sont aujourd'hui très difficiles. J'invite chacun à se rendre dans un bureau des étrangers, par exemple : les agents y accomplissent au quotidien une tâche délicate, complexe, qui exige à la fois humanité et rigueur. J'insiste aussi sur la polyvalence de ces personnels, qui doivent passer d'un sujet à l'autre en s'acquittant de tâches complexes, sans pouvoir se réclamer d'une quelconque spécialisation comme dans d'autres administrations. Je salue aussi leur loyauté ; en cas de crise, qu'elle soit environnementale, d'ordre public ou sanitaire, ils sont souvent en première ligne. Ils méritent donc toute notre attention, la moindre étant de leur donner les moyens de travailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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