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Intervention de Dominique Baert

Réunion du 19 mai 2009 à 15h00
Organe central des caisses d'épargne et des banques populaires — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert :

Laissons-là le trait d'humour, car le sujet est sérieux, très sérieux même. En effet, contrairement à la posture que le Gouvernement adopte dans la présentation et la défense de son projet, nous ne pensons pas que ce texte ne soit que technique. Bien au contraire, il est politique, ne serait-ce que par son contexte et sa portée.

Le contexte, c'est tout d'abord celui du réseau des caisses d'épargne qui a subi l'éviction forcée et précipitée de son principal dirigeant à deux reprises en moins de six mois ! C'est également celui de la crise financière d'une filiale, Natixis, dont nul ne sait la profondeur du mal qui la ronge.

Le contexte, c'est encore celui, précisément, de ces pertes accumulées qui sont sans doute largement la cause, non avouée, mais si vraisemblable, d'un plan de recapitalisation de l'ensemble du système bancaire décidé dans l'urgence par le Gouvernement.

Le contexte, ce sont enfin les conditions de désignation du nouveau président commun des deux groupes, conditions vraiment très particulières et très pressantes, sur lesquelles Michel Sapin s'est exprimé : la France entière a surtout compris, en apprenant l'information à la télévision, qu'il s'agissait surtout d'un élyséen « ôte-toi de là que je m'y mette ! »

Pour tout dire, la lecture du projet de loi donne surtout l'impression d'un texte écrit rapidement, dans la précipitation, à la va-vite. S'il n'en fallait qu'une preuve, le seul nom de la nouvelle tête de groupe, le NOC – nouvel organe central –, atteste que la légendaire imagination de Bercy a été prise de court ! C'est un texte d'urgence, creux et vide ! Le Gouvernement le voulait sans doute banal : de fait, en refusant d'y inscrire des dispositions trop précises, il cherche à faire oublier que ce qu'il est en train de commettre a une portée politique majeure.

Il est politique, madame la ministre, de prendre conscience que ce texte ne rapproche pas n'importe quels réseaux, mais deux groupes de banques mutualistes et coopératives, qui portent des valeurs spécifiques, qui ont une histoire et une identité particulières : voir que ce projet les marie par l'entremise d'une société anonyme ne nous rassure pas du tout.

Il est également politique de s'intéresser à l'avenir de ces deux réseaux, de leurs agences et de leurs personnels, que nous connaissons dans nos villes et nos villages.

Il est enfin politique de se demander si le Gouvernement se donne, par son texte, les moyens d'une action financière efficace pour les deniers publics et utile à nos concitoyens. Nommer à la tête du nouveau groupe un proche collaborateur du Président de la République n'exonère pas l'État français de veiller à ce que ce groupe fasse le meilleur usage possible des fonds qui lui sont confiés, par l'État récemment comme, de façon usuelle, par les sociétaires et déposants, tout en participant activement à la lutte contre les exclusions financières, une lutte que l'actuelle crise économique et sociale rend plus nécessaire que jamais.

Or, de tout cela, le projet de loi ne dit rien ! Le contenu de ce texte précipité est insuffisant, et donc insatisfaisant. Madame la ministre, votre texte est un chèque en blanc à un président tout puissant, je parle évidemment de celui du directoire du nouvel organe central. L'essentiel, c'est lui qui le réglerait plus tard, après le vote de la loi, en dehors du Parlement. Nous ne sommes pas d'accord. La loi doit préciser certains points, et c'est de la responsabilité du législateur que de les rappeler, de les expliquer et de les faire figurer dans le texte, afin de clarifier les règles du jeu, éclairer l'avenir, éviter les mauvaises surprises et les déconvenues.

Si, à la gauche de cet hémicycle, nous ne sommes pas nécessairement en désaccord avec la logique bancaire du rapprochement de ces deux groupes, compte tenu de leurs spécificités commerciales, les unes dirigées vers les professionnels du commerce et les autres vers les particuliers, nous considérons en revanche que le texte comporte des lacunes majeures.

Il est insatisfaisant au moins à trois égards : la gouvernance du groupe, l'identité coopérative et les valeurs qui animeront, demain, le groupe, ainsi que le projet stratégique du nouvel ensemble et les garanties d'avenir à donner aux établissements et aux salariés.

La défaillance première du projet de loi concerne la gouvernance du groupe. En effet, il ne saurait y avoir de bonne gouvernance sans pouvoirs équilibrés, sans démocratie interne ni sans contre-pouvoirs définis. C'est fort éloigné de ce que le texte dessine en l'état actuel de sa rédaction. Je donnerai trois exemples.

Premier exemple : la composition du conseil de surveillance n'est pas inscrite dans la loi. D'auditions en auditions, on nous dit : « On verra après. » Après quoi ? Quand on aura les mains libres pour faire ce qu'on veut ? Nous pensons que c'est à la loi de préciser qui définira les orientations du groupe et assurera la stabilité de sa gouvernance : s'agira-t-il de techniciens nommés, qui sauront se montrer compréhensifs pour satisfaire les désirs de leur hiérarchie, ou des représentants des sociétaires, c'est-à-dire des clients, donc des territoires, ce qui est bien le moins qu'on puisse attendre d'un réseau de banques régionales ? De plus, quelle place sera réservée aux salariés ? Si vous voulez qu'ils se mobilisent pour cette nouvelle aventure, donnez-leur une juste place dans la gouvernance du groupe.

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