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Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 8 juin 2009 à 16h00
Loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve :

En effet, l'année prochaine, la vente des fréquences rapportera 600 millions d'euros, puis le même montant en 2011, et 250 millions d'euros en 2012.

Si mes informations sont bonnes, les fréquences mises en vente proviennent soit de l'activité de fréquences militaires, comme les fréquences Rubis ou Félin, soit de la cession de l'usufruit des satellites Syracuse A et B. Il reste toutefois qu'à l'heure actuelle l'autorité de régulation ne semble toujours pas avoir donné l'autorisation nécessaire à la cession en question. Il est par ailleurs peu probable, conformément à ce que le ministre du budget indiquait devant notre commission, que la réalisation de ces cessions puisse intervenir rapidement.

Monsieur le ministre, il résulte de tout ceci que les recettes sont extraordinairement aléatoires. Nous nous interrogeons en conséquence sur la solidité du modèle.

Sans prétendre être exhaustif – compte tenu du nombre de programmes engagés, il y aurait beaucoup à dire – ; j'aborderai en quelques mots le chapitre des dépenses.

Je signale tout d'abord que nos préoccupations ne sont pas fantaisistes : elles sont partagées par la Cour des comptes qui s'est exprimée sur ce sujet à plusieurs reprises. Elle a en effet accompagné les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle de notre commission des finances. Des députés membres de toutes les commissions ont d'ailleurs pu participer à ces travaux. Jean-Michel Fourgous et moi-même avons ainsi présenté dans ce cadre un rapport sur le financement des projets d'équipement naval militaire.

Nous constatons l'existence d'un important décalage entre les coûts d'objectifs et les coûts de réalisation. Ce décalage s'élève à 50 % pour le programme Barracuda, et à 30 % pour les frégates multi-missions. Cela a des conséquences sur d'autres chapitres de la mission « Défense », et notamment sur le maintien du budget du maintien en conditions opérationnelles. En effet, lorsque le coût de réalisation ou d'industrialisation de certains programmes est supérieur au coût d'objectifs, confronté au caractère incertain des recettes, le Gouvernement hésite à les lancer. Le vieillissement des programmes en cours induit alors une augmentation mécanique du coût de maintien en conditions opérationnelles. Ce fut le cas, par exemple, pour le programme Rubis, auquel a succédé le programme Barracuda.

Monsieur le ministre, comment surmonterez-vous cette difficulté pour ce qui concerne les programmes proposés par le projet de loi de programmation militaire ?

À ce problème, il faut ajouter celui des surspécifications, mais aussi les imperfections d'un certain nombre de programmes lancés en coopération comme le PA2, le NH90 ou l'A400M. Les décalages et les retards liés aux insuffisances de notre coopération nous permettront-ils de maîtriser le coût de ces programmes ?

Je conclurai en abordant la question des opérations militaires extérieures, sur laquelle la représentation nationale a fait beaucoup de progrès au cours des dernières années. Le président Teissier a l'habitude de rappeler, à juste titre, ce que nous lui devons en la matière. En 2005, seule une ligne de 100 millions d'euros était budgétisée sur la totalité des sommes consacrées aux OPEX ; aujourd'hui, pour une enveloppe globale comprise entre 850 millions et 1 milliard d'euros, les amendements et les travaux législatifs permettent de budgétiser jusqu'à 475 millions d'euros. Compte tenu des 60 millions d'euros supplémentaires qui seront inscrits chaque année, nous parviendrons, au terme de la période, à une garantie de budgétisation d'environ 600 millions d'euros.

Un solde existe toutefois, et la dynamique de projection dans laquelle nos armées sont engagées, notamment dans le cadre de notre réintégration sans conditions dans l'OTAN, pourrait conduire l'enveloppe globale à augmenter fortement. Monsieur le ministre, il y aurait alors à nouveau une forte tentation que le budget d'équipement de la mission « Défense » vienne ajuster le budget des opérations militaires extérieures, ce qui perturberait l'architecture du projet de loi de programmation militaire que vous nous présentez.

Si l'on veut avoir toutes les garanties sur les questions que je viens d'aborder, même si M. le ministre semble disposer de réponses définitives et sûres, il faut que nous puissions nous doter des moyens de contrôle qui garantiront dans la durée que nous puissions nous accorder sur les problèmes de défense car, sur ces sujets il est tout de même préférable de voir prévaloir le consensus. Pour atteindre cet objectif, il faudrait réunir deux conditions. Tout d'abord, l'ensemble des agrégats des lois de programmation financière devrait être ajusté afin que les masses budgétaires évoquées dans notre débat soient lisibles durant toute la durée de l'application de la loi de programmation. Dans le cadre de la dernière révision constitutionnelle, la possibilité de mettre en place des lois triennales de finances publiques est prévue. Certaines préexistent à l'adoption de ce projet de loi de programmation : elles mettent en évidence des nomenclatures et des agrégats budgétaires qu'il serait intéressant de pouvoir rapprocher de ceux qui structurent ce texte pour pouvoir nous assurer, dans la durée, que nous parlons bien de la même chose.

Ensuite, monsieur le ministre, il nous semble indispensable que la fonction financière du ministère de la défense soit confortée et renforcée de manière que le ministère puisse s'assurer de la « traçabilité » des financements – François Cornut-Gentille et moi-même préconisions déjà cela dans nos travaux. En effet, il ne faut pas que cette loi de programmation militaire, malgré les annonces et la volonté de rupture qui ont présidé à son élaboration, ne soit qu'une loi de programmation militaire supplémentaire comme les autres. Il ne faut pas que le ministère du budget, comptant sur le fait que le ministère de la défense ne dispose pas des moyens de suivre son budget, puisse s'autoriser à tout moment à venir utiliser des marges ou des gels budgétaires pour procéder à des ajustements utiles au budget de l'État.

En la matière, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur tous les membres de la représentation nationale, quelle que soit leur appartenance politique, afin que le budget de la défense soit préservé dans ses équilibres, autant que faire se pourra, et que le ministère du budget ne tente pas de dissiper ses fonds. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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