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Intervention de Patrick Beaudouin

Réunion du 8 juin 2009 à 16h00
Loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion en première lecture d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Beaudouin, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Il faut ajouter que sont venues se greffer au projet de loi initialement déposé les dispositions du plan de relance, dont près de 2,4 milliards d'euros sont consacrés à la défense nationale. Les crédits d'équipement devraient bénéficier de 1,4 milliard d'euros supplémentaires, l'objectif étant de soutenir les industries de défense les plus touchées par la crise, qu'il s'agisse de la filière munitionnaire, de l'industrie automobile ou de la construction navale. Pour ce faire, il est prévu d'accélérer le calendrier initial et de le compléter par de nouvelles commandes. Le plan de relance permettra ainsi, par exemple, l'acquisition de quinze véhicules de transport de troupes Aravis, destinés à nos forces en Afghanistan, comme il permettra de lancer le troisième bâtiment de projection et de commandement, et de maintenir la cadence de production des véhicules blindés de combat de l'infanterie.

Le projet de loi propose de sanctuariser certaines dépenses considérées comme stratégiques. Il s'agit des dépenses d'équipement et, parmi elles, de certains programmes considérés comme prioritaires. Sur l'ensemble de la période de programmation, les crédits d'équipement bénéficient de 101,25 milliards d'euros, passant de 15,4 milliards en 2008 à plus de 18 milliards en 2014.

Le texte met aussi en place de nouveaux mécanismes de financement afin de couvrir les dépenses liées aux opérations extérieures sans diminuer les crédits de la mission. Le rapport d'information sur l'exécution de la précédente loi de programmation militaire avait en effet révélé que le financement des OPEX pouvait peser sur les crédits d'équipement. Le projet de loi prévoit notamment d'augmenter la somme réservée chaque année au financement des OPEX, les surcoûts éventuels étant pris en charge par un prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle.

Nos armées pourront donc bénéficier des équipements dont elles ont besoin. Le rapport annexé détaille les objectifs et les contrats opérationnels correspondants prévus au cours de la période de programmation. Je souhaiterais donc me concentrer sur plusieurs points qui paraissent préoccupants.

Le domaine spatial, d'abord. La fonction stratégique « connaissance et anticipation », considérée comme prioritaire, doit bénéficier d'un renforcement des capacités satellitaires de notre pays. Les ressources allouées à l'espace doivent être progressivement doublées d'ici à 2020, mais les crédits en ce domaine n'étant retracés dans aucun agrégat, il sera impossible de vérifier que cet engagement est bien respecté.

Par ailleurs, l'examen des capacités satellitaires françaises est également source d'inquiétude. Compte tenu de la durée de vie des équipements actuellement utilisés et des délais d'entrée en service de ceux prévus, un risque de déficit capacitaire apparaît pour les années à venir. À moins de renoncer à toute ambition nationale en matière spatiale, il semble donc indispensable d'accélérer le lancement des programmes développés en coopération avec nos partenaires européens. Compte tenu de la complexité de ces programmes, une décision doit intervenir dès maintenant pour préciser les modalités et surtout le calendrier de la coopération. Tout retard pourrait en effet avoir des conséquences de long terme très graves, avec le risque d'un décrochage définitif de la France. J'aimerais, monsieur le ministre, avoir aussi quelques précisions sur ce point.

Autre sujet de préoccupation majeur : l'aéromobilité. Le rapport sur l'exécution de la précédente loi de programmation militaire a mis en évidence le développement d'un déficit capacitaire. Le présent texte entend y remédier, mais bien des incertitudes demeurent. Il est prévu de remplacer progressivement les aéronefs C-160 Transall par des A400M, et les avions ravitailleurs C-135 par des avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport. L'objectif semble toutefois très ambitieux, compte tenu notamment des difficultés industrielles rencontrées par EADS sur l'A400M et des doutes apparus dans le partenariat européen. Face à ces tensions, l'armée de l'air risque de ne pas être en mesure d'honorer le contrat opérationnel en matière de transport stratégique ou tactique comme d'entraînement des pilotes. Le recours à des solutions d'affrètement ou d'achat anticipé d'avions MRTT devra être prévu. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous précisiez où en est votre réflexion à ce sujet.

En ce qui concerne la marine, je souhaiterais vous interroger sur le calendrier du programme de frégates nécessaire à l'exécution du contrat opérationnel, et sur les moyens d'accélérer la lutte contre la piraterie maritime.

S'agissant de l'armée de terre, enfin, la protection de nos soldats, notamment ceux présents en Afghanistan, est l'une de nos préoccupations premières. C'est pourquoi je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous indiquer les délais d'entrée en service des dispositifs de protection des véhicules – moyens de brouillage notamment – et les délais de livraison des équipements Félin. Qu'en est-il, par ailleurs, de l'engagement opérationnel du Tigre ?

La commission a examiné de nombreux amendements à la partie du texte que je viens d'évoquer ; nous y reviendrons naturellement, mais je souhaiterais d'ores et déjà mentionner l'accent qu'elle a mis sur l'information du Parlement en ce qui concerne la conclusion et l'orientation des accords de défense. L'effort de recherche en matière de défense sera par ailleurs mieux identifié : une partie du rapport annuel y sera spécifiquement consacrée, et les synergies avec les coopérations civiles européennes seront recherchées. Compte tenu de l'enjeu que représente la fin de vie des équipements, la commission a également adopté un amendement précisant que la France doit disposer d'un tissu industriel adapté à leur déstructuration.

Alors que le ministère s'est engagé dans une réforme en profondeur, la commission a souhaité que toute externalisation fasse l'objet d'une étude d'impact préalable.

Enfin, elle a fixé de manière plus exhaustive la liste des petits programmes de cohérence opérationnelle, pour éviter qu'ils ne donnent lieu aux mêmes mesures restrictives qu'à l'occasion de la précédente loi de programmation militaire.

Avec ce projet de loi tel qu'il a été présenté, et tel qu'il a été enrichi par les amendements adoptés en commission, nos armées recevront les moyens de se montrer à la hauteur des ambitions de la France et de ses responsabilités. Le contexte mouvant et incertain du monde actuel, les aléas du contexte économique et financier, d'éventuelles difficultés rencontrées par les programmes industriels, rendent toutefois nécessaire une exécution alliant rigueur, souplesse et capacités d'adaptation.

La nouvelle gouvernance mise en place par le Livre blanc et par vous-même, monsieur le ministre, au sein de votre ministère doit y répondre. La représentation nationale devra se montrer particulièrement attachée à sa mission de contrôle et de suivi, afin d'éviter toute dérive industrielle ou financière et d'accompagner les évolutions qui conduiront à la révision intermédiaire de la loi de programmation militaire à l'horizon 2012.

Avant de céder la parole à mon collègue Yves Fromion, et en vous invitant à voter cette loi de programmation militaire après la discussion des amendements, je tiens, au nom de la commission et en mon nom propre, à rendre hommage à la compétence professionnelle de nos soldats, à l'efficacité et au courage dont ils font preuve dans l'accomplissement de leurs missions, notamment en OPEX. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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