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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 23 octobre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Rappel au règlement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Je souhaite prolonger la discussion sur le bouclier fiscal. Plusieurs collègues sont intervenus pour le remettre en cause ; je suis leur raisonnement mais la majorité est la majorité, et ce bouclier fiscal est là.

La question que je pose ne concerne pas le bouclier fiscal en tant que tel mais le revenu à partir duquel on calcule le droit à restitution. Si j'ai bien compris l'intention du législateur, le bouclier fiscal a pour objet de limiter le total des impôts et contributions dues par un contribuable à 50 % de ses revenus à partir de 2008 – à 60 % les années antérieures.

Pour savoir s'il est nécessaire de sortir ce bouclier, on compare en toute logique le total des impôts payés par une personne au total de ses gains sur une année – c'est en tout cas ce que beaucoup d'entre nous avaient cru comprendre. Si l'impôt payé est supérieur à 50 % du revenu, le contribuable peut demander une restitution de la part de l'impôt supérieure à 50 % du revenu. Qu'on conteste ou non cette logique, c'est aujourd'hui la loi.

Que se passe-t-il dans la réalité ? Comment calcule-t-on les impôts payés et comment calcule-t-on les revenus ? Pour ce qui est des impôts, le seul problème concerne le choix des impôts pris ou non en compte, mais cela encore est du ressort de la loi. Pour ce qui est des revenus, ce n'est pas leur total qui est pris en compte mais un revenu net de diverses minorations dont le contribuable a pu bénéficier au titre de telle ou telle niche fiscale.

Dès lors que le bouclier fonctionne non pas sur la base du revenu réel mais par rapport à un revenu déjà minoré d'un certain nombre de niches fiscales, nous avons un problème. En effet, les contribuables qui utilisent ces niches fiscales se voient calculer un droit à restitution sur la base d'un revenu qui n'est pas celui qu'ils ont perçu en réalité mais un revenu minoré, voire très fortement minoré, ce qui fait que l'impôt finalement acquitté pourra être très inférieur à 50 % du revenu effectivement perçu.

Je prends l'exemple, extrême certes mais qui n'a rien de fictif, d'un contribuable possédant un patrimoine de 15 millions d'euros, ce qui est pour le moins confortable. Son revenu fiscal de référence est de 3 700 euros par an, soit 300 euros par mois qui servent de référence pour le calcul du droit à restitution. Le calcul est simple : le total de ses impôts, compte tenu de son revenu fiscal de référence, ne dépassera pas 1 800 euros pour l'année. Cette personne possède pourtant, je le rappelle, un patrimoine de 15 millions d'euros, sur lequel elle va probablement acquitter un ISF de 200 000 euros. Au titre du bouclier fiscal, elle se verra cependant adresser un chèque d'un montant pratiquement équivalent. Je ferai observer en passant que, avant de se faire rembourser cette somme, ce contribuable l'aura dans un premier temps payée. Comment a-t-il pu verser 200 000 euros avec un revenu fiscal de référence de 3 700 euros ? Beaucoup de Français, aimeraient connaître la réponse et se trouver dans sa situation. C'est tout simplement qu'en réalité son revenu effectif est très supérieur au revenu fiscal de référence qui lui permet d'échapper complètement à l'impôt.

Cette situation n'est pas acceptable. Je n'en fais d'ailleurs pas le procès à la majorité, car elle ne me semble pas correspondre à l'intention de ceux qui ont institué le bouclier fiscal. Je pense donc que son mode de calcul doit être modifié, pour permettre l'application de la loi telle qu'elle a été voulue.

À travers l'amendement que je propose, le mode de calcul du revenu pris en compte serait donc révisé dès 2009, afin de remédier à ce grave dysfonctionnement, dû à l'utilisation des niches actuellement non plafonnées. Il convient dans cette optique de limiter, pour le calcul du revenu de référence auquel doit s'appliquer le bouclier fiscal, les exonérations aux titres du « Malraux », des monuments historiques et des meublés professionnels à 10 700 euros chacune, par parallélisme avec le plafond applicable en matière d'imputation des déficits fonciers.

Je conviens que mon amendement est loin d'être parfait, car l'on peut se demander s'il est légitime de maintenir des minorations. Je pense toutefois qu'il est important que nous puissions l'adopter en première partie, quitte à le retravailler et à le compléter en seconde partie, pour que les revenus pris en compte pour le calcul du droit à restitution soient les revenus effectivement perçus, sans aucune minoration.

On m'objecte qu'une telle mesure serait rétroactive. En aucun cas ! Il s'agit tout simplement de corriger une anomalie que personne n'a pu voir au moment où on a élaboré la loi – ou alors, cela pose d'autres problèmes. Cette correction est indispensable car, si nous ne la votons pas dans cette première partie, nous sommes encore voués l'an prochain à verser des chèques de plusieurs centaines de milliers d'euros à des personnes qui ne devraient normalement pas être couvertes par le bouclier fiscal. Et peu importe ici qu'il protège 50 % ou 60 % des revenus, ce qui est en cause ce ne sont pas les taux, mais le principe de son mode de calcul.

Celui-ci n'est pas acceptable, en tout cas pas aux yeux de nos concitoyens. Comment leur expliquer non seulement que nous avons mis en place un bouclier fiscal mais qu'en plus il ne tient pas compte de la totalité des revenus perçus réellement par les contribuables qui en bénéficient ?

Mon amendement propose donc de corriger cette anomalie, même si nous sommes obligés d'y revenir dans la discussion sur la seconde partie, à cause du plafonnement des niches fiscales. Il nous faut cependant d'ores et déjà envoyer un signal et montrer que nous corrigeons ce qui doit l'être, indépendamment de ce que les uns et les autres nous pouvons penser, par principe, de l'existence même du bouclier fiscal.

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