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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 23 octobre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Après l'article 8, amendements 125 150

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Monsieur le ministre, je ne pense pas que votre réponse ouvre le débat sur les effets du bouclier fiscal que nous avons constatés. Si vous ne pouvez pas les avoir prévus, au moins vous ne vous en félicitez pas. J'aimerais que vous soyez clair sur ce point.

En effet, vos propos sont trop approximatifs pour être pris au pied de la lettre. Vous dites que les Français ne doivent pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'État. Mais le bouclier fiscal ne concerne pas les Français dans leur ensemble : sur une population de plus de soixante millions d'habitants, si cette mesure concerne 15 000 de nos concitoyens, c'est le bout du monde. Il s'agit tout de même de savoir si, dans cet hémicycle, nous prenons des dispositions relatives à l'intérêt général ou à celui de certains. Pour ce qui nous concerne, nous estimons que notre mission à tous, quels que soient les bancs où l'on siège, est de travailler pour l'intérêt général.

En outre, le bouclier fiscal tel que vous le défendez va bien plus loin que ce que vous prétendez être un principe de justice fiscale – principe que je vous laisse d'ailleurs car ce n'est pas le mien. Je vous ai rappelé des chiffres que, manifestement, vous n'aviez pas retenus – vous les connaissiez pourtant puisqu'ils proviennent d'un document que vous avez vous-même transmis au président de la commission des finances. Ces chiffres ne permettent pas de conclure dans votre sens. En effet, l'impôt sur le revenu pris en compte pour calculer le bouclier fiscal n'est pas l'impôt que ses bénéficiaires auraient payé si leur revenu n'avait pas au préalable été diminué par l'imputation de différents déficits, au titre des niches fiscales. C'est un pseudo revenu que vous prenez en compte, et non pas le vrai qui, lui, pourrait peut-être justifier votre adage selon lequel on ne doit pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'État.

À ce compte-là, et dès lors que vous refusez de corriger les malfaçons du bouclier fiscal, ses 15 000 bénéficiaires non seulement ne travaillent pas un jour sur deux pour l'État, mais même pas un jour sur cinq ou un jour sur dix ! C'est beaucoup moins ! Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, qu'un revenu éligible à l'impôt sur le revenu pour un montant inférieur à 4 000 euros puisse concerner des Français dont le patrimoine est supérieur à 15 millions d'euros ? Ce fait signifie bien que ce n'est pas le revenu réel qui est pris en compte pour calculer le bouclier fiscal, mais le revenu fictif, celui que vous décidez de retenir : le revenu dont ont été déduits les différents déficits consécutifs à des investissements outre-mer, ou au titre de la loi « Malraux », de loueur meublé professionnel, ou que sais-je encore ?

Outre le débat sur le principe même du bouclier fiscal que nous souhaitons ouvrir avec vous – car nous n'avons manifestement pas la même conception de la justice fiscale –, il faut aussi débattre des malfaçons techniques dont vous vous êtes rendus coupables en prenant comme référence un revenu fictif, celui qui est calculé après imputation des déficits que j'ai évoqués. Contrairement à ce que vous dites, les Français que vous voulez faire bénéficier du principe de justice fiscal qui vous est propre, non seulement ne travaillent pas un jour sur deux pour l'État, mais c'est encore bien beau s'ils travaillent un jour par mois pour lui. Je ne vois pas comment justifier que des salariés modestes travaillent un jour sur trois ou sur quatre pour l'État, quand ceux qui sont les moins à plaindre se contentent de le faire un jour par mois. Il faut donc faire un choix politique clair en ce qui concerne le bouclier fiscal. Mais il s'agit aussi d'un choix technique, et vous devriez éclairer la représentation nationale quant aux modalités de mise en oeuvre d'un dispositif qui souffre de malfaçons qui en renforcent la profonde injustice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(Les amendements identiques, nos 125 et 150 , ne sont pas adoptés.)

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