Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Marc Laffineur

Réunion du 12 juin 2008 à 9h30
Ressources propres des communautés européennes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Laffineur :

L'Europe a besoin de l'adhésion de tous les peuples européens à ce traité : la Finlande l'a fait hier, nous espérons sincèrement que l'Irlande le fera aujourd'hui.

En 2005, la France et les Pays-Bas avaient refusé le traité établissant une constitution pour l'Europe, mettant ainsi en berne les espoirs de relancer l'Union européenne comme un projet à la fois d'envergure et attractif. Comment faire jouer une équipe de vingt-sept dans une partie où les règles du jeu sont prévues pour douze joueurs ? L'Europe s'est alors trouvée enlisée dans une crise institutionnelle. Réunis à Madrid en janvier 2007, les États membres ayant ratifié le traité ont rappelé à la France, par son absence, sa position délicate.

Le nouveau traité sur l'Union européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre dernier, n'est pas seulement un accord de plus : c'est l'affirmation de la force et de l'engagement de chacun des États membres dans l'aventure européenne. On peut dorénavant espérer sortir de cette crise, et commencer davantage à penser concrètement le projet politique européen.

Souvenez-vous, mes chers collègues, en 1984, le Conseil européen s'était réuni à Fontainebleau, et Margaret Thatcher avait tapé du poing sur la table pour réclamer son argent. À l'époque, le rabais britannique se justifiait. Aujourd'hui, non seulement il ne bénéficie plus de la même légitimité, mais, en plus, il a engendré un système de financement de l'Union d'une grande complexité, reposant sur des cotisations nationales et sur une multiplication des « chèques ».

Nous sommes donc face à une crise budgétaire à considérer très sérieusement puisqu'en dépend la viabilité du fonctionnement de l'Union. Il s'agit là une étape cruciale du développement de l'Union, sur laquelle nous sommes amenés à débattre aujourd'hui. Tous les parlements européens s'accordent à dire que le système de financement actuel ne procure pas suffisamment de crédits à l'Union pour l'ensemble de ses politiques, et dénoncent la tendance de certains pays à exiger de ne financer que les politiques dans lesquelles ils trouvent un intérêt.

Tout le paradoxe de l'Europe est là : d'un côté, avec la signature du Traité de Lisbonne, les vingt-sept États membres concluent un accord historique affichant la bonne entente entre eux, et démontrent les concessions qu'ils sont prêts à faire pour la réalisation d'une Union qui ne ressemble pas à un grand espace de libre-échange mais qui soit un projet politique ambitieux ; de l'autre côté, ces vingt-sept mêmes États agitent ostensiblement leur égoïsme quand il est question de budget. Si l'Europe veut être cohérente, il est donc urgent qu'elle réforme son budget, afin de dissiper cette attitude anti-communautaire qui contraste avec la nouvelle ambition politique européenne. Le temps est venu pour l'Europe d'être aussi ambitieuse que les États qui la supportent et qui espèrent un juste retour de cette ambition.

À l'origine, le budget communautaire était financé par de véritables ressources propres dites « traditionnelles » : des droits de douane, des cotisations sucres et des prélèvements agricoles, qui correspondaient exactement aux exigences du Traité de Rome mais se sont très rapidement révélées insuffisantes. Aussi, à partir des années 1980, ces ressources ont-elles été complétées par d'autres ressources qui prennent la forme de cotisations nationales, votées par les parlements nationaux et dont le montant dépend en partie du PIB de chacun des États. Le système est devenu de plus en plus opaque, inéquitable et déséquilibré.

Comme je le rappelle dans mon rapport d'information sur le budget de l'Union européenne pour 2008, le Parlement européen s'est prononcé, le 29 mars 2007, en faveur d'une réforme en deux étapes du volet « recettes » du budget, avec pour ambition de créer, à partir de 2014, une véritable ressource propre pour l'Union.

Dans sa résolution, le Parlement critique les lacunes du système actuel, dans lequel environ 70 % des recettes de l'Union ne proviennent pas de ressources propres, mais sont puisées directement dans les budgets nationaux au moyen d'une ressource assise sur le revenu national brut, et 15 % proviennent d'une ressource liée à la TVA.

Il est admis que la ressource « revenu national brut », peu visible pour les citoyens, a cependant l'avantage d'être plus équitable, dans la mesure où elle lie les contributions nationales au niveau de prospérité relatif des États. Mais ce sont ces cotisations nationales qui alimentent le débat récurrent sur les soldes nets et le concept de « juste retour ». En définitive, comme l'indique le rapport, le système actuel est « injuste à l'égard des citoyens, antidémocratique et ne contribue pas à la visibilité de l'engagement en faveur de l'intégration européenne », car « excessivement complexe, il manque de transparence et est totalement incompréhensible pour les citoyens européens. »

Aussi, la première des réformes doit être celle du réaménagement du système des ressources propres du budget de l'Union européenne, avec au premier rang la réforme du mode de calcul de la « correction » britannique. En effet, il est essentiel que la contribution de chacun se fasse de manière plus équitable ; c'est ce que nous propose ce projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil dite « ressources propres ».

En 1984, il a été institué un mécanisme de correction pour « tout État membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité. » Depuis cette date, le Royaume-Uni bénéficie de ce dispositif, puisqu'il était le contributeur net le moins riche de l'Union et bénéficiait de très peu de retours au titre de la politique agricole commune qui constituait le principal poste budgétaire communautaire.

En conséquence, depuis vingt-cinq ans, ce sont les autres États membres qui se répartissent la charge du chèque britannique, au prorata de leur part dans le revenu national brut total de l'Union. En 2008, la France a été le premier contributeur de ce rabais, avec 1,5 milliard d'euros, soit 26 % de son montant total, alors même que le Royaume-Uni jouit d'un produit national brut par habitant qui le classe parmi les États les plus prospères de l'Union, et que la part des dépenses de la PAC a considérablement diminué.

Le constat est là : si le chèque britannique était légitime en 1984, il ne l'est plus aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle la décision du Conseil prévoit qu'à compter de 2009, cette correction sera ajustée par l'exclusion progressive des dépenses d'élargissement effectuées dans les États membres qui ont adhéré après le 30 avril 2004, sauf dépenses agricoles de marché. Toutefois, cet ajustement ne pourra pas conduire à une augmentation de la contribution britannique de plus de 10,5 milliards d'euros sur la période 2007-2013.

Certes, des effets positifs sont attendus pour la France : des gains substantiels pour les exercices 2010 et 2011 et une baisse relative de notre contribution. Cependant, ce n'est pas ce modeste retour qui nous importe dans cette réforme, mais la restauration d'un projet commun ambitieux dans lequel chacun s'investit pleinement. Il est indispensable de dissiper les égoïsmes nationaux si nous voulons mener à bien la réforme du budget communautaire. L'aménagement dont nous discutons aujourd'hui n'en constitue que la première pierre, avec l'uniformisation du taux d'appel de la TVA à 0,30 % et l'octroi de compensation en recettes aux pays fortement contributeurs.

La seconde étape de la révision du mécanisme des ressources devrait commencer en 2014, avec l'introduction de nouvelles ressources propres pour remplacer progressivement les contributions nationales. Sur ce point, il me semble essentiel de ne pas ménager les ambiguïtés et, par conséquent, de pousser la réflexion sur la réforme budgétaire jusqu'à la possibilité de créer un impôt européen. Comme je l'ai fait en 2004 dans mon rapport sur les perspectives financières européennes 2007-2013, il faut d'emblée préciser qu'il ne s'agirait évidemment pas de créer un nouvel impôt, mais d'affecter une partie de l'impôt existant au budget communautaire.

Plusieurs solutions ont été évoquées. Les voies techniquement, politiquement et financièrement acceptables et possibles, ne sont cependant pas très nombreuses. Les deux voies les plus couramment proposées sont la TVA ou l'impôt sur les sociétés.

L'impôt sur les sociétés me paraît cependant préférable pour trois raisons. Tout d'abord, parce que les entreprises ont été les principales bénéficiaires du marché unique, des économies d'échelle, de la liberté des échanges et des capitaux. Ensuite, parce que la difficulté de communication serait moindre. Enfin et surtout, parce que la concurrence fiscale est devenue une entrave sérieuse à la construction européenne.

Si cet impôt devait voir le jour, monsieur le secrétaire d'État, ce ne serait pas avant 2014. Il me semble donc bon de rappeler qu'il avait fallu sept années pour harmoniser les assiettes de la TVA. Par conséquent, il serait bénéfique de mettre à profit le temps qui nous reste, afin d'engager ce travail d'harmonisation des assiettes pour l'impôt sur les sociétés, puisque c'est le principal obstacle. Cet impôt pourrait remplacer progressivement les contributions nationales.

Chers collègues, je vous invite bien sûr à approuver unanimement cette décision du Conseil du 7 juin 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion