Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Réunion du 12 juin 2008 à 9h30
Ressources propres des communautés européennes — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères et européennes, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, alors qu'une partie délicate se joue aujourd'hui en Irlande, comme vous le savez, vous êtes appelés à autoriser la ratification de la décision du Conseil de l'Union européenne du 7 juin 2007 relative au système des ressources propres des Communautés européennes.

Comme le décrit très bien l'excellent rapport de M. Blum, cet accord européen définit pour la période de 2007 à 2013 les conditions de financement du budget de l'Union européenne.

Je voudrais souligner la portée politique de cet accord, conclu à l'issue d'une négociation européenne difficile dans laquelle notre pays a obtenu des concessions importantes de ses partenaires, notamment du Royaume-Uni. Je souhaite également revenir brièvement sur la négociation de cet accord, avant de vous en rappeler les principales dispositions et de vous faire part de nos réflexions sur les prochaines échéances européennes en matière budgétaire.

La décision du Conseil sur le système de ressources propres de l'Union a été adoptée à Luxembourg le 7 juin 2007. Elle constitue le dernier élément de la mise en oeuvre du compromis politique sur le cadre financier pluriannuel auquel étaient parvenus les chefs d'État et de gouvernement en décembre 2005.

Cet accord repose sur trois éléments : un cadrage des dépenses pour la période 2007-2013, qui s'établit à 864,3 milliards d'euros ; un volet recettes, qui fait l'objet de la décision qui vous est soumise aujourd'hui, et une clause de réexamen par laquelle le Conseil européen a invité la Commission à entreprendre un « réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l'Union européenne, y compris la politique agricole commune, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni » et à faire rapport en 2008-2009. J'y reviendrai.

La décision de juin 2007 sur les ressources propres traduit les principes dégagés dans le volet recettes de l'accord de décembre 2005. Elle se substitue à celle que le Conseil avait adoptée le 29 septembre 2000 et dont vous avez autorisé la ratification en décembre 2001.

Pour une très grande part, la nouvelle décision confirme les grands principes formulés dans la décision de septembre 2000.

Le plafond des ressources propres reste ainsi fixé à 1,24 % du montant total du revenu national brut des États membres pour les crédits de paiement et à 1,31 % du montant total du revenu national brut des États membres pour les crédits d'engagement. Les frais de perception sur les ressources propres traditionnelles retenus par les États membres demeurent fixés à hauteur de 25 %, comme l'avait prévu la décision de 2000.

La nouvelle décision ne crée pas de nouvelle ressource propre, mais confirme un système qui repose aujourd'hui sur trois ressources principales : les ressources propres traditionnelles, qui se composent des droits agricoles et cotisations « sucre », d'une part, et des droits de douanes, d'autre part, et représentaient 13,9 % du total des recettes en 2006, la ressource propre fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée, qui représentait environ 16 % du total en 2006, et la ressource fondée sur le revenu national brut, instaurée en 1988, qui est devenue la première ressource du budget communautaire et représente 64,7 % du total en 2006, soit près des deux tiers du budget. Cette évolution de la structure des ressources est satisfaisante car elle permet de mieux prendre en compte la capacité contributive des États – plus en tout cas que ne l'autorisent les bases de calcul de la ressource TVA, qui avait été à l'origine des difficultés constatées à la fin des années 1970 et au début des années 1980, et corrigées à la fin des années 1990.

La nouvelle décision introduit plusieurs aménagements qui ont été au coeur de l'accord politique trouvé par les chefs d'État et de gouvernement. En premier lieu, le taux d'appel sur l'assiette TVA est réduit à 0,30 %, ce qui implique une part décroissante de la ressource TVA dans l'ensemble des ressources propres. En deuxième lieu, la décision accorde parallèlement des réductions spécifiques de ce taux d'appel TVA pour certains partenaires : le taux d'appel est ainsi de 0,15 % pour l'Allemagne, de 0,10 % pour les Pays-Bas et la Suède et de 0,225 % pour l'Autriche. Enfin, la décision introduit des rabais forfaitaires annuels sur la contribution fondée sur le revenu national pour les Pays-Bas et la Suède, d'un montant de 605 millions d'euros et 105 millions d'euros respectivement.

Le Conseil a ainsi reconduit les concessions financières obtenues en 1999 par les États membres dont la contribution nette au budget européen est la plus forte. Aux termes de la décision, ces réductions de contribution ne valent cependant que pour la période de 2007 à 2013 et feront donc l'objet d'un réexamen à l'issue de cette période.

L'élément central de la nouvelle décision concerne la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984.

Ainsi que vous le savez, la correction britannique, instaurée par le Conseil européen de Fontainebleau en 1984, consiste à déduire des ressources propres versées annuellement par le Royaume-Uni à l'Union européenne un montant correspondant aux deux tiers de l'écart constaté entre la contribution britannique de l'année précédente et les dépenses de l'Union au profit du Royaume-Uni.

La nouvelle décision revient sur les conditions de calcul de ce rabais qui n'avait plus de justification et, surtout, le réduit sensiblement. C'était là un objectif de négociation important pour la France et plusieurs autres partenaires européens. Nous avons ainsi obtenu que soient progressivement exclues du calcul les dépenses liées à l'élargissement, hors les dépenses agricoles dites de marché et la part des dépenses de développement rural financée par le Fond européen d'orientation des garanties agricoles, le FEOGA. Au total, le montant de la réduction du rabais est plafonné à 10,5 milliards d'euros sur la période et perdurera après 2013.

Cette réduction, alors que la France assure aujourd'hui près du tiers – 27 % exactement – du financement du « chèque britannique », est un grand motif de satisfaction. Je rappelle en effet qu'en 2006, le montant de la correction britannique s'est élevé à 5,22 milliards d'euros, sur lesquels la part de la France représentait 1,42 milliard d'euros.

Cette part très importante du chèque britannique prise en charge par notre pays est la conséquence mécanique du maintien des dispositions introduites en 1999 pour réduire les contributions de l'Allemagne, de l'Autriche, des Pays-Bas et de la Suède.

Sous réserve de l'accomplissement des procédures nationales de ratification de cette nouvelle décision, celle-ci entrera en vigueur le 1er janvier 2009, avec un effet rétroactif à la date du 1er janvier 2007, qui correspond au début du cadre financier actuel, qui couvre la période de 2007 à 2013.

En pratique, les contributions nationales appelées au titre de 2009 seront, selon les cas, majorées ou minorées des effets de la nouvelle décision au titre des années 2007 et 2008. Cet effet rétroactif n'est pas nouveau, car la décision de septembre 2000 était déjà entrée en vigueur en mars 2002 avec un effet rétroactif au 1er janvier 2000.

Voilà pour la description du contenu de cette décision. J'évoquerai maintenant les prochaines échéances politiques européennes en matière budgétaire.

Si l'accord sur les ressources propres soumis à ratification contient des avancées importantes pour notre pays par rapport au précédent accord de 1999, il demeure insatisfaisant, à deux titres. D'une part, en effet, il reste, comme vous l'aurez remarqué, très complexe. D'autre part, il fait subsister des mécanismes de correction des contributions nationales qui sont contraires à l'esprit de solidarité européenne.

L'engagement du débat européen sur la révision des perspectives financières et la revue des politiques communes offre l'opportunité d'ouvrir la discussion européenne sur l'adaptation de ce système de ressources propres.

Comme vous le savez, la Commission a formellement engagé l'exercice de réexamen en adoptant le 12 septembre dernier une communication intitulée Réformer le budget, changer l'Europe. Ce document est depuis lors soumis à une consultation publique qui s'achèvera le 15 juin prochain.

Les autorités françaises ont transmis le 22 mai dernier une contribution à cette consultation. La clause de réexamen du cadre financier pluriannuel doit selon nous permettre d'analyser les défis que l'Union européenne est appelée à relever et les moyens d'y parvenir, de fixer ainsi des principes généraux pour l'évolution des politiques de l'Union et leur financement après 2013. Pour la France, il est essentiel, conformément à la formulation même de la clause de réexamen, de respecter pleinement un juste équilibre dans le traitement des aspects relatifs aux dépenses et aux recettes.

Sur la base des orientations qui se seront dégagées de la consultation, la Commission devra ensuite présenter ses orientations pour l'avenir, sous la forme d'un Livre blanc, dont la date d'adoption n'est pas encore connue. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que l'échéance de 2008-2009 est mentionnée dans la clause de révision.

Il ne s'agira pas pour la Commission de présenter une proposition complète de révision des perspectives financières, mais de proposer des orientations sur l'avenir des politiques communes et sur leur financement. Les propositions législatives pour le paquet financier d'après le 13 décembre seront soumises ultérieurement par la nouvelle commission investie en 2009. En effet, l'accord interinstitutionnel invite la Commission à présenter avant le 1er juillet 2011 ses propositions pour le prochain cadre financier.

Nous sommes en effet dans un contexte politique qui sera rythmé, en juin 2009, par le renouvellement du Parlement européen, et, entre juin et novembre 2009, par le renouvellement de la Commission européenne. La présidence française, qui s'exercera à compter du 1er juillet, sera principalement marquée par la tenue d'une conférence politique de conclusion de la consultation publique qui devrait se tenir à l'automne – à l'initiative de la Commission. Je souhaite que la représentation nationale soit pleinement associée à cet exercice important.

Notre présidence ne sera probablement pas en mesure d'aller au-delà de cet exercice. Comme vous le savez, ni la Commission ni le Parlement européen n'ont la volonté d'ouvrir une telle discussion à quelques mois des élections de juin 2009. Nous serons néanmoins « en initiative » sur le dossier agricole. Conformément au souhait du Président de la République, la présidence française proposera à nos partenaires européens d'ouvrir une discussion sur l'avenir de la politique agricole commune au-delà de 2013. Notre ambition n'est pas d'ouvrir une discussion budgétaire portant sur les montants des dépenses agricoles, mais de forger un nouveau consensus européen sur les grands objectifs et sur les instruments d'une politique agricole commune renouvelée, dans un contexte de déséquilibre mondial entre demande et offre alimentaire, et de crise alimentaire dans un certain nombre de pays, notamment africains.

Au-delà de la présidence française, le débat qui s'ouvrira en 2009-2010 sur la base du Livre blanc que présentera la Commission sera aussi pour notre pays une échéance importante ; nous devons nous y préparer. Notre contribution à la consultation de la Commission esquisse certaines pistes et fixe certains principes. Quels défis pour l'Union européenne ? Comment les relever afin de fixer des principes généraux pour l'évolution des politiques de l'Union et leur financement après 2013 ? Autant de questions auxquelles nous devrons réfléchir dès la présidence française pour trouver ensemble des réponses. Là aussi, la contribution de votre assemblée sera essentielle dans ce débat.

S'agissant des ressources de l'Union, il s'agira d'abord de mener à son terme le mouvement de remise en cause des corrections financières que nous avons engagé. Ces rabais, notamment le chèque britannique, ne sont en effet plus justifiés par les réalités économiques actuelles. Mais, au-delà, il s'agira d'un rendez-vous très important pour notre pays, compte tenu, d'une part, des enjeux financiers considérables pour nos finances publiques – enjeux qui vont croissant : comme vous le savez, la France sera en 2013, à égalité avec l'Allemagne, la principale contributrice nette de l'Union européenne –, et, d'autre part, de la nécessaire adaptation des politiques européennes aux défis d'avenir. Nous avons donc un équilibre délicat à trouver dans les prochaines années.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, les principales observations qu'appelle le projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion