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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 30 avril 2009 à 15h00
Hauts revenus et solidarité — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Madame la ministre, en réponse aux intervenants dans la discussion générale, vous avez finalement confirmé ce que beaucoup supposaient : le débat sur le bouclier fiscal est, en réalité, celui de l'impôt sur la fortune.

La difficulté pour nous de débattre sereinement – ce qui ne signifie pas que nous ne nous opposerions pas – c'est que vous n'assumez pas votre souhait réel qui serait de supprimer l'impôt sur la fortune. Au demeurant, à l'été 2007, vous aviez l'opportunité et les moyens de supprimer cet impôt, mais vous n'avez pas osé. Faute de courage politique, vous avez contourné le problème. Vous avez, à cet effet, créé le bouclier fiscal avec tous les inconvénients de cette disposition sans aucun des supposés avantages – il peut y en avoir – de la suppression de l'impôt sur la fortune.

Nous ne parvenons pas à débattre, non que vous quittiez l'hémicycle – et tiens à vous remercier de votre présence tout comme je remercie nos collègues de l'UMP d'être là eux aussi – mais vous fuyez le débat en défendant le bouclier fiscal avec des arguments qui, en réalité, ne tiennent pas. Ceux-ci seraient, le cas échéant, recevables pour la suppression de l'ISF, mais ne le sont pas quand il s'agit de défendre le bouclier fiscal.

Vous citez des exemples étrangers. Il est vrai que l'Espagne avait instauré un bouclier fiscal qui est devenu inutile le jour de la suppression de l'impôt sur la fortune dans ce pays. Nous avions fait la même chose. Lors de la création de l'ISF, en 1986, la cotisation de l'impôt sur le revenu et de l'ISF a été plafonnée à 70 % puis à 80 % des revenus fiscaux de référence de l'année. Le déséquilibre fiscal relatif à l'ISF n'est d'ailleurs pas né le jour de sa création, mais en 1995, quand, à l'initiative d'Alain Juppé, la majorité de l'époque a « plafonné » ce plafonnement. Ce n'est pas en créant le bouclier fiscal que vous parviendrez à remédier à cet éventuel déséquilibre. Les exemples étrangers sont donc intéressants sauf qu'ils n'ont strictement rien à voir avec le bouclier fiscal. Citer l'Allemagne, madame la ministre, est d'autant moins acceptable que le président de la commission des finances lui-même vous a démontré que ce principe était loin d'être constitutionnel dans ce pays. En effet, un contribuable imposé à 57 % ayant fait un recours devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe s'est fait débouter et a donc été contraint d'acquitter des impôts à hauteur de 57 % de son revenu de référence de l'année. Cela prouve bien que, contrairement à vos affirmations, ce bouclier de 50 % n'a rigoureusement rien d'un principe constitutionnel en Allemagne.

Vous expliquez ensuite que le bouclier fiscal est défendable dans la mesure où les contribuables modestes en bénéficient. Ce n'est pas sérieux. En effet, la stricte honnêteté intellectuelle commande de préciser que, s'il est exact que les deux tiers de ceux qui actionnent le bouclier ont des revenus modestes, ils le font pour un total de moins de 5 millions d'euros quand le coût du bouclier pour le pays s'élève à 460 millions d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La vérité, madame la ministre, c'est que le bouclier fiscal a été créé pour un millier de contribuables, peut-être un peu plus, probablement moins, lesquels se font restituer aujourd'hui des sommes objectivement indécentes. Ainsi, 100 contribuables se font restituer 150 millions d'euros, contre 330 millions d'euros pour 800 contribuables. Ce n'est pas acceptable, madame la ministre. C'est parce que vous fuyez le débat sur l'ISF que vous êtes amenée à défendre une situation en réalité totalement indéfendable.

Peinant à démontrer que votre politique est juste par les exemples étrangers, peinant à démontrer qu'elle est juste au motif que tous seraient concernés, vous essayez de nous expliquer que la justice fiscale naîtra du plafonnement des niches. Comme votre collègue Éric Woerth, vous faites ici preuve d'approximation dans la recherche en paternité des niches fiscales. Madame la ministre, depuis 2003, c'est vous et vos amis qui avez créé plus d'une centaine de niches supplémentaires. En 2002, la dépense fiscale, au titre des niches fiscales, était de 50 milliards d'euros, elle atteint désormais 73 milliards d'euros. Cette augmentation de 50 %, c'est à vous et à vos amis que nous la devons ! La moindre des choses était effectivement de plafonner, à ceci près que le plafonnement permet une économie, s'agissant de la dépense fiscale, de 600 millions d'euros à comparer tout de même aux 23 milliards d'euros de dépenses supplémentaires annuels que vous avez consentis. Si c'est cela la justice fiscale, madame la ministre, alors nous n'en avons manifestement pas la même conception !

Un des derniers arguments revient à prouver que le bouclier fiscal évite tout prélèvement confiscatoire. Mais le président de la commission des finances l'a très bien expliqué, cela n'est rigoureusement inscrit dans aucun texte et dans aucune tradition. Dans les pays démocratiques où le parlement a toute légitimité pour lever l'impôt, les contribuables contribuent à raison de leurs moyens et non pas à raison de la moitié de leurs moyens. Telle est la vérité ! La progressivité de l'impôt sur le revenu a été sévèrement attaquée à des périodes politiquement diverses. C'est à cela que nous devons nous attacher, mes chers collègues.

Vous connaissez la solution, madame la ministre, mais je ne crois pas que ni vous ni d'autres, qui siègent sur ces bancs et que je sais intéressés par cette question, la mettrez en oeuvre. L'État, par les temps qui courent, ne peut se permettre de se passer de 5 milliards de recettes. La solution, si vous aviez le courage politique de supprimer l'impôt sur la fortune, ce que je ne crois pas, serait alors d'augmenter la tranche marginale de l'impôt sur le revenu de probablement sept à dix points. L'opération serait neutre pour les recettes de l'État, mais il y aurait alors un transfert de charges entre les plus fortunés de nos concitoyens et ce que l'on appelle la classe moyenne moyenne ou moyenne supérieure. Mais cela, madame la ministre, vous n'aurez jamais le courage de le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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