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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 30 juin 2009 à 15h00
Rémunération des salariés concernés par une procédure de reclassement — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Jeudi dernier, lors de l'examen en séance publique de la proposition de loi du Nouveau Centre, nous avons réussi à dépasser nos clivages pour dénoncer les offres abusives de reclassement à l'étranger, dans des pays où la main d'oeuvre ne coûte pas cher, pour des salaires indécents, près de vingt fois inférieurs au Smic.

Face au tollé soulevé par l'entreprise Carreman de Castres qui proposait à ses salariés déjà fragilisés par un licenciement économique un reclassement en Inde pour un salaire mensuel de 69 euros, la patronne du Medef elle-même s'était émue de tels comportements, sans pour autant montrer du doigt le système qui les générait.

Des patrons voyous il fut rarement question et c'est regrettable. En revanche, l'accent fut mis sur l'absurdité de la loi qui, à trop vouloir embrasser étreindrait mal, son respect scrupuleux finissant par précariser la situation professionnelle et personnelle des salariés, rien que cela.

La Cour d'appel de Reims et non la Cour de Cassation a récemment condamné la société Olympia pour n' avoir pas envisagé le reclassement de ses salariés sur des postes en Roumanie pour 110 euros mensuels. Une telle décision témoigne de la faiblesse de la législation actuelle. Il est cependant regrettable que toute la construction jurisprudentielle autour de l'obligation de reclassement en ressorte fragilisée, certains jugeant cette obligation de moyen trop renforcée, l'employeur étant contraint de proposer une alternative au licenciement pour valider le licenciement économique.

Si nous avons presque unanimement souhaité que soit inscrit dans la loi le principe selon lequel le reclassement du salarié doit s'effectuer sur un emploi assorti d'une rémunération équivalente, des voix discordantes se sont fait entendre en commission et jusque dans cet hémicycle pour douter de l'opportunité de légaliser la pratique dite du questionnaire préalable, qui impose à l'employeur de demander au salarié s'il accepte de recevoir des propositions de reclassement à l'étranger et sous quelles conditions salariales. Cette mesure, censée renforcer le droit et la protection des salariés, n'aurait-elle pas l'effet inverse ?

Le législateur doit se poser cette question.

A mes craintes qu'en inscrivant dans notre droit des dispositions spécifiques consacrées au reclassement à l'étranger nous n'amenuisions la portée de l'obligation de reclassement à la charge de l'employeur, que le droit au reclassement ne soit réduit au droit du reclassement, vous n'avez pu répondre.

Vous n'avez pas davantage pu répondre aux interrogations d'un de vos collègues de la majorité quant à la forme de ce questionnaire, à sa valeur juridique, aux risques de contentieux supplémentaires qu'il peut faire naître.

Parce que le doute entoure encore la portée réelle de cette mesure, dont nous ne savons pas si elle aura ou non des effets pervers, le groupe GDR ne pourra pas voter cette proposition.

Nous le regrettons d'autant plus qu'en cette période de destruction massive d'emploi, de présentation en cascade de plans sociaux de grande ampleur, les salariés ont plus que jamais besoin d'être protégés.

80% des licenciements économiques ont lieu actuellement hors de tout plan social. Pour un même bassin d'emploi, les disparités sont énormes entre les salariés des grosses entreprises et ceux, majoritaires, des TPEPME : indemnités supralégales compensant le préjudice injustement subi pour les uns, minimum légal pour les autres, accès à la CTP et aux dispositifs d'aide au reclassement pour certains, passage direct à Pôle emploi pour d'autres...

Mais ne soyons pas dupes d'une proposition qui permet un petit pas fragile car elle restera lettre morte tant que le gouvernement et sa majorité ne s'engageront pas résolument dans la lutte contre le dumping social en harmonisant par le haut les législations du travail et en soutenant l'idée d'un Smic européen.

Or, nous savons ce qu'il en est. Nous connaissons sa frilosité quand il s'agit de stopper les licenciements dans les entreprises qui délocalisent alors qu'elles réalisent des profits et distribuent des dividendes. Et que dire de l'attentisme coupable dont il a fait preuve pour rendre les salariés un peu moins inégaux face aux licenciements économiques !

Pour toutes ces raisons le groupe GDR s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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