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Intervention de Alfred Marie-Jeanne

Réunion du 17 juillet 2007 à 15h00
Lutte contre la récidive — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Marie-Jeanne :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs reprend, en fait, le principe des peines plancher. En effet, ce dispositif existait déjà dans l'ancien code pénal. Ce n'est donc ni une nouveauté, ni une innovation, encore moins une trouvaille miraculeuse. Cependant, le nouveau code pénal, en vigueur depuis le 1er mars 1994, l'a purement et simplement supprimé, faute de résultats probants. Revenir aujourd'hui aux peines plancher apparaît donc plutôt comme un recul et comme une régression. Cela me fait tristement penser au système pénal existant dans certains États américains, où, à la troisième infraction, le prévenu est automatiquement, et sans appréciation aucune des faits qui lui sont reprochés, incarcéré à vie.

La résurrection de la peine plancher me laisse d'autant plus dubitatif que le tout-répression n'a jamais permis de faire reculer la délinquance. Ainsi que cela été prouvé, une vision essentiellement punitive de l'incarcération et des conditions inhumaines de détention sont des ferments objectifs favorisant la récidive. La situation est d'ailleurs telle dans la totalité des établissements pénitentiaires, qui ont un taux de remplissage dépassant largement les 100 %, que les nouveaux condamnés sont laissés en liberté, gonflant ainsi également le lit de la récidive.

Y compris en Martinique, les prisons sont bondées, les détenus sont entassés, la promiscuité fait des ravages. La loi portant obligation de l'emprisonnement cellulaire n'est donc pas appliquée. Le fossé entre les mesures arrêtées et la réalité s'est fortement agrandi. De ce fait, dans un espace aussi confiné, il est impossible de consacrer du temps à la réhabilitation de l'homme prisonnier.

Face à ce constat accablant, le durcissement préconisé me semble inopportun, inadapté et hors du temps. C'est vrai qu'il y aura toujours des criminels dangereux, mais tous les condamnés ne sont pas des criminels dangereux.

N'oublions pas que la privation de liberté poursuit deux objectifs à la fois : punir le coupable, certes, mais aussi l'éduquer pour l'aider à s'en sortir. Ce second objectif a été abandonné. Le primat de la force l'emporte sur le fond.

Votre projet de loi, madame la ministre, présente d'autres inconvénients.

Premièrement, il restreint, curieusement, les pouvoirs d'appréciation du magistrat et menace le principe d'individualisation de la peine, socle du droit pénal. En effet, le juge doit, pour sanctionner, tenir compte des faits reprochés à l'individu, mais également des éléments de sa personnalité. C'est là un principe à valeur constitutionnelle issu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des textes internationaux qui affirment la stricte nécessité de la proportionnalité des peines, ce qui implique ni systématisation ni automaticité de la sanction.

Deuxièmement, le texte restreint, par contrecoup, le rôle de l'avocat, puisque la peine plancher revêt un caractère obligatoire.

Troisièmement, il n'est pas efficace en matière de prévention de la récidive puisque le caractère dissuasif des peines planchers n'est pas démontré.

Pour écarter le recours systématique à l'emprisonnement, mieux vaudrait renforcer les moyens alternatifs, comme le travail d'intérêt général et l'accompagnement en milieu ouvert.

Le projet de loi fait de l'enfermement l'unique réponse pénale en matière de récidive au lieu de privilégier la prévention et le soutien éducatif. Or la prison, dans son mode de fonctionnement actuel, est criminogène.

Le texte risque donc d'aggraver la situation en créant des injustices supplémentaires, en augmentant encore la surpopulation carcérale et en érodant le pouvoir d'appréciation des magistrats, transformés en de véritables automates.

Et nos inquiétudes auraient de quoi être encore renforcées si, dans le même temps, n'était menée, en Martinique en particulier, une lutte efficace contre les trafics illicites d'armes et de stupéfiants pour combattre la culture ambiante de la violence qui gangrène jusqu'aux plus jeunes.

Réformer, en matière pénale, est chose difficile et parfois risquée, j'en conviens volontiers. Il est pourtant des écueils à éviter.

Madame la ministre, en faisant délibérément le choix de renforcer l'arsenal du code pénal, vous faites le pari contestable et périlleux d'une répression excessive, porteuse d'escalades, et vous prenez le parti de ceux qui pensent que « nos têtes sont plus dures que les murs des prisons », alors qu'il conviendrait de réformer valablement, durablement et humainement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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