Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Manuel Valls

Réunion du 17 juillet 2007 à 15h00
Lutte contre la récidive — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Valls :

…le projet de loi comporte plusieurs dispositions qui devraient, en principe, encourir la sanction du Conseil constitutionnel. Si elles ne sont pas aussi nombreuses que certains l'affirment, leur constitutionnalité n'en demeure pas moins très douteuse.

Avant la présentation du projet de loi devant le Conseil des ministres, la chancellerie a pris soin d'éviter les motifs d'inconstitutionnalité les plus criants. L'article 3 est ainsi libellé avec suffisamment d'habileté pour éviter les foudres du Conseil constitutionnel. Si, dans son esprit, cette disposition remet bel et bien en cause la spécificité de la justice des mineurs, dans sa lettre, elle a la prudence de la respecter.

Ces précautions juridiques suffiront sans doute au juge constitutionnel, mais elles n'ont nullement convaincu Dominique Versini, défenseure des enfants, qui, dans une déclaration publique datée du 27 juin, s'est inquiétée que le « projet de loi renforce la répression de la récidive pour les mineurs, par parallélisme au droit des majeurs, sans réellement tenir compte de la spécificité de la justice des mineurs. » Relayant cette inquiétude, nous défendrons un amendement de suppression de l'article 3.

Lors de l'examen du projet de loi au Sénat, plusieurs amendements susceptibles de purger le texte de ces motifs d'inconstitutionnalité ont d'ailleurs été adoptés. Aussi le groupe socialiste espère-t-il que les députés auront la sagesse de rejeter l'amendement de suppression de l'article 2 bis adopté par notre commission des lois. En effet, l'absence d'enquête sociale rendrait de facto virtuelle la capacité laissée aux magistrats de déroger à la peine minimale en cas de nouvelle récidive. Dès lors, elle porterait gravement atteinte au principe de l'individualisation des peines. Contrairement aux affirmations de la chancellerie, il serait faux de croire que l'« on peut considérer que la personnalité est en quelque sorte intégrée à la répétition de l'infraction elle-même ». Le sénateur Zocchetto écrit en effet dans son rapport que ses « interlocuteurs ont observé que [...] le juge ne disposait pas toujours des éléments d'information nécessaires sur la personnalité du prévenu. »

Le principe de l'individualisation des peines est également gravement remis en cause par les conditions très restrictives que posent les articles 1er et 2 à la dérogation aux « peines plancher » en cas de deuxième récidive. De l'avis unanime des magistrats, « les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion » seront impossibles à réunir s'agissant des délinquants multirécidivistes. La commission d'analyse et de suivi de la récidive estime ainsi, dans son rapport, que ces conditions « restreindront considérablement la liberté d'appréciation du juge ». Dans les faits, ces dispositions reviennent donc à instaurer des peines automatiques, celles-là mêmes qui portent une atteinte fatale à l'individualisation des peines et contre lesquelles s'étaient élevés MM. Clément et Geoffroy lorsqu'ils se sont opposés aux propositions de M. Christian Estrosi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion