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Intervention de Rachida Dati

Réunion du 17 juillet 2007 à 15h00
Lutte contre la récidive — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après déclaration d'urgence

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, c'est un immense honneur pour moi de me trouver aujourd'hui devant l'Assemblée nationale pour présenter, au nom du Gouvernement, le projet de loi relatif à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Un honneur de m'exprimer pour la première fois à cette tribune, car vous êtes l'expression du suffrage universel, vous êtes l'émanation de la volonté populaire, vous en êtes les garants et les dépositaires. Vous recueillez les sentiments et les réflexions de nos concitoyens, vous connaissez la somme de leurs aspirations et vous en déduisez l'intérêt général. Vous faites la loi au nom du peuple français, avec lui et pour lui.

C'est pourquoi je sais qu'à travers vous, c'est presque directement aux Françaises et aux Français que je m'adresse. Et à travers vous, je veux leur dire, je veux dire à chacune et à chacun d'entre eux que je comprends leurs interrogations, leurs attentes, parfois leur détresse face à la justice, face à notre justice, face à une justice dont ils ont trop souvent le sentiment qu'elle a cessé d'être la leur.

Vous qui êtes au contact permanent de nos concitoyens, vous le savez, les Français sont inquiets et parfois exaspérés. Ils le sont lorsqu'ils ne comprennent plus la justice, lorsqu'elle leur apparaît trop lente ou inefficace pour prévenir les délits et les crimes, ou impuissante à les sanctionner.

Cela peut être injuste pour les femmes et les hommes qui servent la justice, qui ont fait ce choix de service public et l'assument le plus souvent avec abnégation, courage, talent et ingéniosité.

Je veux ici leur rendre hommage. Rendre hommage aux magistrats, mais aussi aux greffiers, aux avocats, à tous les auxiliaires de justice, aux personnels pénitentiaires, aux gendarmes, aux policiers, aux acteurs associatifs et surtout aux élus de terrain. Rendre hommage enfin à tous ceux qui jouent un rôle dans cette action capitale pour la défense et la protection du lien social.

Mais la réalité exprime un malaise.

On peut bien sûr prétendre qu'il n'en est rien. On peut refuser de voir cette réalité. Le Gouvernement a fait pour sa part le choix de la regarder en face. Il a fait ce choix de la transparence, parce que cette défiance repose sur des expériences vécues bien réelles, dont le poids accumulé transparaît dans les chiffres.

Face à cette souffrance humaine, face à ces traumatismes, ma mission est de faire en sorte que les Français retrouvent confiance en la justice. Ma mission, c'est de restaurer le lien qui unit le peuple français à sa justice. Ce lien qui, seul, donne leur légitimité aux acteurs de la chaîne judiciaire. Ma mission, c'est de remettre du sens là où il y a parfois de la confusion et du doute.

Mon devoir, et notre devoir commun, Gouvernement et Parlement, c'est d'assurer à tous une justice claire, une justice sereine, une justice efficace, une justice légitime dans son action comme dans ses décisions. Une justice, en un mot, qui fasse sens.

Et pour cela, l'honneur qui m'est fait de m'adresser aujourd'hui à vous, au nom du Gouvernement, est une vraie responsabilité. Mais c'est notre responsabilité.

La justice n'est pas un idéal abstrait. C'est un idéal concret, un idéal à visage humain, un idéal qui doit être capable de s'adapter aux évolutions du monde, parce que sa vérité n'est pas de tracer des contours immuables, mais de garantir, dans une société changeante, la pérennité de la paix sociale.

Cet idéal est précieux parce que sur lui repose la possibilité de vivre en commun. Mais c'est un idéal fragile. Un idéal aujourd'hui trop souvent meurtri. Un idéal dont nous devons relever le défi.

Cette ambition, ce devoir de restaurer la confiance entre les Français et la justice, nos concitoyens nous les ont en effet confiés avec insistance, à deux reprises : lors de l'élection présidentielle et lors des élections législatives. Les Français nous ont dit leur volonté de proximité, leur volonté de clarté, leur volonté d'efficacité. Ils nous ont dit leur volonté d'en finir avec les faux débats, les vieilles querelles et les solutions toutes faites, soufflées par des réflexes idéologiques dépassés.

Cette volonté qui s'est exprimée, c'est notre feuille de route. Elle est pour nous une ardente obligation. Obligation de moyens, mais aussi, je n'ai pas peur de le dire ici devant vous, obligation de résultat.

La réforme de la justice est un exemple emblématique de cette vision et de cette volonté. C'est aussi pour cela qu'elle est un symbole des engagements du Président de la République. Le Gouvernement mènera une politique pénale claire, qui comprendra et qui prendra en compte toutes ces attentes. Je veux pour notre pays une justice sereine, claire, compréhensible par tous et d'égal accès à tous. Le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter devant vous aujourd'hui en porte la marque, tout comme la portera la loi pénitentiaire qui sera présentée à l'automne. Je veux enfin pour notre pays une justice délivrée des débats stériles dans lesquels on a trop souvent cantonné les réflexions sur son avenir.

Mesdames et messieurs les députés, je refuse les faux débats : il n'y a pas à choisir entre une justice humaine et pas assez efficace, et une justice efficace qui devrait pour cela s'arranger avec les principes qui la fondent. Cette opposition est artificielle. Pour prévenir efficacement, la justice doit être efficacement répressive et efficacement dissuasive.

Opposer ces deux termes serait absurde. La garantie de la prévention, c'est une répression juste et digne, adaptée à la réalité de la délinquance et à son évolution. Sans cela, il n'y a pas de réelle prévention.

C'est pourquoi il est si important que nous soyons capables, ensemble, de donner à la justice les moyens et les outils de s'adapter aux changements de notre société et en particulier de répondre aux nouvelles formes de la délinquance.

Les juges ont à cet égard un grand mérite qu'il convient de saluer : celui d'anticiper ces évolutions avec les outils qu'ils ont aujourd'hui et qui sont parfois moins adaptés.

Notre responsabilité, c'est de ne pas les abandonner. C'est, au contraire, de leur permettre de restaurer leur autorité. Le texte que je vous présente s'inscrit dans cet objectif. Ce n'est pas un texte partisan : c'est un texte qu'attendent les Français parce qu'il s'attaque au coeur du sujet qui fonde leur inquiétude. Je veux parler du traitement de la récidive.

La récidive est une réalité, d'une ampleur et d'une gravité exceptionnelles. Entre 2002 et 2005, le nombre des condamnations en récidive pour les crimes et délits a augmenté de plus de 70 %. Dans le même temps, les condamnations en récidive pour les crimes et délits les plus violents ont augmenté de 153 %.

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