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Intervention de Henriette Martinez

Réunion du 28 avril 2009 à 21h45
Lutte contre l'inceste sur les mineurs — Après l'article 3, amendement 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenriette Martinez :

Cet amendement traite de deux sujets : l'obligation de signalement qui s'impose aux médecins, et la protection des médecins ayant fait un signalement.

Les médecins généralistes ou spécialistes – pédiatres, pédo-psychiatres, gynécologues – sont en première ligne pour constater les abus et les maltraitances dont sont victimes les enfants. Or, aujourd'hui, malgré les avancées permises par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, nous nous trouvons confrontés à des situations paradoxales.

Il n'est pas clairement indiqué dans la loi que les médecins ont l'obligation de signaler. La formule « impose ou autorise » permet l'une ou l'autre des interprétations et crée une ambiguïté. Il serait donc nécessaire que la loi impose clairement aux médecins de signaler les maltraitances ou abus sexuels dans certains cas.

Il s'agit, en outre, de préciser quels sont ces cas. Je souhaiterais en particulier que soit mentionnée la grossesse. Quand elle est causée par un abus sexuel, la levée du secret professionnel s'impose. Or, aujourd'hui, la grossesse n'est pas considérée comme relevant des situations de fragilité de la personne autorisant cette levée.

Enfin, il s'agit d'éviter que les médecins qui adressent un signalement soient poursuivis. Nous sommes là au coeur d'un problème particulièrement complexe. En vertu de l'article 226-14 du code pénal, les médecins doivent adresser un signalement mais il revient au juge de décider s'ils instruisent ou s'ils poursuivent. Dans les cas où les faits sont qualifiés et où la justice intervient pour sanctionner l'abuseur, les médecins sont à peu tranquilles. En revanche, si un non-lieu est prononcé, le médecin ayant alerté les autorités en toute bonne foi est susceptible d'être poursuivi, y compris au pénal, pour dénonciation calomnieuse. Certains médecins ont vu leur carrière professionnelle, voire leur vie familiale et personnelle gâchées dans de telles affaires.

Le médecin ayant effectué un signalement est donc exposé au risque d'être poursuivi si le juge décide de ne pas donner suite à ce qui a motivé le signalement. Cependantt les articles 226-3, 434-1 à 3 du code pénal sanctionnent les médecins qui n'auraient pas effectué de signalement, notamment lorsque des abus ou des maltraitances graves sont constatés sur les enfants – ce fut le cas lors du verdict de la cour d'assises de Douai le 6 novembre 2008.

Les médecins sont donc confrontés à un terrible dilemme : soit ils adressent un signalement et ils risquent d'être poursuivis s'il n'y a pas de suites judiciaires ; soit ils n'effectuent pas de signalement, et ils sont poursuivis si des maltraitances et des abus sont constatés.

Je souhaiterais donc que l'on puisse clarifier cette situation.

J'ajoute que j'ai reçu un soutien spontané de la part d'un médecin, qui m'a autorisé à citer son nom. Il s'agit du docteur Jean-Louis Chabernaud, pédiatre, praticien hospitalier et président du syndicat national des pédiatres en établissement hospitalier. Voici ce qu'il m'écrit dans son courriel : « Ces amendements sont extrêmement importants parce qu'ils permettront que nos collègues qui sont amenés à signaler ne soient l'objet d'aucune sanction ou poursuite de quelque ordre que ce soit. Ayant déjà défendu plusieurs collègues obstétriciens etou pédiatres par le passé, je suis prêt à soutenir publiquement votre initiative ».

Je ne suis pas médecin, mais je travaille depuis quelques années sur la protection de l'enfance. Dans le cadre de la loi Jacob de 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, Mme Adam et moi-même avions fait voter un amendement visant à protéger des sanctions disciplinaires les médecins qui signalent. Il s'avère que les sanctions disciplinaires continuent pour certains et que des poursuites pénales sont engagées lorsque les faits ne sont pas qualifiés par la justice.

Aussi, je souhaite que cet amendement, qui protège définitivement les médecins, soit adopté. Nous avons tous compris que, si les médecins ne constatent pas les faits, les enfants victimes d'incestes, crimes odieux commis dans le cercle familial, crimes dont on ne peut parler à personne parce qu'ils sont commis par les parents, ne pourront toujours pas parler des faits à l'âge adulte.

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