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Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 28 avril 2009 à 21h45
Lutte contre l'inceste sur les mineurs — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Une manière aussi désinvolte de traiter de ce sujet, et surtout de traiter les parlementaires prêts à s'investir dans ce travail ne me semble pas acceptable.

Nous ne comprenons pas davantage qu'on ait recouru à la procédure accélérée. Une procédure parlementaire normale aurait été le moins qu'on puisse attendre pour traiter de ce sujet comme il le mérite.

La maturation de la réflexion n'a pas pu se faire. Au bout de quatre semaines, dont deux semaines d'interruption des travaux de notre assemblée, il ne serait pas sérieux de prétendre que nous avons abordé ce sujet important comme il aurait dû l'être.

Cela est d'autant plus regrettable que la plupart des grandes associations intervenant sur le sujet, que nous avons consultées, nous ont dit qu'elles n'avaient pas été auditionnées par la rapporteure, et ce alors même qu'elles reçoivent des crédits pour améliorer l'écoute des victimes. L'Enfant bleu, Enfance et Partage, la Voix de l'Enfant auraient aimé pouvoir parler avec vous de ce texte. Le Planning familial lui-même n'a pas été entendu ! Des personnalités importantes, comme Mme Claire Brisset ou Mme Versini, ancienne et actuelle défenseures des enfants, n'ont pas non plus été auditionnées, alors que cela aurait été très profitable.

Si l'on compare à ce qui s'est fait sur d'autres thèmes, par exemple sur les lois bioéthiques, sur la loi funéraire ou sur la question de la fin de vie, il apparaît que nous n'avons pas travaillé comme le sujet le méritait. Je le regrette. C'est pourquoi la proposition formulée par notre collègue Vaxès me semble extrêmement importante et mérite d'être creusée.

Du coup, beaucoup d'interrogations subsistent sur des points importants. S'agissant par exemple du périmètre à retenir pour définir l'infraction, nous avons avancé sur la question de savoir s'il fallait ou non nommer l'inceste, mais si nous nous félicitons qu'on ait répondu par la positive, ne faut-il pas alors caractériser l'inceste pédophile ? Vous n'avez pas répondu à cette question. La pédophilie est pourtant, elle aussi, un crime particulièrement odieux.

La proposition de loi propose une notion de la famille extrêmement large : elle inclut non seulement la famille biologique, mais également la famille juridique. Là encore, la question que nous avons posée n'a pas reçu de réponse. Est-il opportun que la définition pénale de l'inceste soit plus large que la définition civile ? En effet, en matière de prohibition du mariage, il existe des possibilités de régularisation ou de dispense qui seraient de nature à contrecarrer les dispositions que vous proposez pour l'incrimination de l'inceste.

D'autre part, vous ne nous avez pas expliqué comment il était possible de modifier l'ordre juridique existant en introduisant une nouvelle infraction qui constitue une circonstance aggravante, si l'on ne modifie pas, parallèlement, les dispositions qui déterminent la gravité des faits et les peines encourues. Les magistrats eux-mêmes s'interrogent beaucoup en ce moment sur les conséquences de ce texte, qui pourrait bouleverser l'ordonnancement juridique actuel.

Certains de nos collègues ont exposé avec beaucoup de chaleur et de talent les raisons pour lesquelles ils étaient prêts à soutenir ce texte. Mais ce qui étonnant, c'est que l'on ne trouve pas dans vos propositions les réponses aux observations qu'ils ont présentées.

Par exemple, Mme Martinez nous a parlé avec beaucoup de justesse des médecins qui, par crainte des poursuites, hésitent à dénoncer des faits qui s'avèreraient non fondés. J'ai beau regarder, je n'ai pas vu dans ce texte une réponse à ce problème.

On nous a parlé de l'interdiction de replacer l'enfant victime dans sa famille. Là encore, nous n'avons pas vu, dans le texte, de dispositions en ce sens.

Notre collègue Lagarde, qui a été comme d'habitude extrêmement brillant, nous a dit que le texte allait permettre une meilleure prévention. Le problème est que la partie de la proposition de loi qui prévoyait des structures spécialisées a été laminée par le jeu de l'article 40.

C'est là qu'on se rend compte que nous avons intérêt à travailler ensemble. Un adage populaire dit qu'on est plus intelligent à plusieurs que tout seul. J'ai parfois l'impression que ce qui est en train de se passer le confirme.

Autre question non résolue : l'âge de la majorité sexuelle est-il ou non modifié par cette proposition de loi ? La mission Estrosi avait proposé de confirmer l'aggravation des peines jusqu'à l'âge de quinze ans, et de maintenir l'article 227-27 pour les actes incestueux commis sur des mineurs de quinze à dix-huit ans, mais en augmentant dans ce cas la peine pour atteinte sexuelle. Pourquoi cette proposition n'a-t-elle pas été retenue ? On ne sait pas et, dès lors, on ne saisit pas clairement ce que vous avez décidé sur cette question de l'âge de la majorité sexuelle.

Nous sommes d'accord pour définir de manière beaucoup plus souple la notion de contrainte, car cela peut éviter des débats extrêmement désagréables pour la victime. Mais comme vous n'avez pas changé la définition légale du viol, la question se pose de savoir quelles conséquences va entraîner cette modification de la notion de contrainte dans le cas d'un viol par ascendant. En effet, on continuera, dans ces situations, de se demander s'il y a eu ou non contrainte ou violence. Il faudrait que les choses soient claires sur ce point. Modifier la notion de contrainte est une avancée, mais on ne voit pas très bien comment cela s'articule avec les dispositions existantes en matière de viol.

Par ailleurs, le rapport Estrosi avait avancé quelques idées intéressantes sur la question des peines complémentaires. Il proposait par exemple le retrait systématique, par la juridiction de jugement, de l'autorité parentale. Il est vrai que cela pouvait poser question, car nous savons que dans certains cas, c'est l'un des parents qui dénonce les faits et accompagne la victime devant le juge. Mais pourquoi cette disposition a-t-elle disparu sans qu'on en entende parler ? Là encore, on ne sait pas. Elle pouvait pourtant être considérée comme extrêmement intéressante.

Je ne reviendrai pas sur la formation des professionnels de santé, ni sur les structures spécialisées. Je rappellerai seulement que le rapport Estrosi proposait de renforcer la prévention en améliorant le traitement des agresseurs sexuels. Et si l'on veut développer la prévention, on doit bien évidemment, non seulement entendre et accompagner les victimes, mais aussi améliorer la compréhension du comportement des auteurs et le traitement dont ils peuvent faire l'objet. Un certain nombre de propositions en ce sens avaient été retenues. Nous ne savons pas si vous les avez écartées parce que vous estimez que ce qui a été fait est suffisant et a permis d'aboutir à un résultat correct. Quoi qu'il en soit, nous sommes amenés à travailler sur cette question sans qu'ait été dressé le bilan des dispositions existantes.

On nous dit qu'il n'y a pas eu de travail sur ce sujet depuis un certain temps. C'est un peu injuste quand on songe à ce qui a été fait par Élisabeth Guigou en 1998, mais aussi par Dominique Perben en 2004, puis par Pascal Clément. La loi Bas sur la protection de l'enfance a elle aussi introduit un certain nombre de mécanismes très importants. Or voici qu'à vous entendre, il faudrait travailler à partir de rien ! Nous savons pourtant parfaitement que des lois existent, et le minimum eût été d'en faire le bilan.

S'agissant par exemple du suivi des criminels sexuels, il est indiscutable que des mesures avaient été prises. Mais, selon les informations que nous avons, ce sont les moyens qui ont fait défaut pour mettre ces dispositions en oeuvre.

Vous nous avez fait travailler à nouveau sur cette question des délinquants sexuels dès le début de cette législature, en 2007. Mme Dati nous avait alors proposé un certain nombre de mesures, en particulier la rétention de sûreté. Là encore, nous aimerions bien savoir ce qu'elle pense de ce qui est dit ici, à savoir que rien n'a été fait en la matière. Car il semble raisonnable de penser – mais peut-être n'est-ce pas votre avis ? – que les dispositions existantes pour le suivi et le traitement des affaires sexuelles peuvent être utilement appliquées au profit des victimes de l'inceste.

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