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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 25 juin 2009 à 9h30
Rémunération des salariés concernés par une procédure de reclassement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Monsieur le ministre, permettez-moi de saluer votre présence dans vos nouvelles fonctions et votre présence physique parmi nous, ce matin. Votre prédécesseur, lui, ne jugeait pas utile de nous honorer de la sienne, lorsque nous abordions des textes relevant pourtant de la compétence du ministère du travail.

Nous le disons tous, la crise est là, et ses conséquences sociales vont s'accentuer dans les prochains mois. Quelle que soit l'analyse qui en est faite, quelles que soient les prévisions relatives à la date de sortie de la récession, nous pouvons nous accorder pour considérer que la montée du chômage se poursuivra bien au-delà de la fin de la période de crise au sens strict. Certains économistes pensent même que le chômage pourrait augmenter jusque vers la fin de l'année 2011.

De fait, l'actualité est rythmée par l'annonce régulière de plans sociaux. Il y a une dizaine de jours, Michelin annonçait une réduction massive de ses effectifs, dont 340 postes dans mon propre département, l'Indre-et-Loire, alors même que le groupe fait des bénéfices. Certains plans sociaux proposés aux salariés sont incontestablement sérieux, d'autres moins. Ainsi que cela a été abondamment rappelé ce matin, certaines propositions scandaleuses et humiliantes ont été faites : une entreprise a offert un reclassement en Inde pour 69 euros mensuels, une autre en Roumanie pour 110 euros, une autre encore en Turquie pour 230 euros ou au Brésil pour 315 euros !

Face à des annonces aussi scandaleuses, un consensus s'est dégagé. La présidente du MEDEF, elle-même, a jugé « honteux, humiliant, sadique, inacceptable » de formuler de telles propositions. Mais, si Mme Parisot nous a habitués à ses accès d'indignation, ils sont rarement suivis d'effet ! Ainsi des rémunérations délirantes que s'octroient certains dirigeants d'entreprise ; ainsi, aujourd'hui, de ces nouveaux comportements de « patron voyou » – comment les qualifier autrement ?

Nous voterons naturellement cette proposition de loi, bien que certains arguments avancés nous laissent quelque peu pantois. À écouter les débats en commission, les expressions employées par certains, tout serait la faute du Conseil d'État et des juges, des méchants juges qui auraient contraint les dirigeants des entreprises concernées à aller contre leur volonté, contre leur sentiment naturel – ces dirigeants prétendant qu'ils savaient que les salariés licenciés n'accepteraient pas ces propositions dont l'arrêt du Conseil d'État du 4 février 2004 aurait rendu obligatoire la transmission. Mais encore faut-il bien lire les décisions de justice dont on parle ! Les juges n'ont évidemment pas dit qu'il fallait proposer des salaires dérisoires. Ils ont simplement indiqué qu'une offre de reclassement devait prendre en compte toutes les possibilités existantes au sein d'un groupe, y compris hors de France ! Ils n'ont évidemment pas statué sur le niveau de la rémunération à proposer, mais ils n'ont nullement indiqué que c'était une voie acceptable. Je ne crois donc pas qu'il soit judicieux – et je rejoins la formule de mon collègue Michel Liebgott – de se joindre à une espèce de concert d'optimisme béat sur les bons sentiments des responsables d'entreprise. Certains ont été, à mon sens, au-delà de ce que la décence commandait !

Puisque la jurisprudence n'a pas rendu impossibles ces comportements, il est nécessaire de légiférer. Cette proposition de loi, dont je rappelle que nous la voterons, est équilibrée. Elle apporte de nouvelles garanties aux salariés, offre incontestablement une meilleure visibilité juridique aux employeurs et permet aux salariés qui le souhaitent de partir à l'étranger dans des conditions décentes.

Ce texte précise, de plus, que ce reclassement des salariés à l'étranger se fera sur la base du volontariat. Je ne rejoins pas, en cela, les réserves émises par notre collègue Jean-Frédéric Poisson. Je pense, en effet, qu'à partir du moment où il s'agit de recueillir le consentement d'un salarié, il est nécessaire, même si cela entraîne des procédures un peu lourdes, de s'entourer de garanties afin de s'assurer que ce consentement n'est pas vicié. Il faut aussi laisser au salarié le temps d'apprécier les propositions qui lui sont faites et de décider face à une alternative, si alternative il y a. Je ne crois donc pas qu'il soit excessivement bureaucratique d'exiger de l'employeur qu'il envoie une lettre recommandée à ses salariés licenciés pour s'assurer de leur consentement.

Je me réjouis aussi – cela a déjà été souligné – que le rapporteur ait accepté, en commission, de supprimer la référence à la notion d'ordre public social français : son caractère restrictif aurait abouti à proposer à des salariés –cadres ou ouvriers qualifiés, notamment – des employés payés au SMIC, alors que leurs rémunérations initiales étaient nettement supérieures.

Si toutes ces dispositions vont dans le bon sens, elles ne représentent toutefois qu'une goutte d'eau dans un océan. Je ne formule pas, en disant cela, une critique à l'encontre du rapporteur : les enjeux se situent bien au-delà. Il faut que le Gouvernement recoure à des solutions plus fortes, volontaristes, pour faire face aux difficultés soulevées par ces plans sociaux. En situation de crise, recourir aux plans de reclassement « classiques » ne suffit pas dans la mesure où il n'y a pas d'emploi. Un salarié licencié dans un secteur donné ne parviendra pas, même avec le meilleur soutien du monde, à se reclasser facilement. Un salarié de Michelin âgé de plus de cinquante ans ne deviendra pas cuisinier en quelques semaines !

Dans ce contexte, il y a, à l'évidence, de mauvaises solutions. Je pense en particulier à la tentation, manifeste, de proposer des plans de départ en retraite anticipée pour les salariés de plus de cinquante-cinq ans. Je comprends que ceux qui ont travaillé des décennies, qui ont commencé parfois jeunes, qui ont pu exercer des métiers usants, soient satisfaits de ce type de propositions. Mais il faut être cohérent : la réponse au défi du financement de nos régimes de retraite ne réside pas, selon moi, dans le report de l'âge légal de départ à la retraite, compte tenu de la situation actuelle de l'emploi des plus de cinquante-cinq ans dans notre pays. Je comprends l'intérêt partagé que peuvent y trouver employeurs et salariés, mais il ne serait pas acceptable de considérer qu'après cinquante-cinq ans, voire avant, les salariés ne sont plus aptes à travailler ou même à être formés. La réponse essentielle est bien celle de la formation, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elle est la grande faiblesse de notre système social. Le Président de la République a annoncé à Versailles qu'il souhaitait étendre le contrat de transition professionnelle, pour un an, à tous les salariés licenciés pour motif économique. Enfin, ai-je envie de dire ! Mais quelle suite entendez-vous donner à cette annonce, alors que les socialistes vous réclament cette mesure depuis des mois, et vous l'ont même proposée, le 30 avril dernier encore, sous une forme plus ambitieuse,…

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