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Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 9 janvier 2008 à 21h30
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou :

Nous sommes extrêmement émus par le sort des victimes d'actes commis par des irresponsables mentaux et, comme vous, madame Martinez, nous avons en mémoire certains drames récents.

Depuis vingt-cinq ans, c'est-à-dire depuis que Robert Badinter a initié les premières politiques d'aide aux victimes en prévoyant leur présence au procès pénal, la loi n'a cessé d'être améliorée à cet égard. Je rappelle par exemple que celle du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence a instauré de nouveaux droits fondamentaux pour les victimes, qui, au cours d'un procès pénal, peuvent demander des expertises, des transports sur place ou des actes d'instruction, de sorte qu'elles ont acquis une place importante dans le procès.

Mais il faut veiller à ne pas dénaturer celui-ci. Je comprends la douleur des victimes, leur volonté d'obtenir des explications et le fait que le terme de non-lieu soit pour elles inacceptable. Mais il faut leur apporter les explications auxquelles elles peuvent prétendre – puisque les faits ont été commis – sans que soient piétinés les principes fondamentaux de notre État de droit. Or l'un d'eux précise que nul ne peut être jugé s'il n'est pas responsable de ses actes. C'est la Révolution, rappelons-le, qui a mis fin au jugement des personnes mentalement irresponsables.

Le projet de loi est certes moins inquiétant que ne l'était l'avant-projet. Mais il pose tout de même des problèmes de nature constitutionnelle.

Il est particulièrement troublant de remarquer que la procédure que vous prévoyez ressemble point pour point à celle de la cour d'assises. Or on doit éviter toute confusion entre l'une et l'autre, notamment en n'imposant pas la présence du malade mental au cours du procès public. Le dispositif que vous voulez mettre en place bafoue le principe de la présomption d'innocence, puisque la chambre de l'instruction sera compétente tant pour évaluer la responsabilité de la personne que pour examiner la manière dont les faits se sont déroulés. M. Le Bouillonnec a insisté à juste titre sur la notion fondamentale d'imputabilité. En chargeant la chambre de l'instruction de déterminer la responsabilité des auteurs présumés, et non pas seulement d'évaluer les charges retenues contre eux, le projet de loi identifie de manière frappante la chambre de l'instruction à une juridiction de jugement. Or c'est précisément la distinction entre ces deux juridictions, l'une d'instruction, l'autre de jugement, qui garantit la présomption d'innocence.

En outre, je doute que cette procédure apporte un réel réconfort aux victimes. La confrontation physique avec un malade mental auteur d'un crime n'apporte ni explication ni réparation. C'est un drame ajouté à un autre drame.

Enfin, je reconnais comme vous, monsieur Garraud, que le droit doit évoluer, mais il doit le faire dans le respect de certains principes fondamentaux. Jusqu'à présent, qu'il s'agisse de la loi Perben ou de la loi Clément de 2005, nous avons discuté des dispositions qui leur demeuraient fidèles. Ainsi, le recours au bracelet mobile n'était prévu que dans le cadre de l'exécution de la peine et dans la limite d'une réduction de sa durée. Ce texte est différent, puisqu'il piétine trois principes fondamentaux.

L'article 3 remet en cause le principe de la présomption d'innocence, issu de l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose que tout homme est présumé innocent tant qu'il n'a pas été déclaré coupable.

Il tourne le dos à un deuxième principe, qui veut qu'on ne puisse imposer une peine sans qu'un acte ait été commis, prouvé et jugé.

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